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14h30 : début d'un safari "nécro polisson" sur l’humour noir
Dimanche 23 octobre, quelques jours avant la Toussaint. En cette saison automnale, c’est par un bel après-midi ensoleillé que Bertrand Beyern donne rendez-vous à une poignée de visiteurs pour l’un de ses safaris touristiques au Père-Lachaise. En couple, en famille ou entre amis, une trentaine de curieux venus toute la France se retrouve devant la sortie du métro à 14h30 pour démarrer la visite.
Le temps pour moi de retrouver mes deux amis Marine et Denis qui ont sacrifié leur jour de repos pour une aventure insolite dans les dédales et travées du cimetière. Non sans quelques idées reçues sur la réputation de la nécropole parisienne. Si la première s’attendait à "rentrer dans un lieu rempli d’histoires, de morts et de choses sinistres", le second pensait "qu’on allait forcément visiter les tombes les plus connues comme Jim Morrison ou Edith Piaf".
À la place, Bertrand Beyern propose aux néophytes (comme nous) et taphophilies invétérés un safari "nécro polisson" sous le signe de l’humour noir. Avant de commencer l’escapade, le conférencier prévient d’emblée. Il est "impossible de visiter le Père-Lachaise en une seule journée". Voilà de quoi nous rassurer, au risque de terminer la visite à la tombée de la nuit.
Parmi les premières sépultures visitées sur notre chemin, celle des sœurs Maria et Rosy Carita. Les deux coiffeuses et esthéticiennes de stars, disparues en 1978 et 1983, reposent dans la première division. Un monument pas comme les autres. "Elles ont refusé de faire graver leurs dates de naissance sur leur tombe, emportant avec coquetterie le secret de leur âge dans l’éternité", a relaté Bertrand Beyern en ajoutant. "On suppose qu’elles étaient sexagénaires".
Plus loin dans la visite, nous croisons la route de l’autrice Colette où près de sa tombe, notre guide charismatique dévoile des anecdotes croustillantes sur sa vie amoureuse : des hommes, mais aussi des femmes qui ont partagé sa vie comme Mathilde de Morny (dite Missy), pionnière des figures transgenres, qui repose aussi au Père-Lachaise. Avec ses histoires anecdotiques, la voix de Bertrand Beyern retient notre attention, mais également celle de quelques curieux qui tentent de se greffer au groupe. L’occasion pour lui nous révéler quelques-unes de ses folles rencontres au Père-Lachaise.
16h30 : quand les touristes font des photos en plein enterrement
Comme nous le rappelle Bertrand Beyern avec humour durant la visite du Père-Lachaise, "la mort ne prend jamais de vacances". Chaque moment de l’année, il y a des enterrements même durant les visites au cimetière. Alors que nous remontons une grande allée où l’on croise les tombes de Ledru Rollin et Félix Faure (entre deux anecdotes sur le surnom coquin de la maîtresse du président), le conférencier revient sur des rencontres qui l’ont marquée.
"Anonymes et célébrités décédées se côtoient dans les allées du Père Lachaise", nous rappelle le nécrosophe et historien. Ce qui engendre parfois des scènes surréalistes. "Tous les étés, on voit les promeneurs qui arrivent, très détendus en vacances qui suivent les convois funéraires et font des photos en plein enterrement, pensant qu’il s’agit d’une star". L’un d’eux lui a même demandé si une vedette était sur le point d’être enterré alors que le conférencier était en pleine visite.
Parfois, il arrive à Bertrand Beyern de faire des découvertes au pied des tombes. Comme ce jour de juillet 2000 où un individu a laissé un tendre mot sur la tombe de l’auteur Alfred de Musset. De sa poche, le guide sortait le précieux papier et lisait. "Alfred, je te serai éternellement reconnaissante pour mon 14/20 au bac de Français. Merci, tu es un vrai pote". De quoi faire rire les visiteurs face à cette anecdote insolite.
Plus symbolique, la tombe du pianiste Frédéric Chopin juchée en haut d’un long chemin assez étroit. Face à la foule présente devant sa sépulture s'illuminaient des bougies rouges et blanches."C’est magnifique", s’exclame Marine devant ce lieu de pèlerinage cher au cœur des touristes et visiteurs franco-polonais. Un artiste particulièrement apprécié de Pierre Desproges qui se rendait souvent sur sa sépulture de son vivant, nous indique Bertrand Beyern. Le virtuose de l’humour noir, disparu en 1988, repose dans la même allée que son idole. Comme lui, d’autres vedettes françaises sont très visitées au cœur du Père-Lachaise.
18h : délits, tombes insolites et stars françaises au Père-Lachaise
Le safari humoristique de Bertrand Beyern se poursuit dans les travées du Père-Lachaise. Si les morts dorment paisiblement, leur repos est parfois perturbé par des individus malintentionnés. Dans le dos des gardiens du cimetière, des pilleurs de tombes sévissent en plein jour en dérobant des stèles, sculptures ou portes des caveaux. Plus glaçant comme récit : le meurtre d’un sexagénaire en 2014.
Après une énième touche de sarcasme, Bertrand Beyern nous guide parmi les tombes insolites de la célèbre nécropole parisienne. Mon amie Marine retient celle du photographe (toujours vivant) André Chabot qui a installé un QR Code sur la façade de sa tombe pour permettre aux curieux de consulter son site internet durant la visite. Quant à Denis, c’est la pyramide de Jean-Louis Sacchet, pharmacien (bien vivant également) et passionné d’Égypte qui a retenu son attention.
Pour ma part, j’ai jeté mon dévolu sur celle de Jean-Louis Fournier. Ce réalisateur pour Desproges et ami du guide Bertrand Beyern appréciait se promener dans le Père-Lachaise avec sa seconde femme Sylvie, disparue en 2011. L’humour noir les unit jusque sur leur épitaphe. "Finalement, nous ne regretterons pas d’être venus…", est-il écrit sur le monument.
Pour finir notre visite, Bertrand Beyern nous emmène vers quelques tombes de célébrités. Sur notre parcours, nous nous sommes rendus sur la sépulture d’Alain Bashung recouverte de baisers de ses fans. Puis celle de Jacques Higelin, conçue par sa dernière compagne quelque temps après sa mort. Plus surprenant, l’imposante sépulture de la famille Darty "fils" (ce jeu de mots est offert par notre guide nécrosophe). Tandis que Marie Trintignant, Alain Corneau, Sophie Daumier et Gilbert Bécaud sont voisins de divisions.
Alors que 18h sonne la fermeture du Père-Lachaise, le soleil allant se coucher et quelques gouttes pointant sur nos visages, notre groupe regagnait la sortie en écoutant les dernières histoires de Bertrand Beyern. Ce safari insolite a permis à Marine d’être "au plus proche des célébrités le temps d’un instant", en admirant la beauté des lieux. "J’ai découvert un lieu plutôt bien entretenu, il semble de prime abord riche au sens propre du terme et riche de ses défunts". Si la jeune femme espère bien revenir pour faire un circuit spécial célébrités, cette visite guidée du Père-Lachaise était l’occasion pour Denis d’enrichir sa culture générale pour ses études et projets professionnels.