Loi anti-squat enfin appliquée : flambée des expulsions locativesIllustrationIstock
Environ 47 000 personnes auraient été expulsées de leur logement dans toute la France pour non paiement des loyers en 2023. Une grande partie de ces expulsions a été facilitée par la loi anti-squat, promulguée le 27 juillet la même année. Les propriétaires s'en réjouissent à juste titre mais des familles se retrouvent à la rue.
Sommaire

Portée par les députés Guillaume Kasbarian, devenu plus tard ministre délégué au Logement, et Aurore Bergé, ex-ministre des Solidarités et des familles, la loi anti-squat tant réclamée par l'opinion publique suite à de nombreux scandales médiatisés, a finalement été votée le 27 juillet 2023. Et on ne pourra pas reprocher au gouvernement et aux forces de l'ordre de ne pas avoir agi.

Loi anti-squat : 47 000 locataires expulsés pour loyers impayés

Ce chiffre est un record (plus 23% par rapport à 2022), boosté par cette loi nous apprend le magazine Capital : 23 000 ménages ont ainsi été expulsés "par la force" de leur logement pour non paiement des loyers, soit environ 47 000 personnes au total. Ces données ont été divulguées le 4 juin par le Collectif des associations unies (CAU), qui en regroupe 41, parmi lesquelles la Fondation Abbé Pierre, le Secours Catholique, la Croix-Rouge française, Emmaüs France...

Si les propriétaires sont ravis de récupérer leur bien, ces associations s'alarment des effets de cette loi, elles qui luttent pour le droit au logement. D’après la Fondation Abbé Pierre, rapporte Capital, environ 330 000 personnes sont actuellement sans domicile en France, un chiffre deux fois supérieur à celui de 2012 .

Une inquiétude légitime si l'on observe la situation de leur point de vue : combien de personnes se sont retrouvées à la rue à cause de cette loi ? Car elle n'est pas tendre et permet des expulsions accélérées en présence d'un commissaire de justice et des forces de l'ordre en soutien.

Loi anti-squat : au bonheur des propriétaires

Mais il faut aussi se mettre à la place des bailleurs, qui ont investi pour se constituer un patrimoine et un capital. Car ils sont bien souvent de "petits propriétaires". Obligés de continuer à payer de lourdes charges et la taxe foncière, sans toucher un centime de loyer en retour. Quand ils ne doivent pas refaire entièrement leur appartement (le plus souvent), dégradé voire saccagé par les squatteurs.

Vidéo du jour

En effet, la loi a considérablement raccourcis les délais de procédure. Ainsi, une fois le locataire enjoint à régler un loyer dû (par courrier recommandé avec accusé de réception ou par commissaire de justice), le bailleur a désormais six semaines minimum pour saisir un juge, et la période à attendre avant la première audience est passée de 4 à 3 mois. De plus, le magistrat est  désormais censé réduire fortement le délai accordé au "squatteur" pour quitter le logement.

Loi anti-squat : des procédures abusives ?

Contre cette "violence admnistrative", dans un pays où se loger est presque devenu un luxe, les associations réagissent avec véhémence : "on assiste à des décisions d’expulsion pour des dettes mineures et des retards de loyer anecdotiques"  remaque le CAU.

La Fondation Abbé Pierre cite en exemple un cas en Seine-Saint-Denis (93), où une locataire a été expulsée malgré une reprise des paiements, et pour une dette à son propriétaire de seulement 60 euros. "Dans cette affaire, le juge a rejeté la demande de la suspension de la procédure de la locataire, au motif qu’elle n'avait pas réglé l'intégralité du loyer courant avant l’audience", d'après Marianne Yvon, responsable de l’Espace Solidarité Habitat, une division de la Fondation.

"À défaut de paiement intégral du loyer courant avant l’audience, les locataires perdent toute chance de voir leur situation se rétablir et d'éviter l'expulsion." Cependant, selon une avocate spécialisée exerçant dans le Val-d'Oise que nous avons consultée : "la plupart des procédures prennnent généralement deux ans avant l'expulsion définitive dans les cas de loyers impayés. Les dossiers aussi rapides concernent surtout le parc public, et non le privé".