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Faut-il se méfier du prix coûtant ? Ces opérations, récemment re-popularisées par E.Leclerc, se multiplient en France ces dernières semaines. Cette fois, rapporte Capital, c’est Lidl qui envisage ce modèle de commercialisation pour des auto-tests qui pourraient s’avérer particulièrement utiles à l’approche des fêtes de fin d’année. Il ne s’agit évidemment pas de "faire de l’argent", assure le directeur exécutif des achats et du marketing de l’enseigne. C’est précisément pour cela qu’il envisage ce type de mise en vente, à condition bien sûr que la grande distribution puisse proposer ce genre de produits à l’avenir…
Afin de bien comprendre de quoi il est question, il importe cependant de rappeler ce qu’est le prix coûtant. Fondamentalement, explique L’Internaute, c’est une opération commerciale qui ne permet pas au vendeur (en théorie) de dégager la moindre marge. Cela revient donc à vendre un bien au prix même auquel il a initialement été acquis. Ces derniers temps, le mécanisme a beaucoup été utilisé à l’attention des usagers de la route : les prix du carburants grimpant à vive allure, certains acteurs du secteurs ont espéré s’attirer de nouveaux clients en écrasant leurs propres tarifs. Malheureusement, affirment certains de nos confrères, le gain pour les consommateurs s’avère in fine bien minime…
Le prix coûtant est-il une arnaque ?
La pratique présente un avantage marketing certain : elle est pensée pour ramener du monde en magasin. "Le but c'est de générer du trafic en magasin. Sur une station qui fait 1000 véhicules par jour, vous allez en faire venir 200 de plus et vous pouvez estimer que 15% iront dans le magasin faire leur course", estimait en effet Francis Pousse, président de la branche carburant du Conseil national des professions de l’automobile (CNPA), alors interrogé par BFMTV. Faut-il douter, dans ce cas, des bienfaits de ce modèle ?
"Le prix coûtant est indéniablement une technique de marketing. S’en offusquer et estimer que les acteurs de la grande distribution prennent les consommateurs pour des idiots, c’est une critique un peu sommaire", juge pour sa part le sociologue Dominique Desjeux, spécialisé dans les questions de consommation. "L’économie évaluée, dans le cadre du prix coûtant sur le carburant, s’élève au maximum à quelques centimes grappillés par litre d’essence. C’est vrai que ce n’est pas beaucoup. Rappelons aussi que le sujet attise les passions depuis longtemps : Le Monde critiquait déjà la pratique du prix coûtant en 1975", poursuit-il. Selon lui, c’est peut-être l’analyse qu’en font certains journalistes qui pose problème…
Le prix coûtant profite-t-il véritablement aux entreprises qui le mettent en place ?
"Le prix coûtant est ce que l’on appelle un produit d’appel. Si Leclerc y a ainsi recours, c’est parce qu’il sait que ses clients sont sensibles aux dépenses d'essence, entre autres. L’enseigne, qui se sait connue pour sa politique de bas prix, cherche donc à les inciter à venir en continuant à écraser ses tarifs… Ce qui ne signifie pas que cela marche. Il ne faut pas perdre de vue que dans la grande majorité des cas, le trajet que réalisent les gens pour gagner leur supermarché dépend de multiples facteurs. Il est fonction d’un itinéraire journalier, lui-même planifié sur la base de contraintes spécifiques. Une simple baisse des tarifs suffit rarement à les pousser à faire un détour", observe le sociologue, pour qui l’effet du marketing est très largement surestimé.
L’autre question qui sous-tend celle soulevée par les prix coûtants pratiqués par Leclerc, c’est celle de la formation des tarifs, juge-t-il. "Il ne faut pas perdre de vue que les prix résultent toujours d’un rapport de force sur le marché. Les entreprises, sauf à être en mesure de dominer toute concurrence ou à profiter d’une situation de monopole, ne bénéficient pas d’une marge de manœuvre très importante", note-t-il. Tout ceci rend le calcul du prix coûtant réel difficile, estime le sociologue. D’autant plus dans le cadre du carburant, dont le tarif est largement alourdi par les taxes.
"N’oublions pas non plus que les consommateurs sont assez bien éduqués désormais. Il ne faut pas penser qu’ils n’ont pas les moyens de percer à jour ce genre de stratégies", souligne encore Dominique Desjeux, qui peine à voir le caractère problématique du prix coûtant, si régulièrement dénoncé par ses contradicteurs.
Prix coûtant : d’où proviennent vraiment les critiques ?
"Je me méfie bien davantage des gens qui disent que les économies réalisées sont négligeables que du prix coûtant en tant que tel", observe encore Dominique Desjeux.
"Pour certains niveaux de revenu, ces économies s’avèreront nettement plus intéressantes que pour d’autres. Une partie des Françaises et des Français perçoivent moins de 900 euros par mois. Dans leur cas, les dépenses contraintes pèsent très lourd sur le budget… et quelques centimes économisés peuvent représenter beaucoup plus pour eux qu’ils ne représentent pour d’autres", estime le sociologue, qui juge que la critique révèle davantage le niveau de revenu des personnalités qui la porte qu’un véritable phénomène problématique.
Pour autant, alerte L’Usine Nouvelle sur son site, le prix coûtant peut parfois s’avérer dangereux dans certains secteurs. C’est le cas dans le domaine de l’énergie, où de telles offres pourraient s’avérer dangereuses pour les plus précaires… En cela qu’elles garantissent pas de stabilité des prix. Il devient donc plus difficile de maîtriser ses dépenses de chauffage, par exemple… Soyez vigilants.