Le projet de loi de finances pour 2025 du gouvernement demande un effort de cinq milliards d'euros aux collectivités locales les plus aisées. Et cela ne sera pas sans conséquences sur votre quotidien.
Impôts : une hausse inévitable ?
Emmanuel Macron l’a assuré à plus d’une reprise et lors de sa dernière interview disputée face au duo Plenel-Bourdin. Il n’y aura pas de création d’un nouvel impôt, fût-il local ou national, au cours de son mandat. Les ménages de France ne devraient pas non plus faire face à une augmentation de la pression fiscale d’ici à 2022. Pas de hausse d’impôt donc, ni de la CSG. Pfiou !
Vraiment ? Pour Frédéric Farah, économiste parfois classé à gauche, chercheur affilié au PHARE et enseignant à l’université Panthéon-Sorbonne, la déclaration semble trop belle pour être vraie. "On peut rester réservé. Même sans prêter au président de la République une quelconque volonté d’enfumage, gardons à l’esprit que ces annonces sont tablées sur une situation contextuelle favorable", indique l’économiste pour qui une croissance plus forte que les années précédentes et des rentrées plus soutenues ne suffiront pas. "Sur la durée d’un quinquennat, beaucoup de choses peuvent arriver et parmi elles beaucoup peuvent résulter sur la création d’un nouvel impôt. Certains épisodes climatiques entraînent la création d’impôt sécheresse, par exemple", rappelle-t-il. A ses yeux il est tout simplement exclu qu’Emmanuel Macron ne vienne pas à l’impôt en temps et en heure.
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"C’est mécanique", assure Frédéric Farah, "Macron utilisera l’impôt pour financer sa politique". Malgré les belles promesses du locataire de l’Elysée, "il y sera contraint", explique le chercheur. Et pour cause ! Il ne dispose plus que d’un seul outil pour se donner les moyens de son action : la fiscalité. "Emmanuel Macron ne peut plus jouer sur la monnaie pour créer de la compétitivité. Il ne peut pas avoir recours aux cotisations qui alourdissent le ‘coût’ du travail. Il ne lui reste donc que l’impôt", détaille l’enseignant.
La CSG va continuer d'augmenter
Naturellement, l’un des impôts qui s’en trouvera impacté c’est la CSG. "La CSG va monter en puissance. Compte-tenu de la situation structurelle du pays, dont la population vieillit, il ne peut pas en être autrement", précise l’enseignant-chercheur. Il pense aux dépenses toujours plus conséquentes de la sécurité sociale que chaque contribuable payerait potentiellement trois fois, selon Olivier Besancenot. Du fait de la démographie française, mais aussi de la situation de chômage chronique qui touche le pays, la sécurité sociale dépense toujours plus. "A l’origine, la CSG ne représentait rien dans le financement de la sécurité sociale parce que l’Etat avait recours aux cotisations sociales plutôt qu’à l’impôt. Aujourd’hui, elle pèse pour près de 20%", explique l’économiste affilié au PHARE pour qui il ne faut pas écarter la potentielle création d’une 5ème branche qui prendrait en charge la dépendance. "La création d’une nouvelle cotisation ferait hurler les organisations patronales. Quant à la possibilité de revenir sur des réformes coûteuses perçues comme des cadeaux fiscaux aux plus aisés, elle n’est pas envisageable : dans la vision du président ce serait prendre un risque pour la dynamique économique du pays. Il ne reste que la CSG", souligne-t-il, un peu résigné.
Ce n’est qu’une question de "timing politique", précise l’économiste, car une telle mesure serait suicidaire aujourd’hui. Mais, à ses yeux, les retraités constituent une cible facile pour l’exécutif. "Emmanuel Macron demande un effort aux retraités, ce qui n’est pas dénué d’une certaine logique : il s’agit d’une base fiscale fixe, qui n’a pas la possibilité de s’échapper, contrairement à d’autres." Tout cela résulte, pour le chercheur, d’une volonté politique. Celle de ne plus créer du pouvoir d’achat par la hausse des revenus, parce que le salaire est désormais compris comme un coût, mais par la baisse des charges sur la paie. "Sauf que cette baisse des charges rogne nécessairement le budget de la sécurité sociale… qui est compensé par une hausse de la CSG et un plus grand recours à l’impôt. C’est ce que Frédéric Lordon appelle le capitalisme à basse pression salariale."
D’autant plus qu’en dépit des promesses de l’exécutif, Emmanuel Macron ne devrait avoir aucune difficulté à justifier la création d’un nouvel impôt ou l’augmentation de la pression fiscale déjà subie par les ménages. Plusieurs avocats fiscalistes l’ont pointé du doigt, le phrasé du président est pensé pour qu’il n’ait rien à s’interdire. "Les gouvernements successifs promettent souvent qu’ils n’imposeront pas plus les ménages. Dans les faits il lui suffirait de faire un audit pour pouvoir réutiliser une rhétorique classique qui viendrait légitimer le nouvel impôt.
Une mutation économique et européenne
Derrière tout cela se cache une mutation profonde de notre système social, à l’origine basé sur les cotisations et qui glisse maintenant vers l’impôt. Une mutation dérangeante en cela, au moins, qu’elle s’opère en silence, sans faire l’objet d’un débat réel. "On va vers une couverture plus universelle, certes, mais moins généreuse… une sorte de filet minimal parce que l’économie commanderait au social", analyse l’économiste, qui s’inscrit en faux avec cette vision des choses. "Si l’économie commandait véritablement au social, nous n’aurions jamais pu faire la sécurité sociale au sortir de la guerre, quand les caisses étaient vides", rappelle-t-il. Avant d’ajouter : "C’est le social qui a permis la moyennisation de nos modes de vie."
Selon lui, cette mutation qui progresse dans le sens d’une "modernisation inégalitaire assumée" croise la construction européenne. "Le traité de Maastricht, entré en vigueur en novembre 93, a créé l’Union économique et monétaire de l’UE et donc, de facto, l’euro. C’est lui qui impose la limitation des dépenses sociales, notamment en bloquant la possibilité de coupler une hausse des cotisations sociales avec un un travail sur la monnaie pour garder une compétitivité", conclut l’économiste.