Carburant : ce qui va bientôt changer pour vous IllustrationIstock
Le gouvernement a annoncé autoriser les distributeurs de carburant à vendre le précieux sésame à perte pendant une courte période. Voici ce que cela change pour vous.
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Fracassante déclaration de la Première ministre ce samedi 16 septembre. Face à l'inflation sur les prix du carburant, Elisabeth Borne a annoncé dans un entretien au Parisien la fin de l'obligation pour les distributeurs de gazole, sans plomb et autre essence de faire des marges sur leurs ventes, en vigueur depuis 1963. En clair : si une loi est votée en ce sens, les distributeurs pourront vendre aux automobilistes le litre de carburant aussi cher ou moins cher qu'ils l'ont acheté au fournisseur. L'initiative est réactionnelle, alors que le tarif à la pompe dépasse à nouveau les 2 euros dans de nombreuses stations. 

Une mesure "inédite"

Une annonce qui rebat des cartes posées depuis 60 ans, et que le ministre de l'Economie s'est empressé de venir préciser ce lundi sur France 2 : l'autorisation de vendre à perte sera effective "à partir de début décembre", voire au 1er décembre. Et Bruno Le Maire d'ajouter que "le texte de loi sera examiné à l’Assemblée début octobre". Une mesure "inédite", a insisté Élisabeth Borne. La loi visera à stimuler les négociations entre industriels du secteur du carburant et distributeurs, et à faire baisser le prix à la pompe pour les automobilistes. L'impact sur le consommateur est toutefois encore sujet à caution, car plusieurs barrières existent, qui pourraient limiter la volonté des distributeurs de baisser leurs prix. Ainsi tous les distributeurs ne seront pas en mesure de soutenir cette politique : si les grosses entreprises telles que les grandes surfaces peuvent supporter une période sans dégager de marges, les petites entreprises auront plus de difficultés si les fournisseurs ne font pas un geste dans leur sens. 

Le risque du "dumping"

Cette initiative du gouvernement fait donc resurgir les craintes de "dumping", pratique commerciale qui avait motivé l'interdiction de la vente à perte en 1963. Il s'agit pour des entreprises suffisament grosses et solides pour le supporter, de casser leurs prix quitte à ne plus dégager de marges de manière à épuiser la petite concurrence qui ne pourra pas baisser autant ses tarifs et deviendra donc moins compétitive. Cette concurrence est alors menée à la disparition et les entreprises pratiquant le dumping sont ensuite libres de pratiquer les politiques tarifaires de leur choix. Emmanuel Combe, alors vice-président de l'Autorité française de la concurrence, expliquait par ailleurs en 2012 à Atlantico que la revente à perte pourrait plutôt mener à "des stratégies de baisses de prix agressives, temporaires et locales de la part de certains distributeurs" : donc pas de baisse sur la durée, mais des ventes locales éclair durant lesquelles le consommateur verrait une différence sur son ticket de caisse.

Quel effet réel sur les consommateurs ?

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Toutefois, le spécialiste indiquait également que la revente à perte peut être utilisée comme "trompe-l'oeil" par les distributeurs, qui baisseraient leurs prix sur le carburants mais augmenteraient leur marge sur d'autre, avec un bénéfice donc nul pour le consommateur. L'ancien vice-président juge néanmoins les obstacles du dumping et du trompe-l'oeil "assez peu pertinents" aujourd'hui, car les stations-service indépendantes, les plus susceptibles de souffrir du dumping, ont déjà disparu. Il en subsisterait 2 500 sur plus de 10 000 dans le pays, selon l'AFP.

Une baisse des prix, quand ?

Le gouvernement table sur un vote rapide au Parlement, et une application début décembre de la mesure. Le seuil minimal en dessous duquel les distributeurs ne pourront pas revendre le carburant doit encore être déterminé. Nul doute cependant que le projet de loi suscitera des critiques sur les bancs de l'Assemblée, certains accusant déjà l'exécutif de déléguer la charge de la lutte contre l'inflation aux entreprises privées, plutôt que de mettre en place une aide publique pour les foyers les plus en difficulté. Cette aide a été définitivement écartée par le gouvernement à la rentrée, jugée trop couteuse pour le budget de l'Etat, et trop peu bénéfique pour les automobilistes.