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Il y a des parcours de vie singuliers. Comme l'est celui de Patrice, 67 ans, père de quatre enfants nés de deux mariages différents et qu'il ne voit plus ou presque. Il nous explique pourquoi les visites se font rares, de son côté comme de celui de sa progéniture. Une histoire peut être pas si rare qu'on le pense à l'ère du numérique.
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Patrice, 67 ans, né en 1957, a pris la décision dès son départ à la retraite à 60 ans et quelques de s'expatrier en bord de mer, quittant les Hauts-de-Seine (92) en banlieue parisienne. La vie étant parfois surprenante, il devait être rejoint par sa première femme, mère de deux de ses quatre enfants, avec qui il avait repris contact de longue date. Malheureusement, celle-ci est décédée brusquement en 2018. Il a donc réalisé son projet seul avec des conséquences inattendues. 

Planet.fr : Pouquoi ne voyez-vous presque plus vos enfants ? Est-ce de leur fait ou du vôtre ?

Patrice : C'est compliqué et peu commun, il faut d'abord poser le contexte. Je me suis marié en 1977 à 20 ans et j'ai eu mon premier garçon à 22 ans en 1979. Il en a aujourd'hui 45, c'était une autre époque. Puis un second est arrivé en 1987. Il a aujourd'hui 37 ans. On peut dire que ce sont de grands enfants (rires). En 1998, j'ai entamé une procédure de divorce et me suis remarié un peu plus tard avec une femme de 15 ans plus jeune que mois, avec qui j'ai eu deux filles qui ont aujourd'hui 24 et 21 ans. Cela n'a pas duré longtemps et depuis mon second divorce, je vis seul. Cela fait plus de 20 ans. J'ai l'habitude. Mais j'avais prévu autre chose.

Planet.fr : C'est-à-dire "autre chose" ?

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Patrice : J'avais renoué depuis plus de 10 ans avec ma première femme. On se fréquentait régulièrement, on se voyait aux réunions de famille et on partait même en vacances ensemble. On avait décidé de s'installer pas loin de la mer pour finir nos jours. D'avoir un point de chute pour nos proches. Malheureusement, elle est décédée subitement en 2018 d'un arrêt cardiaque alors qu'elle n'avait que 64 ans (elle était de 1954). J'ai, une fois le choc passé, revu mes plans et dû prendre un bien plus petit que prévu. Difficile dès lors d'héberger enfants et petits-enfants, qui vivent à plus de 200 kilomètres.

Un changement d'air qui change tout

Planet.fr : Mais eux peuvent vous héberger. Pourquoi ne pas leur rendre visite ?

Patrice : J'ai des problèmes de santé, du mal à me déplacer essentiellement. Et puis malgré une bonne retraite, avec le prix de l'essence, multiplier les allers-retours coûte excessivement cher. Et j'ai beaucoup de frais dont je vous épargne le détail. Je ne veux pas non plus quémander quoi que ce soit. De plus, mes filles vivent encore - pour l'instant - chez leur mère, qui s'est remariée. Mes fils ont chacun un studio donc...

Planet.fr : C'est quand vous avez déménagé que les visites ont diminué ?

Patrice : Oui, avant, j'avais la garde alternée de mes filles jusqu'à leurs 18 ans. Mes garçons étaient déjà grands mais je les voyais régulièrement le week-end, surtout l'ainé, qui était père et marié. Je voyais du coup mes petits-enfants également, tout petits. Tant que j'étais à "paris". Ensuite, ça a diminué petit à petit.

Loin des yeux , loin du cœur ?

Planet.fr : Pourquoi ?

Patrice : Pour plusieurs raisons. Quand mon fils ainé était marié, avec deux très jeunes enfants, c'était compliqué au moment des fêtes qui se passaient chez sa belle-famille. Et là encore je ne pouvais pas les héberger. Le cadet avait des problèmes. Quant à mes filles, elles passaient de temps en temps le week-end en venant me voir en train, mais hors périodes telles que Noël, Pâques, etc. Mais peu importe la période, ça je m'en fiche. Quand j'étais encore "en forme", je faisais le chemin inverse pour passer le samedi ou le dimanche avec elles.

Planet.fr : Et on imagine qu'en grandissant, ça s'est raréfié ?

Patrice : Oui bien sûr, elle sont devenues de grandes adolescentes, puis de jeunes adultes. Elles font de hautes études et ont chacun leur copain. A cet âge, cela prend plus de place dans leur vie, c'est normal. Concernant mes fils, le plus jeune venait me voir régulièrement quand il a eu son permis de conduire (très tard), mais il s'est fâché avec moi, je n'ai plus de nouvelles directes, je ne sais pas pourquoi (il n'a pas d'enfant). Quant à mon fils ainé qui a divorcé, ça a été très difficile pour lui. Lui n'a pas le permis. C'est son ex-femme qui m'amenait mes petits-enfants le vendredi soir et venait les chercher le dimanche, ça faisait de la route... Il le fait également de temps en temps, mais en train, en prenant une chambre d'hôtel. Je regrette de ne pas avoir les moyens de partir en vacances avec les un ou les autres.

Vive le numérique !

Planet.fr : Et comment faites-vous pour garder le contact ?

Patrice : Eh bien grâce à Internet essentiellement. J'ai dans mon ancien travail été initié à l'informatique très tôt donc je n'ai jamais eu de problème de ce côté là. Mon principal moyen de communication est la messagerie Whatsapp, et les photos. J'échange avec mes filles et mon fils ainé de cette façon (je ne suis pas très "téléphone"). Au début évidemment, on se parlait essentiellement par mail. J'imagine que c'est le cas dans beaucoup de familles ! 

Planet.fr : Vous regrettez la situation ?

Patrice : Oui bien sûr. Mais je me rends compte que la vie est compliquée pour tout le monde, j'ai aussi des soucis du côté de ma mère, de mes frères et sœurs. Surtout en ce moment avec la hausse des prix qui rend les déplacements plus difficiles, l'hôtel, le restaurant plus chers, etc. Je m'estime déjà heureux d'avoir une bonne retraite. Viendra un moment où les liens se ressererront.

Planet.fr : Mais vous ne comptez pas revenir en région parisienne pour renouer ces liens justement ?

Patrice :Ca jamais, revenir en région parisienne après y avoir vécu jusqu'à un peu plus de 60 ans, hors de question. En plus, c'est devenu un enfer et ce n'est plus dans mes moyens ! Ils feront peut-être tous et toutes comme moi et me rejoindront (rires)...