Détenus radicalisés et relâchés : "ils sont de plus en plus nombreux"Istock
Le procureur de Paris, François Molins, a annoncé que 40 détenus radicalisés sortiraient d'ici 2020. Planet fait un point sur leur prise en charge.
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Comment sont suivis les détenus radicalisés ?

La déclaration du procureur de Paris, François Molins, a fait son petit effet cette semaine. Il a annoncé la sortie d’ici 2020 d’une quarantaine de détenus radicalisés, sonnant au passage l’alerte sur BFMTV: "On court un risque majeur qui est celui de voir sortir de prison à l’issue de leur peine des gens qui ne seront pas du tout repentis, qui risquent même d’être encore plus endurcis compte tenu de leur séjour en prison".

On estime aujourd’hui à 1700 le nombre de personnes emprisonnées et radicalisées. Parmi elles, 1200 sont des détenus de droits commun, quand les autres en revanche ont été condamnés pour terrorisme ou lien avec une entreprise terroriste. Depuis 2016, tout lien avec l’Etat islamique est passible de la cours d’assises.

Au fil des ans, plusieurs dispositifs se sont succédés pour encadrer ces détenus en prison, "un manque de continuité" qui ne facilite par le travail des personnels pénitentiaires ainsi que le souligne Emmanuel Guimaraes du SNP-FO contacté par Planet. "On fait comme si on découvrait que des détenus radicalisés vont sortir mais c’est très loin d’être nouveau. Ce qui l’est dans une certaine mesure, c’est qu’on se rend compte qu’ils sont de plus en plus nombreux", explique-t-il.

Les quartiers spécialisés

En incarcération, les détenus jugés radicalisés passent d’abord par un quartier d’évaluation de radicalisation (QER) pendant quatre mois. Un dispositif lancé en février 2017 au cours duquel, les prisonniers passent pas moins de 18 entretiens individuels. A l’issue de cette phase, une évaluation complète est fournie et il est décidé si le détenu rejoint la détention ordinaire, l’isolement ou, et c’est nouveau aussi, un quartier de prise en charge (QPR). Le premier a été ouvert en phase expérimentale à la prison d’Annoeullin en 2016. La ministre de la Justice a promis de multiplier leur ouverture dans les prochains mois.

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Ce dispositif nouveau n’est toutefois pas encore jugé parfait : "A Fesnes par exemple, les détenus du QER échangent avec les autres, ce n’est pas étanche", assure Emmanuel Guimaraes, alors qu’un surveillant de QPR d’Annoeullin cité par Le Point assure : "Les cours ne sont pas du tout appropriés, vu la population carcérale qu'on reçoit. La formatrice qui est venue, un grand nom de la lutte contre la radicalisation, ne nous a parlé que des mineurs radicalisés. Sauf que nous, on bosse avec des adultes !"

Les détenus sont également suivis par des binômes formés d’un psychologue et d’un éducateur spécialisé.

Le renseignement pénitentiaire

L’ancien ministre de la justice, Jean-Jacques Urvoas, a lancé en 2017 le renseignement pénitentiaire, aussi appelé BCRP pour Bureau central du renseignement pénitentiaire. Ce nouveau service avec un budget de 4 millions d’euros doit permettre de faire remonter des renseignements aux plus hautes instances et de les partager avec les différents acteurs de la justice et de la sécurité intérieure.

C’est sur lui que compte notamment le gouvernement pour surveiller la quarantaine de détenus qui doit sortir d’ici 2020, avec un objectif : identifier ceux qui sont le plus dangereux. "Le service de renseignement pénitentiaire suit ces personnes, prépare leur sortie, remplissent des fiches extrêmement précises qui sont, au moment de la sortie, communiquées aux autres services de renseignement et notamment à la sécurité intérieure", a ainsi précisé Nicole Belloubet, la ministre de la Justice.

Le problème de la réinsertion

Plusieurs personnels en lien avec l’administration pointent toutefois des failles de ce dispostif que Nicole Belloubet, défend comme ‘’étroit’’. Pour Emmanuel Guimaraes, on oblitère le fait religieux. "Aujourd’hui, il faut oublier l’image type du détenu avec une barbe qui fait le ramadan. Il n’existe plus", dénonce-t-il.

Même son de cloche du côté de Morgan Labey, conseilller d’insertion et de probation, élu national SPIP-CGT. "Aujourd’hui, nous ne disposons pas d’outils pour déterminer clairement et sans aucune erreur le degré de dangerosité d'un détenu. Il y a un risque de fichage religieux. Dans les grilles d’évaluation que l’on nous a fournies, certains critères sont valables pour la plupart des détenus, qui ne sont pourtant pas tous dangereux", déplore-t-il tout en pointant du doigt la délicate position des conseillers d’insertion et de probation. "Ce n’est pas possible pour nous d’être en lien avec le renseignement pénitentiaire si l’on veut pouvoir travailler en toute confiance avec les gens dont on a les dossier", assure-t-il.

Depuis plusieurs années, des processus ont été mis en place pour accompagner les anciens détenus fichés S. Dans leur suivi judiciaire après la sortie de prison, ils continuent notamment d’être suivis par les binômes anti-radicalisation, leurs conseillers d’insertion et de probation suivent des formations pour mieux les encadrer, et ils ont également accès entrer autres à des groupes de paroles, 

Emmanuel Guimaraes comme Morgan Labey regrette aujourd’hui que l’accent soit mis sur le volet surveillance. Si le premier souhaite la création de structures petites et dédiées à la gestion de ces détenus, le second appelle à une réponse sociale et politique large pour lutter contre le phénomène de radicalisation.