Travailler après la retraite : faut-il revoir les dispositifs ?Istock
Cumul emploi-retraite, retraite progressive… Plusieurs dispositifs permettent aux Françaises et aux Français de travailler après avoir (commencé, parfois) liquidé leurs droits. Pour l'économiste Jacques Bichot, il pourrait être pertinent d'aller plus loin.
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Faut-il faciliter le retour au travail des retraités ? Un certain nombre d’assurés souhaitent en effet retrouver le chemin du bureau après avoir liquidé leurs droits, ainsi qu’en témoigne le site officiel info-retraite.fr. Plusieurs dispositifs existent d’ailleurs, dont Planet a d’ores et déjà eu l’occasion de parler. Pourtant, à en croire l’économiste Jacques Bichot, professeur émérite à l’Université Jean Moulin (Lyon 3) mais aussi membre honoraire du Conseil économique et social, il faudrait potentiellement aller plus loin. Les effets bénéfiques d’une telle politique sont nombreux, explique-t-il. Interview.

Faut-il favoriser le retour au travail des retraités qui le souhaitent ?

Planet : Faut-il faciliter le retour au travail des retraités ? Quels seraient les effets bénéfiques d’une telle politique et, à l’inverse, les effets moins intéressants ?

Jacques Bichot : Le retour au travail des retraités constitue en effet, me semble-t-il, une solution intéressante pour l’économie française. Celle-ci, cependant, ne doit pas se couper d’une autre solution non moins importante : la prolongation de la vie active sans rupture. Ces deux schémas existent d’ores et déjà et supposent, dans un cas comme dans l’autre, cela suppose une certaine souplesse de part et d’autre mais il me semble qu’il serait possible de faciliter le retour au travail en encourageant certaines mesures permettant aux retraités de reprendre un emploi sur lequel il bénéficierait d’un certain contrôle. Leur permettre de garder un certain pouvoir sur le temps de travail, par exemple, assurerait un certain attrait de la mesure. 

Du reste, force est de constater qu’une telle mesure pourrait s’avérer très bénéfique. D’abord, à titre individuel, pour les quelques-uns qui ne s’épanouissent pas dans la retraite et pourraient donc vivre plus heureux en retrouvant un emploi. Mais c’est loin d’être le seul atout : c’est aussi la possibilité de gonfler sa rémunération ou de pallier un défaut de carrière, par exemple. Sans compter l’intérêt qu’une telle décision pourrait avoir pour les entreprises, qui peinent aujourd’hui à recruter des travailleurs assez qualifiés. De plus, les cotisations payées sur les salaires versés viendraient alimenter la sécurité sociale. D’une façon générale, au lieu d’avoir des gens qui coûtent à la société, on se retrouve avec des gens qui rapportent. 

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Ceci étant dit, il faudrait se montrer extrêmement vigilant : l’embauche, ou la ré-embauche, ne doit pas se faire dans des conditions de compétition déloyale à l’encontre des jeunes actifs. Les retraités, qui bénéficient déjà d’une pension, auront plus de facilitées à acepter des rémunérations moins importantes et donc à prendre la place d’actifs qui pourraient se retrouver dans un important besoin d’emploi. Ce genre de travers serait plus que déplorable. Il ne faut pas tomber dans l’éviction des travailleurs qui, eux, ont besoin de l’intégralité de leur traitement.

Comment inciter les retraités à reprendre un emploi ?

Planet : Comment serait-il possible, au juste, de faciliter les anciens actifs à reprendre un emploi ? Faut-il se contenter des dispositifs pré-existants ?

Jacques Bichot : A mon sens, il est deux niveaux auprès desquels il est possible d’agir : d’abord le volet légal, à travers le droit du travail donc, puis sur le volet social… soit celui des mentalités.

Si les Françaises et les Français adoptent une mentalité très pesante qui consisterait à rejeter en bloc le retour à l’emploi au prétexte que c’est un obstacle de plus, par exemple, pour les jeunes actifs alors il ne sera jamais possible d’en arriver là. Il faut bien comprendre que ce genre de politique ne peut se concevoir que dans une bonne situation de l’emploi. Une plus forte demande d’emploi est donc indispensable et il ne sera de toute façon pas possible de forcer les Françaises ou les Français : nous sommes en démocratie. S’ils ne veulent pas travailler davantage, ils ne travailleront pas davantage.

En pratique, me semble-t-il, il est plus important de se concentrer sur les éventuels problèmes de concurrence entre futurs anciens retraités et jeunes actifs pour ne pas entraîner un phénomène de compétition déloyale au regard de l’insertion sur le marché du travail.

Inciter les retraités à travailler de nouveau : le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ?

Planet : En l’état actuel des choses, le report de l’âge légal de départ à la retraite apparaît contesté par la population. Une mesure visant à inciter les retraités à reprendre un emploi vous semble-t-elle viable, politiquement ou socialement parlant ?

Jacques Bichot : Il est difficile de répondre à une telle question sans être sociologue. Ceci étant dit, il me semble important de rappeler que le problème se pose et que, dans le cas du monde du travail, les questions doivent être abordées sans préjugés.

Du reste, tout changement de ce type entraîne, au moins au départ, de fortes réactions généralement négatives. Le premier réflexe consiste à se dresser contre la transformation proposée au prétexte de protéger sa retraite, éviter ce qui pourrait de facto s’apparenter à une diminution du temps de cessation d’activité. 

Pour qu’une réforme en vaille la chandelle, il faut alors que les effets négatifs (qu’il n’est malheureusement pas possible d’éviter) n’excèdent pas les effets positifs. Or, me semble-t-il, c’est précisément le cas ici. D’autant plus qu’il serait possible de développer des mesures visant à rendre plus simple ou plus efficace le fait de liquider partiellement ses droits tout en continuant à travailler.