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Je voulais parcourir le monde, mais je n’imaginais pas à ce moment là que c’était d’hommes en hommes que j’allais voyager…
C’est un passage douloureux de ma vie que j’aimerais oublier. Mais aujourd’hui, je l’ai accepté. J’estime que j’ai un devoir de témoignage à transmettre, à toutes les jeunes filles et jeunes garçons aussi, ne l’oublions pas, qui s’engouffrent et se perdent dans ce genre de pratique.
Lorsque j’ai obtenu mon Bac à 18 ans, je vivais avec ma mère et mes 3 frères et sœurs, à Nantes. Nous étions une famille modeste et maman nous encourageait à aller travailler pour que nous puissions l’aider financièrement. Mais je n’avais qu’un seul objectif, aller à Paris pour tenter ma chance et poursuivre mes études à l’Université, dans l’espoir d’avoir un métier respectable plus tard. Je souhaitais être traductrice et rêvais de parcourir le monde. J’adorais les langues étrangères, c’est donc naturellement vers ce cursus que je me suis orientée.
"Homme de 35 ans, offre chambre gratuitement"
A mon arrivée à Paris, une de nos tantes a pu m’héberger provisoirement. J’avais 3 mois pour trouver une autre solution. Alors en plus des cours, je faisais régulièrement du babysitting pour mettre de l’argent de côté et guettais chaque jour les annonces de colocation dans les journaux locaux. L’une d’entre elle a retenu mon attention : "Homme de 35 ans, offre chambre gratuitement à étudiante, en échange de services quotidiens : courses, ménage…".
Je pensais avoir trouvé le bon plan par excellence ! Après quelques échanges téléphoniques cordiaux avec Alain, photographe et propriétaire des lieux, je me suis installée chez lui. Première surprise, je devais partager la chambre avec une autre étudiante, au regard triste et vide. Seulement 1 mois après mon arrivée, les services demandés se sont transformés en chantage pur.
"J’enfilais un masque pendant ces moments-là"
*Alain, pervers narcissique de son état, avait décidé que je devais à présent le rémunérer en posant pour lui, sous peine d’expulsion. J’ai donc accepté : photos en tenues courtes, sous-vêtements, poses suggestives en duo avec *Stella, ma colocataire.
Très vite, les séances se sont transformées en actes de soumission pour lesquels il nous rémunérait entre 500 et 1 000 francs, selon les pratiques réalisées. Il invitait des hommes à y participer, et je devais répondre à leurs demandes obscènes soit seule ou avec ma compagne d’infortune. Cela a duré pendant 5 ans, soit la totalité de mes études. Je pouvais ainsi payer mes factures, me faire plaisir et aider ma famille. Pour moi, ce n’était qu’un des rôles de ma vie. J’enfilais un masque pendant ces moments-là.
Mais l’argent facile a une odeur malsaine et nous réduit à l’état de marchandise. Il nous fait nous détester et anéanti les espoirs d’histoires d’amour saines et durables. A l’obtention de mon diplôme, j’ai tout arrêté. J’ai mis des années à m’en remettre. Je l’ai d’ailleurs tu à ma mère jusqu’à mes 30 ans, l’année de la naissance de ma fille et de ma reconstruction personnelle.
A mon époque, la prostitution étudiante était moins banalisée
De nos jours, la précarité des étudiants s’accentue et l’arrivée d’Internet et des sites dédiés à "l’escort" ont complètement fait exploser cette activité.
Souvenez-vous, en septembre 2017, en Belgique, une remorque publicitaire interpellait même les jeunes femmes avec un "Hey, les étudiantes ! Améliorez votre style de vie, sortez avec un sugardaddy" en renvoyant vers un prétendu site de rencontres mettant en relation des "papas gâteaux" âgés et riches avec des jeunes et jolies filles, de préférence étudiantes, surnommées les "sugarbabies".
La prostitution 2.0 comme on dit, est devenu un véritable fléau. Impossible d’avoir de réelles données chiffrées, mais on estime le nombre de prostituées étudiantes à 750 000 en France. Il faut que cela cesse !
* les prénoms ont été modifiés
Propos receuillis par Nantcy LEONE