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INTERVIEW. À quelques jours de l'ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024 et suite à la proposition du Nouveau Front Populaire de nommer Lucie Castets comme Première ministre, le chef de l'État a été invité sur France 2 et Radio France, le mardi 23 juillet. Stephen Bunard, coach sur la communication authentique et auteur de “Vos gestes disent tout haut ce que vous pensez tout bas”, nous livre son analyse.
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Ce mardi 23 juillet, Emmanuel Macron a été interrogé par Nathalie Lanetta, cheffe des sports de Radio France, et Thomas Sotto, journaliste à France 2. A seulement trois jours de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris, prévue pour le 26 juillet, et un peu plus de trois semaines après le second tour des élections législatives qui ont suivi la dissolution de l’Assemblée nationale par le président, cette interview était plus qu’attendue

Emmanuel Macron a affirmé avoir décidé de dissoudre l’Assemblée "en conscience" et estimé qu’il avait "pris ses responsabilités" en demandant aux Français de faire un choix dans une situation qu’il jugeait incertaine. "J’ai fait ce choix en conscience avec beaucoup de gravité car l’Assemblée nationale ne correspondait plus à la société française", a-t-il affirmé.

Concernant la nomination d’un Premier ministre, le chef de l’Etat ne l’entend pas de cette oreille. "Jusqu’à la mi-août, nous ne sommes pas en mesure de changer les choses", a déclaré le président de la République. Il a expliqué que le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal continuera de gérer les affaires courantes au moins jusqu’à la fin des Jeux Olympiques 2024.

Ainsi, le chef de l’État n’a pas confirmé la nomination de Lucie Castets, candidate du Nouveau Front Populaire, à Matignon, malgré l'annonce de cette proposition mardi soir, juste avant son interview. Une impasse politique qui reste de s’étendre dans le temps, jusqu'à que son choix soit acté.

Pour Planet, Stephen Bunard, coach sur la communication authentique et auteur de “Vos gestes disent tout haut ce que vous pensez tout bas”, donne son analyse de l’interview mais aussi du langage utilisé par le chef de l’Etat jusqu’ici.

Planet : Suite à son interview, que révèle le langage corporel d’Emmanuel Macron ?

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Stephen Bunard : Sur le plan du langage corporel, j’ai trouvé Emmanuel Macron beaucoup plus souriant que d’habitude. Je dirais même requinqué par l’épisode électoral et le désordre législatif qui en suit. Il y a eu, plusieurs fois, un mouvement où avec l'index et le pouce, il se caresse les commissures des lèvres. Il a sans doute conscience de marcher sur des œufs et quand on se frotte les commissures des lèvres, c’est qu’on attire l’attention sur le fait qu’on va essayer d’être le plus précis possible sur la façon dont les mots sont choisis”, observe Stephen Bunard. “Il a de l’aplomb, un certain contentement et la conscience que son propos est attendu”. 

Planet : Emmanuel Macron utilise souvent un lexique de guerre lors de ses prises de paroles, comme la “trêve politique” ou encore la “guerre”, qu’est-ce que ça signifie ?

Stephen Bunard : Concernant les mots qui relèvent du contexte guerrier, ce sont des choses qui nous ont déjà été servies. Souvenez-vous pendant le covid, il y a avait eu cette anaphore : “nous sommes en guerre”. Cette dramatisation d’une situation qu’elle soit sanitaire, politique ou autre, est toujours profitable à un dirigeant de pays puisque c’est dans les temps de crises, dans les temps d’incertitude, que les gens font bloc ou recherche un homme providentiel

Cette rhétorique guerrière, elle sert ses intérêts. Il faut rappeler qu’on est dans un contexte où on célèbre les 80 ans du débarquement, il y a un contexte entre l'Israël et la Palestine qui est violent, il y a la guerre en Ukraine. Macron en treillis de chef de guerre par moment, profite des opportunités pour faire la paix dans son discours, en utilisant des mots comme “concorde”, “unir, “stabilité”, qui sont très éloigné. 

Planet : quelle est la stratégie politique mise en place ?

Stephen Bunard : Dans les années 90, Jacques Chirac avait parlé de la fracture sociale pour se faire élire. Dans un monde où il y a une fracture, le chef de l’Etat est le garant de la stabilité. Ce vocabulaire guerrier permet de créer de l’émotion, de continuer à être dans une espèce de management de la peur. Il y a un effet dilatoire, on gagne du temps. Il y a aussi un effet d’épuisement de ses adversaires, on cherche à les rendre fous comme avec l’épisode Lucie Castets

Il faut toujours lire Macron à travers l’ultime modèle qui pour lui est François Mitterrand, c'est-à dire le machiavélisme : laisser les autres s’embourber dans des sables mouvant et se débattre, en changeant le sens du cadre, pour rendre les autres irresponsables. Mon problème n’est plus mon problème, il devient le problème des autres, c’est la grande capacité de Mitterrand à renverser l’ordre de la pensée.

Macron : le maître des horloges 

Stephen Bunard : A l’approche des Jo qui va être comparé au jeux du cirque, on a voulu faire de lui l’arbitre des élégances, comme Pétrone qui était le favori de Néron qui contrôlait tout le faste, tout le bling-bling impérial, Macron ne se résout pas à ce rôle-là et montre qu’il se voit en Néron.

C’est comme au théâtre : c'est moi qui suit le maître des horloges, qui décide du temps, c’est moi qui décide du focus sur le lieu, la scène, les yeux braqués sur Paris et les JO. Et puis c’est moi qui décide du ressort de l’intrigue et scène par scène, c’est moi qui décide du visage et du focus que doivent avoir les gens sur telle ou telle situation.

Plus ce sera le désordre sur le plan international et sur le plan interne, plus ça va favoriser, si on suit les métaphores théâtrales, le fameux Deus Ex Machina, le Dieu qui sort de sa machine et qui, face au désordre ambiant, vient nous rassurer et trouver un dénouement favorable aux situations tragiques que l’on vit. C’est donc cette posture impériale et divine, que d’une manière non consciente, Macron a adoptée.