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Aux yeux de la justice, Simone Weber a tué Bernard Hettier. À ses yeux, elle est innocente de ce dont on l’accuse et ce pour quoi elle a été condamnée. Surnommée "la diabolique de Nancy", cette femme de 91 ans vit désormais à Cannes (Alpes-Maritimes), après être restée 14 ans derrière les barreaux. Elle a été condamnée en 1991 à 20 ans de réclusion criminelle pour le meurtre de Bernard Hettier, disparu en 1985. Il aura fallu six ans, et une longue instruction, avant que la sexagénaire ne soit jugée. Tous les indices, toutes les zones d’ombre convergeaient pourtant vers elle dès le début.
35 ans ont passé, mais Patricia Hettier n’a rien oublié et n’a rien pardonné. Si elle accepte toujours de parler de cette affaire et du jour où sa vie "s’est arrêtée", c’est pour la mémoire de son père, afin qu’on se souvienne de lui avant tout. Pour Planet, elle se replonge dans le milieu des années 1980 et nous parle de ce père qu’elle voyait très régulièrement, même après la séparation de ses parents alors qu’elle n’était qu’une petite fille. Vivant chez sa grand-mère, elle retrouvait deux à trois fois par semaine cet homme "aimant, courageux, travailleur et qui aidait tout le temps les gens".
Meurtre de Bernard Hettier : "Il y a eu cette sorcière entre nous deux"
L’adolescence prenant le pas sur l’enfance, Patricia Hattier a continué de voir régulièrement son père et de lui téléphoner "tout le temps". Et puis, un jour, "il y a eu cette sorcière entre nous deux". Cette "sorcière" comme elle l’appelle, c'est Simone Weber, une femme des environs et qui a à peu près l’âge de son père. "Il l’a connue très tôt, se souvient Patricia Hettier auprès de Planet, car elle était la meilleure amie de ma nourrice à l’époque. Elle avait vu papa chez cette dame-là et pour elle, c'était l’homme de sa vie, mais il n’en avait rien à faire". Après s’être perdus de vue pendant des années, Bernard Hettier et Simone Weber se retrouvent par hasard dans un magasin. Elle lui demande de l’aide pour des petits travaux, il lui rend service et à ce moment-là, selon sa fille, "elle s’est immiscée dans sa vie".
Une relation débute alors entre les deux quinquagénaires, mais Patricia Hettier tient à préciser que Simone Weber "n’a jamais été sa maîtresse, ils n’ont jamais été un couple, ils n’ont jamais vécu ensemble non plus". Selon elle, son père "ne supportait pas qu’elle le traque, qu’elle le suive" alors "qu’elle l’attendait à la sortie de son travail, notait le temps qu’il mettait pour rentrer chez lui, à quelle heure il quittait sa maison". La fille de Bernard Hettier sent bien que quelque chose cloche à ce moment-là et conseille à son père de porter plainte, ce à quoi il répond : "Que veux-tu qu’elle me fasse ?". Les mois défilent et le quinquagénaire vit ce que sa fille appelle "un calvaire", jusqu’à la fin du printemps 1985, où il disparaît subitement…
Meurtre de Bernard Hettier : "J'ai toujours su que c'était elle"
À la fin du printemps, Patricia Hettier sent bien que quelque chose n’est pas normal, car elle n’arrive plus à joindre son père. Un lundi, décide de se rendre à Maxéville (Meurthe-et-Moselle) : "Je suis allée le voir et c’est là que je suis tombée sur les voisins, qui m’ont appelée, qui m’ont fait signe de venir et qui m’ont tout raconté. Ils m’ont dit qu’ils [Bernard Hettier et Simone Weber, NDLR] étaient là le 22 juin, qu’ils étaient partis ensemble et qu’il n’était pas revenu".
Patricia a moins de trente ans et décide alors de "remuer ciel et terre" pour retrouver ce père qu’elle aime tant. "Je me disais que ça n’était pas normal, que peut-être il s’était caché quelque part pour lui échapper, qu’il se trouvait dans sa maison des Vosges… Au fond de moi, j’ai toujours su qu’elle en était pour quelque chose s’il n’était pas là. Elle l’avait quand même drogué deux fois, en mettant des somnifères dans son café. Une fois, il s’était endormi au volant, l’autre au travail".
Ne trouvant pas son père et ne le voyant pas revenir, Patricia Hettier décide alors d’avertir la police, qui lui répond qu'il est majeur et "parti avec une gonzesse". Voyant qu’elle ne sera pas prise au sérieux, elle pousse la porte de l’Est Républicain, où un journaliste écoute son histoire et accepte de publier un avis de recherche dans le journal. L’enquête débute, mais on ne trouve aucune trace de Bernard Hettier de tout l’été… Jusqu’au jour où une mystérieuse valise apparaît très loin de Maxéville.
Meurtre de Bernard Hettier : "J'ai vu la valise et j'ai compris"
Le 15 septembre 1985, à près de 350 kilomètres de Maxéville, un pêcheur retrouve un tronc humain à hauteur de Poincy (Seine-et-Marne) dans un bras mort de la rivière. Enveloppé dans du plastique, il se trouve dans une valise lestée d’un parpaing. Rien ne permet d’identifier formellement Bernard Hettier, mais l’âge du corps et le groupe sanguin pourraient correspondre au quinquagénaire. Surtout, Patricia reconnaît la valise dans laquelle se trouve le tronc, car c’est celle de son père : "Je n’aurais jamais dû la voir cette fameuse valise, mais j’étais au commissariat ce jour-là parce qu’on voulait me montrer des slips de bain et savoir s’ils appartenaient à mon père. Malheureusement, les photos étaient sur le bureau, j’ai vu la valise et j’ai compris. Je l’ai reconnue parce qu’il avait les deux mêmes, qu’on avait achetées ensemble chez Auchan". Le parpaing qui lestait la valise "correspondait à la peinture de la maison de Rosières-aux-Salines", qui appartenait à Simone Weber.
S’il y a peu d’indices dans cette affaire, ils convergent tous vers Simone Weber. La voiture de Bernard Hettier, introuvable depuis sa disparition, est découverte à Cannes dans un garage loué par Madeleine, la soeur de Simone Weber. Le faux certificat médical envoyé à l’employeur du quinquagénaire a été écrit en réalité au gendre de Simone Weber par un vrai médecin. La veille de la disparition de Bernard Hettier, Simone Weber a loué une meuleuse à béton, qu'elle n'a jamais rendue. L’outil est finalement retrouvé dans le coffre de sa voiture et présente des traces de sang, avec un morceau de chair sur un des disques… Les preuves s'accumulant, Simone Weber et sa sœur Madeleine sont arrêtées le 8 novembre 1985, sur décision du juge Thiel. L’instruction est longue jusqu’au procès, qui débute finalement en 1991…
Meurtre de Bernard Hettier : "Il me manque encore"
Pendant six semaines, Patricia Hettier se rend chaque jour au procès de Simone Weber. "J’étais là du matin au soir, pour croiser son regard", se souvient-elle auprès de Planet, ne cachant pas qu’aujourd'hui elle "en veut au juge Thiel". Elle raconte six semaines de pressions et de tensions, face à une accusée qui "a été odieuse" et affirme que Patricia a elle-même tué son père… "Au procès on lui laissait la parole, le juge Thiel l’a trop pris sous son aile, peut-être pour la faire parler, mais ça n’a pas marché", raconte-t-elle.
Condamnée à 20 ans de prison, Simone Weber a passé 14 années derrière les barreaux et "coule désormais des jours heureux à Cannes", croit savoir Patricia Hettier. Libérée en 1999, elle a toujours nié les faits et a initié une demande de procédure en révision de sa condamnation. Patricia Hettier "va mal, toujours mal", mais se raccroche à sa fille, née dans les années 1990 et qu’elle a tenté de protéger de cette histoire. "Pour elle, ça a été difficile d’apprendre tout ça et pour moi heureusement que je l’ai eue", confie-t-elle à Planet. Alors qu’elle s’apprête à devenir grand-mère dans quelques mois, Patricia Hettier ne cesse pas un seul instant de penser à son père : "Un jour on se retrouvera quelque part mais, en attendant, il me manque encore".