Michel Rocard et François MitterrandZuma/ABACAabacapress
Si le Nouveau Front Populaire l'emporte lors des législatives anticipées, à quel type de cohabitation faudrait-il s'attendre ? Aux yeux d'Arnaud Mercier, professeur en sciences de l'information et de la communication à l'université Paris-Panthéon Assas, un tel scénario semble des plus incertains.
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Derniers jours avant le premier tour des élections législatives anticipées. Au même titre que l’éventualité d'une cohabitation entre Jordan Bardella et Emmanuel Macron, envisageons une telle situation avec celui ou celle que le Nouveau Front Populaire (NPF) désignerait en cas de victoire. Pour éclairer cette hypothèse, nous avons interrogé Arnaud Mercier, professeur en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris-Panthéon Assas, qui a publié récemment sur le site the Conversation, son pont de vue sur la stratégie d’Emmanuel Macron

Planet : En premier lieu, une victoire du NPF le 7 juillet vous paraît-elle plausible ?

Arnaud Mercier : C’est absolument impossible, il n’y a aucune chance que le Front populaire obtienne la majorité absolue. Cela fait un bon moment que, sur le plan électoral, le pays penche à droite. En outre, le président Macron se fixe sur sa stratégie de mise à égalité de toute la gauche qu’il appelle “extrême gauche” sans la différencier de l’extrême droite. Cela laisse mal augurer d’une possibilité de désistements républicains réciproques. 

Comment expliquer aux électeurs qu’il vaut mieux voter pour le Front de gauche que pour le RN au second tour alors que pendant 10 jours, on l’a désigné comme le diable et affirmé qu’il valait le RN ? D’ailleurs, les consignes de vote ne fonctionnent jamais très bien. La dynamique électorale pousse vraiment vers le Rassemblement national. 

Une majorité relative serait-elle malgré tout envisageable pour le NFP  ?

Pour cela, il faudrait un véritable accord de désistement entre le bloc dit “central” et le front de gauche. C’est ce à quoi appellent des macroniens qui appellent à ne plus tergiverser, notamment dans une tribune du Monde (dans le quotidien du soir a notamment été publiée la pétition d’un collectif appelant aux désistements entre les deux tours afin de lutter contre le RN, signée entre autres par Bernard Guetta, numéro 2 sur la liste de Valérie Hayer pour les Européennes NDRL). 

“Il peut nommer quelqu’un qu’il n’aime pas”

En cas de victoire, même relative, de la gauche, qui pourrait devenir le ou la Première ministre de cohabitation ? 

Dans l’hypothèse d’une majorité relative, Emmanuel Macron devra c hoisir un Premier ministre compatible pour le bloc NPF mais aussi pour les quelques députés Renaissance qui resteraient. Comme Emmanuel Macron assure que LFI ne fait plus partie de l’arc républicain, il n’acceptera jamais un Premier ministre de ce parti dans le cadre d’une alliance. Ce sera donc forcément un profil social-démocrate, avec le risque de fracturer le bloc de gauche.

Il peut nommer quelqu’un qu’il n’aime pas. C’est arrivé àFrançois Mitterrand qui détestait Michel Rocard (ce dernier fut nommé à Matignon en 1988 NDLR) dans le cadre d’un gouvernement dit “d’ouverture”. 

Cela passerait par une forme de contrat gouvernemental, impliquant de s’entendre sur un certain nombre de points. Mais c’est tellement improbable ! 

Le Nouveau Front Populaire présente son programme comme un projet de rupture et je pense que jamais Emmanuel Macron n’accepterait de “ravaler son chapeau” pour accepter l’abrogation de la loi sur l’immigration ou de la réforme des retraites. En réalité, c’est une impasse. Chacun restera sur ses positions. 

Mélenchon à Matignon ? Une “politique fiction (...) pour faire peur aux électeurs”

Qu’en est-il d’une cohabitation avec Jean-Luc Mélenchon, dont la personnalité divise, même dans son camp ?

Une cohabitation entre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon ? Cela n’arrivera pas. Lors des trois cohabitations qui ont eu lieu dans l’histoire, en 1986, 1993 ou 1997, à chaque fois, l’ opposition était suffisamment unie et soudée pour s’entendre sur un nom. Les trois fois, donc, le président n’a pas eu d’autre choix que d’appeler à Matignon la personne désignée. 

Nous savons que Jean-Luc Mélenchon ne fait pas consensus au sein de l'union des gauches. Les gens ne se gênent pas pour le dire. Il se dit lui-même blessé. 

Il n’y aura jamais d’accord pour proposer officiellement son nom dans une déclaration publique. C’est de la politique fiction activée par les adversaires du Front de gauche, au RN ou dans la Macronie pour faire peur aux électeurs

"On se focalise sur la personne, mais ce n'est pas cela le problème"

Quelle personnalité pourrait-elle être “compatible”?

Le choix de la personne est moins problématique . On finit toujours par trouver quelqu’un. Trouver une personne non irritante, c’est ce qu’il y a de plus simple ! On se focalise sur la personne, mais ce n’est pas cela le problème. Il faut pouvoir appliquer un programme.

Ce scénario serait très différent des conditions dans lesquelles les gens de gauche ont rallié le camp Macron lorsqu’il était dominant, majoritaire. Lors des débauchages individuels, les personnalités concernées avaient intérêt à le rejoindre, et se disaient qu’en ce qui concernait leur valeur, elles n'étaient pas si distinctes. Dans le cas présent, il est inenvisageable que l’ex-majorité sorte renforcée de ces élections. L’enjeu c’est plutôt: perdra-t-il plus ou moins de la moitié de ses députés ?