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Interview. Près de deux mois après les élections législatives, Emmanuel Macron n'a toujours pas nommé de Premier ministre. Après cinq jours de consultations, le chef de l'État continue ses rendez-vous à l'Elysée. Une attente qui commence à se faire longue. Thomas Guénolé, politologue, a accepté de répondre à nos questions pour Planet.
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Plus de cinquante jours après la victoire relative du Nouveau Front Populaire aux élections législatives anticipées, il n'y a toujours pas de nom à Matignon pour remplacer le Premier ministre démissionnaire Gabriel Attal. 

Le lundi 26 août, Emmanuel Macron a écarté l'option NFP après une première série de consultation à l'Elysée. Depuis, le chef de l'Etat poursuit sa seconde série de consultation. Reçus ce mercredi 29 août à l'Élysée, les représentants LR Annie Genevard, Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau ont jugé leur entretien "décevant" et Emmanuel Macron ne semble pas pressé de nommer son Premier ministre. 

Pour Planet, Thomas Guénolé, politologue, fait le point sur le flou politique actuel.

Planet : Le pays a-t-il besoin d’un Premier ministre ?

Thomas Guénolé :  Pour la gestion du pays au quotidien, l'administration française est efficace, donc l'absence de gouvernement ne pose pas de problème. Pour l'adoption du budget annuel, en revanche, un gouvernement est nécessaire afin de mettre sur les rails la Loi de finances et la Loi de financement de la Sécurité sociale. Mais au pire, on peut faire sans, car si aucune des deux n'est adoptée dans les temps, automatiquement le budget de l'année dernière sera renouvelé tel quel. Autrement dit, on peut tenir très longtemps sans gouvernement

Cela étant, cette situation de grand foutoir, de déliquescence manifeste du régime politique français, déroule le tapis rouge à l'extrême droite. Il suffit à Le Pen de promettre l'ordre au lieu de ce chaos. C'est dangereux pour la République. Il faut donc que ce cirque cesse rapidement.

"Le président de la République nomme qui il veut Premier ministre"

Planet : Emmanuel Macron peut-il vraiment exclure le NFP et le RN des secondes consultations ? 

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Thomas Guénolé : Oui. En réalité, le président de la République peut nommer qui il veut au poste de Premier ministre. Le chef du gouvernement n'a même pas besoin obligatoirement d'un vote de confiance de l'Assemblée. En revanche, l'Assemblée est libre de censurer le gouvernement, à la majorité absolue

Il faut donc trouver une combinaison qui n'ait pas la majorité absolue contre lui. 

Planet : Alors qu'il ne semble pas pressé de choisir son Premier ministre, Emmanuel Macron est-il en faute ? 

Thomas Guénolé : Du strict point de vue de la Constitution, le président de la République nomme qui il veut Premier ministre. À charge pour l'Assemblée de laisser le gouvernement vivre ou de le censurer.

À titre personnel, je pense que le président de la République, par respect envers le verdict des urnes, aurait dû nommer Première ministre la candidate du bloc arrivé en tête en sièges, le NFP. Ce gouvernement serait probablement censuré, certes, mais il n'appartient pas au président de la République d'en déduire qu'il peut nommer quelqu'un d'autre. 

"La vraie menace de dérive dictatoriale, c'est l'extrême droite"

Planet : À ce stade, que se passerait-il si Emmanuel Macron démissionnait ? 

Thomas Guénolé : Le président du Sénat deviendrait président de la République par intérim, et une élection présidentielle serait organisée dans un mois environ. Mais le président suivant n'aurait pas le droit de dissoudre l'Assemblée avant fin juin 2025, donc le problème demeurerait entier.

Planet :  Emmanuel Macron est comparé à Trump par Fabien Roussel. François Ruffin le surnomme le "roi-soleil" ou encore le "minable Machiavel". La presse britannique le surnomme le "Jupiter roi des Dieux" ou encore "le maître des horloges auto-proclamé". Pourquoi ce vocabulaire est-il utilisé pour le désigner ?

Thomas Guénolé : La plupart des surnoms dont Emmanuel Macron est affublé l'accusent d'être un dictateur. C'est une faute, car c'est comme la fable de l'enfant et du loup : la vraie menace de dérive dictatoriale, c'est l'extrême droite, et non pas les centristes, conclut le politologue.