Nordahl Lelandais : pourquoi des familles de disparus doivent payer ?
Deux familles de disparus ont récemment laissé éclater leur colère. A travers ce coup de gueule, plusieurs questions se posent concernant la machine judiciaire.

Nordahl Lelandais est-il impliqué dans les dispartions d'Ahmed Hamadou et de Jean-Christophe Morin ?

Deux familles de disparus dans laquelle la piste Nordahl Lelandais devrait être étudiée par la cellule Ariane sont absolument furieuses. Les proches de Jean-Christophe Morin et Ahmed Hamadou, tous les deux disparus après avoir participé à un festival de musique électro à Fort Tamié en 2011 et 2012, ne retiennent plus leur colère. Dans Le Parisien ce week-end, elles dénoncent la lenteur de la justice qui les oblige aujourd’hui à débourser de l’argent pour voir les enquêtes relancées. 

Pour que la justice se penche à nouveau sur la disparition de leurs proches, elles ont déposé plainte avec constitution de partie civile le 6 mars dernier au parquet de Chambéry. Comme le permet la procédure, la juge d’instruction leur a demandé de déposer une caution ou "consignation", dont le montant a été fixé en fonction de leurs revenus. Cette somme permet à la justice de s’assurer du paiement d’une amende si la plainte s’avérait abusive. Daniel Morin, le père de Jean-Christophe Morin ne décolère pas. "Cela fait sept ans que j’attends une véritable enquête… Des années à attendre une réponse… Et il faut payer pour avoir droit à une justice qui a été défaillante de bout en bout dans nos dossiers ? C’est aberrant !", a-t-il déclaré au Parisien. De son côté, la soeur d'Ahmed Hamadou expliquait que jamais ni elle, ni sa famille n'ont reçu la visite des gendarmes. 

Les deux familles sont défendues par Maître Seban, qui dénonçait il y a peu sur RTL une justice de Moyen-Âge.

Bernard Valézy, commissaire et référent de l’association Assistance et recherche des personnes disparues (ARPD) dans la région lyonnaise, contacté par Planet, a fait part de sa solidarité avec les familles Morin et Hamadou. S’il estime choquant et surprenant qu’on demande aujourd’hui une caution aux proches des disparus, il considère également que les familles ne sont pas assez informées de ce qu’il se passe. C’est d’ailleurs pour interpeller la justice que plusieurs proches de disparus se sont retrouvés à Lyon le 27 avril dernier. Il prend pour exemple le fait que les autorités ne soient pas venues saisir les téléphones de Jean-Christophe Morin. "C’est troublant de ne pas le faire quand on a déclenché une enquête pour disparition inquiétante, et ça l’est d’autant plus quand on a des affaires dans lesquelles les avocats et les familles ont relancé la justice", déclare Bernard Valézy.

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La mère d'un disparu : "Je sais qu’il va falloir être patiente"

Marie-France Fiorello, mère d’Adrien Fiorello disparu en août 2013 alors qu’il se rendait à la faculté, a pu elle-même constater une certaine différence de traitement. Les appareils électroniques de son fils ont été étudiés, et il a même été montré que son téléphone portable avait borné à Chambéry, où habitait Nordahl Lelandais à l’époque, mais où l'étudiant n'avait a priori aucune raison d'être." Lors de la réunion ARPD qui a eu lieu le 1er février avec d’autres familles de disparus, j’ai pu moi-même le constater : nous étions une des rares, si ce n’est la seule famille a avoir été bien encadrée dès le début. Le juge d'instruction est venu à la maison, nous expliquer la procédure et ce qui allait se passer. Je n’arrive pas à comprendre ce deux poids, deux mesures, mon sentiment c’est que dans certains dossiers les choses ont été mal faites et que certainement, il faut mieux former les autorités qui recueillent les plaintes", confie-t-elle à Planet.

Après douze mois d’enquête, elle a réussi à force de demandes et de commissions rogatoires à ce que le dossier de son fils ne soit pas fermé. Tous les éléments sont actuellement à nouveau étudiés par la Police judiciaire de Saint-Etienne, qui assure-t-elle, communique bien avec elle. 

Dès lors comment expliquer que pour certaines familles, le silence soit de mise ? Comment expliquer que pour certaines les enquêtes soient relancées rapidement et pour d’autres pas ? Pour Bernard Valézy, outre évidemment les différences dans chaque dossier, cela peut dépendre des juridictions. "Pourquoi les diligences sont plus rapides à un endroit qu’à un autre ? C’est lié à un problème soi de la justice, soi du service d’enquête", estime-t-il. De son côté, le parquet de Chambéry a expliqué que le dossier était en instruction et que la juge gérait l'affaire comme elle l'entendait.

Aujourd’hui le commissaire plaide pour une centralisation des enquêtes et un vrai service des personnes disparues. Comme l’assurait récemment Maître Hermann, associée de Maître Seban, la justice française a du mal à prendre en compte le phénomène "sériel" ; une analyse vers laquelle abonde également Bernard Valézy. "J’y souscris et j’ajoute qu’aujourd’hui un véritable fichier des disparitions, inquiétantes ou non inquiétantes, nous permettrait d’avoir une mesure statistique mais aussi de faire des rapprochements. On le voit depuis longtemps : sur certains départements le nombre de disparitions est anormal par rapport à la population de base", détaille-t-il tout en estimant qu’il s’agit aussi d’un problème de moyens et donc d’un enjeu politique.

Les familles des disparus se réuniront à nouveaux au mois de septembre pour faire le point sur les enquêtes. Quant à Marie-France Fiorello, elle a aussi décidé de laisser pour le moment les enquêteurs faire leur travail. "Je sais qu’il va falloir être patiente. Je leur laisse jusqu’à septembre. En attendant, cela ne nous empêche pas de beaucoup penser. J’avais déjà peur depuis le début mais un peu plus depuis les aveux sur l’affaire Arthur Noyer et les éléments entourant la disparition de Lucie Roux", confie-t-elle.

Nordahl Lelandais est mis en examen dans les affaires Arthur Noyer et Maëlys de Araujo, pour lesquelles il plaide l'accident. Il n'a été mis en cause dans aucun autre dossier pour le moment.