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Le viager, on n'y pense pas assez. C'est pourtant une valeur sûre pour les investisseurs qui profitent d'un bon rendement même en cas de période économique compliquée, et pour les retraités, qui peuvent s'assurer un revenu complémentaire défiscalisé selon la formule choisie. Entretien avec Stanley Nahon, directeur de Renée Costes, réseau leader du secteur en France.
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Le célèbre et excellent film du même nom, réalisé en 1971 par Pierre Tchernia avec Michel Serrault en rentier indestructible, a rendu ce type de transaction très particulier célèbre pendant un temps. Mais, aujourd'hui, le viager est sorti des habitudes des Français lorsqu'il s'agit d'investir dans l'immobilier ou de se constituer un patrimoine "liquide" à léguer à ses enfants. 

On a tendance à penser que le viager consiste uniquement à acheter un bien à une personne âgée qui continue à l'habiter jusqu'à sa mort, avant d'en devenir pleinement propriétaire. Mais l'offre a évolué, comme nous l'explique Stanley Nahon, directeur du groupe Rénée Costes, réseau spécialisé leader de ce secteur en France. Après une année 2024 en très légère croissance, 2025 devrait retrouver les 6-7 % de croissance annuelle constatés ces dernières années.

Planet.fr : Quelle expertise apporte Renée Costes sur le viager ?

Stanley Nahon : La société, familiale, est plus que centenaire et compte plus de 200 experts à travers la France. Notre réseau d'agences se développe. Il n'y a pas si longtemps, la pratique du viager était limitée à la région parisienne et à la Côte d'Azur, comme à Nice notamment. Dorénavant elle se démocratise sur tout le territoire. De par ce siècle d'expérience et le maillage que nous mettons en place, nous avons une vue globale très précise du marché.

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Planet.fr : Et quel est l'état de ce marché ?

Stanley Nahon : Le viager reste limité à environ 6 000 transactions par an en moyenne (dont 2 000 sont réalisées par Renée Costes, ndlr), donc est encore relativement confidentiel. Mais les choses commencent à bouger car l'offre a évolué. Les investisseurs sont sûrs d'obtenir un bon rendement et les seniors d'avoir, avec ce complément de retraite, un niveau de vie confortable. 

Le viager favorise les deux parties : investisseurs et retraités

Planet.fr : Vous dites que l'offre a évolué. En terme de formules ?

Stanley Nahon : Oui, il existe plusieurs formats de monétisation immobilière qui permettent de répondre aux besoins spécifique de chaque retraité. Le principal est le viager traditionnel. Une partie du montant total de l'achat (le "bouquet", ndlr) est versée - de 50 à 60 % - lors de la signature. Le retraité vend les "murs" mais garde la jouissance du bien, qu'on appelle le droit d'usage et d'habitation (qui est différent de l'usufruit). Il perçoit ensuite tous les mois le reste de la somme (la rente viagère, ndlr), généralement indexée sur l'inflation, à vie. Cela représente la majorité des transactions (au contraire du viager libre, ndlr). L'acheteur lui bénéficie d'un prix d'achat réduit par une décote, due notamment à la future durée d'occupation du logement, et étale l'intégralité du paiement sur la longueur grâce au versement des rentes.

Planet.fr : Mais avec l'augmentation de l'espérance de vie, ça n'est pas risqué, par exemple si le retraité devient centenaire ?

Stanley Nahon : Non. En réalité, l'investissement moyen pour l'acquéreur est d'environ 15 ans. En partant de là, on parle d'une rentabilité moyenne qui s'établit à 6-7 % par an à moyen terme. Les investisseurs sont à plus de 90 % des particuliers. Il y aussi des institutions comme la Caisse des dépôts, qui nous a choisis comme partenaire du fonds viager solidaire Certivia, ce qui renforce notre légitimité.  

Planet.fr : Quelle différence entre le droit d'usage et d'habitation et l'usufruit ?

Stanley Nahon : L'usufruit dans le viager permet au retraité de quitter le logement et de le louer. Il perçoit donc un loyer tout en touchant sa rente viagère mais doit s'acquitter des charges et de la taxe foncière. Le viager avec droit d'usage ne permet pas de louer son bien mais unecompensation financière est payée par l’investisseur en cas de libération du bien paranticipation.

La vente en nue-propriété gagne du terrain 

Planet.fr : Quels sont les particularités des autres formules de monétisation immobilière ?

Stanley Nahon :  Il y a la rente en nue-propriété, notre autre spécialité, j'y reviendrai. La troisième formule est la cession "bail à vie". C'est nouveau, développé par Renée Costes :  cela permet au vendeur de céder son bien tout en signant chez le notaire, avec l'acheteur, un bail de location à vie. Dans ce cas, il continue d'occuper le logement contre loyer tant qu'il le souhaite mais peut aussi décider de partir quand il le veut. Le retraité touche l'intégralité de la somme de la vente et, tout en restant flexible, peut préparer sereinement sa succession à tout âge. Cela reste encore marginal (4 % des transactions, ndlr).

Planet.fr : La nue-propriété est un terme connu dans le cadre des successions. Que signifie-t-il dans le cadre d'un viager ?

Stanley Nahon : Le vente en nue-propriété part aussi sur la base d'un démembrement. La différence avec le viager traditionnel est que l'acheteur verse la somme en une seule fois. Le retraité touche donc le capital et ne bénéficie pas de rentes viagères par la suite. Il monétise son bien tout en continuant à y vivre, là aussi à vie. 

Planet.fr : Mais il ne touche pas de rente ? Ce n'est pas moins intéressant pour le vendeur ?

Stanley Nahon : Cela répond à un besoin différent ! Le vendeur profite dès le départ d'un capital plus important : 271 497 euros en moyenne d'après les chiffres de notre baromètre contre 76 242 euros en moyenne pour un viager classique, dont le bénéficiaire touche une rente à vie. Dans le cas d'un couple, la rente est réversible à 100 % pour le conjoint survivant comme une pension de retraite). Dans le premier cas, la valeur moyenne du bien vendu est de 436 877 euros, 267 085 euros dans le second. La vente en nue-propriété est souvent choisie par des ménages plus aisés qui n’ont pas besoin de revenus complémentaires mais plutôt d’un capital pour financer un projet ou faire des donations.

Le viager distribue 1,1 milliard d'euros de pouvoir d'achat aux retraités

Planet.fr : Quels sont les principaux avantages, dans les deux cas, pour les retraités ?

Stanley Nahon : La nue-propriété représente près de 25 % des transactions. La principale motivation des vendeurs est de profiter du capital important qu'ils perçoivent pour se faire plaisir (vacances...) et améliorer ses fins de mois. Le capital reçu est entièrement défiscalisé s'il s'agit de la résidence principale. La seconde intention est de pouvoir faire des donations et anticiper sa succession sereinement : c'est le but d'un quart des projets (64 % des vendeurs ont des enfants). 

Dans le cas du viager classique, la donation est aussi une motivation mais c'est le complément de pension qui fait la grande différence. Pour une transaction avec bouquet de 76 242 euros comme dans notre exemple, la rente mensuelle est d'environ 740 euros par mois, défiscalisée à hauteur de 70 % dès 70 ans, en sachant que l'âge moyen des vendeurs est de 74 ans. Elle augmentera chaque année avec l'indexation sur l'inflation. Et comme on ne paye plus de taxe foncière, ni certaines charges et travaux (article 606 du Code civil), on peut arrondir à 900 euros. Cela change tout dans le cadre d'une retraite ca cela permet là aussi d'améliorer largement le quotidien (petits plaisirs, vacances, restaurants, coiffeur...).

L'enjeu du viager au plan national est de redistribuer du pouvoir d'achat aux retraités : environ 1,1 milliards d'euros par an. Leur patrimoine à la base constitué par la pierre devient ainsi "liquide."

 Planet.fr :  Pourquoi la vente en nue-propriété joue un rôle important dans la succession ?

Stanley Nahon : Car elle permet de l'anticiper, notamment pour les familles recomposées, pour lesquelles on sait qu'il va y avoir des problèmes comme des indivisions... On est capable de faire des donations défiscalisées à ses enfants ou beaux-enfants, de flécher son capital de manière assez simple.  Le fait d’anticiper, de monétiser ce patrimoine immobilier, de sécuriser l’habitat pour le ou les vendeurs et de disposer d’un capital permet ainsi de gérer et d'organiser cette succession de manière asssez fluide. En effet, mieux vaut faire une donation de 100 000 euros défiscalisée de son vivant dans le cadre du viager que d'en léguer 150 000 en héritage qui seront très taxés dans 15 ans. 

Planet.fr : Pourquoi le viager est si peu connu ?

Stanley Nahon : Il l'était pourtant jusqu'à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Puis la retraite par répartition a été instaurée. Le marché est d'un coup devenu plus confidentiel et a pâti d'une mauvaise image, car le viager est une opération chargée émotionnellement, traitant de la vie et de la mort. Mais paradoxalement, on oublie que c'est la retraite par répartition qui est le plus gros schéma de rente viagère. Saut que si on décède deux ans après sont départ et avoir cotisé toute une vie, on n'aura pas touché grand chose... Le viager pallie cette problématique. Des freins sont en train d’être levés. La pratique est très encadrée notamment au niveau juridique. Les investisseur publics s'y mettent, comme la Caisse des dépôts encore une fois. Ils communiquent sur la thématique et font bouger les lignes.

Planet.fr : Qu'est-ce qui a changé ?

Stanley Nahon : C’était avant traité par de petites officines, avec peu de transparence sur les contrats. La gamme de solutions s'élargit et permet au secteur de se développer, de se professionnaliser. Nous assurons un accompagnement dans le temps de ces contrats (nous gérons environ 20 000 dossiers).  Les notaires prennent aussi conscience de l’utilité du viager dans l'amélioration de la vie des retraités et en parlent à leurs clients.

Planet.fr : Comment voyez-vous l'avenir ?

Stanley Nahon : Nos offres répondent clairement aux enjeux de 2025 : vieillissement de la population, pouvoir d'achat... %. Les retraités plébiscitent cette solution leur permettant d’améliorer leur pouvoir d’achat tandis que les investisseurs s’intéressent de plus en plus à la seule solution d’investissement dans la pierre non fiscalisée et sans gestion, qui permet d’obtenir un rendement de 6-7% par an sur le moyen terme.