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- 1 - Un an après l'attentat de Strasbourg, les marchés de Noël sont-ils sûrs ?
- 2 - Un an après l'attentat de Strasbourg, quelles sont les cibles que pourraient frapper les terroristes ?
- 3 - Un an après l'attentat de Strasbourg : pourquoi la France ?
- 4 - Un an après l'attentat de Strasbourg : la France devrait-elle se retirer en Afrique et au Moyen-Orient ?
Un an après l'attentat de Strasbourg, les marchés de Noël sont-ils sûrs ?
Planet : En 2018, le marché de Noël de Strasbourg était attaqué par le terroriste Cherif Chekatt, qui a tué cinq personnes et blessé une dizaine d'autres. D'après Ouest France, la fréquentation n'a pas diminué cette année. Faut-il craindre un autre attentat, à Strasbourg ou ailleurs ?
François-Bernard Huyghe : Sans être dans la tête des terroristes et pouvoir prétendre connaître leurs projets à venir, il importe de rappeler que les grands rassemblements à l'image du marché de Noël de Strasbourg sont des cibles tentantes pour les djihadistes. C'est d'ailleurs un élément que l'on retrouve dans leur littérature. Parce qu'il s'agit de lieux où il est plus simple de s'en prendre à plusieurs personnes, il est recommandé de les frapper.
En France, nous faisons actuellement face à un terrorisme de circuit court. L'EI, qui n'a pas organisé de nouvel attentat de grande ampleur depuis celui de l'année dernière, encourage celles et ceux qui n'ont pas pu partir en Syrie à s'armer et s'attaquer à qui ils le peuvent. Ils ont donc une autorisation théologique de tuer et il est certain qu'ils le souhaitent. Là n'est pas la question. Celle qu'il faut se poser, c'est celle de leur capacité. Le peuvent-ils seulement ?
Depuis les attentats de 2015, les autorités ont eu l'occasion de constater le problème de sécurité qui existe en France, et de réfléchir à des solutions. Des dispositifs de protection sont mis en place et des mesures préventives pour éviter les attentats sont prises. Rappelons d'ailleurs qu'entre 2012 et aujourd'hui, 263 personnes ont été tuées lors d'attentats islamistes perpétrés sur notre sol, d'après Le Figaro. À titre de comparaison, entre 2000 et 2018, 1868 personnes ont été tuées en Europe, rappelle Le Point.
"Les cibles molles sont toujours des victimes faciles", François-Bernard Huyghe
Cela étant, cela ne veut pas dire qu'il n'y ait aucun risque. Les "cibles molles", les civils qui ne sont pas en mesure de se défendre, sont toujours des victimes faciles. C'est pourquoi il est probable qu'un terroriste tente de s'en prendre à un lieu où elles sont nombreuses. Si c'est le cas, il est probable qu'ils s'en prennent à un site français : l'Hexagone est une de leurs cibles privilégiées.
Pour autant, les derniers assauts ne présentaient pas le même "niveau technique" que ceux du Bataclan, par exemple. Nous ne savons pas s'ils travaillent actuellement à un attentat d'ampleur comparable, s'ils en ont seulement les moyens, mais il apparaît que leur capacité de nocivité n'est pas à son maximum.
Un an après l'attentat de Strasbourg, quelles sont les cibles que pourraient frapper les terroristes ?
C'est sous "le regard vigilant des policiers" que les touristes se pressaient entre les chalets, pour la 450ème édition du marché de Noël de Strasbourg, note Ouest France. Un an après l'attentat, quels sont les endroits les plus à risques ? Strasbourg est-elle, une fois de plus, en danger ?
F-B. H. : Il est difficile de dire avec précision où les terroristes pourraient frapper, précisément parce qu'ils cherchent à taper là où ils ne sont pas attendus. Cependant, il est indéniable que certaines cibles les font plus fantasmer que d'autres. Tous ceux qui souhaitent s'en prendre à la France et l'humilier aimeraient attaquer les symboles qui font de Paris la capitale qu'elle est aujourd'hui : les Champs-Élysées, le palais présidentiel, le musée du Louvre, entre autres. Et, bien évidemment, la Tour Eiffel. En 1994, le Groupe Islamique Armé (GIA), avait d'ailleurs pour projet de détourner un Airbus A300 pour l'envoyer s'écraser sur la Dame de fer. Le GIGN, lors d'une intervention pendant un ravitaillement en carburant à Marseille, a mis un terme à l'opération.
"Les marchés de Noël restent des sites à risque", François-Bernard Huyghe
À l'approche de Noël, les grands magasins parisiens peuvent aussi constituer des sites à risques, compte tenu de la forte affluence qu'on y constate chaque année. Cependant, toutes ces cibles sont évidentes : c'est pourquoi elles sont particulièrement protégées.
Tout surveillé qu'il soit, un marché de Noël reste relativement dangereux. Bien sûr, on peut organiser des fouilles, mais rien n'empêche un terroriste, une fois sur place, d'acheter un couteau de cuisine et de poignarder son voisin…
Un an après l'attentat de Strasbourg : pourquoi la France ?
Vous disiez précédemment que la France était l'une des cibles privilégiées des terroristes de l'État Islamique. Pourquoi s'en prendre à l'Hexagone plutôt qu'à l'Allemagne ou à un autre pays d'Europe ?
F-B. H. : C'est une question légitime. Pourquoi les terroristes s'attaquent-ils davantage à la France qu'aux autres pays occidentaux ? D'abord, et il ne faut pas l'oublier, c'est parce que nous nous sommes engagés militairement dans plusieurs conflits au Moyen-Orient et en Afrique. C'est le cas en Irak, en Syrie, ou au Mali, par exemple, où la France lutte contre le terrorisme en tant que membre de la Coalition internationale. C'est donc en tant que puissance militaire internationale que nous sommes visés.
"Aux yeux de l'Etat Islamique, la France est un pays daté", François-Bernard Huyghe
Ce n'est pas tout : la littérature djihadiste, que nous avons pu consulter, nous renseigne sur la doctrine de l'État Islamique. Si la France est à ce point une cible, c'est aussi parce qu'elle est perçue comme un pays "daté". L'EI nous reproche la révolution française, nous accuse d'être une nation de francs-maçons mais aussi, somme toute, d'avoir mené des croisades à son encontre. Les motivations remontent loin dans la culture du groupe.
Ce que l'on ne retrouve pas dans la doctrine de DAESH, ce qui ne signifie pas que cela ne peut pas nourrir une certaine rancœur à l'encontre de la France, ce sont les motivations décoloniales. L'Etat Islamique ne parle pas du racisme qui peut exister dans l'Hexagone, de la montée du Rassemblement national ou des débats sur le burkini par exemple. Les raisons qu'il avance pour attaquer la France relèvent davantage de la géopolitique.
Un an après l'attentat de Strasbourg : la France devrait-elle se retirer en Afrique et au Moyen-Orient ?
Si la France est une cible parce qu'elle est militairement engagée au Moyen-Orient, faut-il qu'Emmanuel Macron ordonne le retrait des troupes qui y sont stationnées ? Quelle est la politique que les autorités devraient mettre en place pour minimiser le risque d'attentats ?
F-B. H. : Ce qui est sûr c'est qu'il ne sera pas possible de tout contrôler. On ne peut mécaniquement pas mettre un policier derrière chaque Français. Par conséquent, la solution se trouve moins dans la surprotection que dans le renseignement. Les forces Françaises sont efficaces quand il s'agit de surveiller des profils suspects, parce qu'elles ont une expérience considérable à ce niveau, quand bien même DAESH les a surpris par le passé.
Est-ce à dire qu'il faut se retirer du Moyen-Orient ? N'oublions pas que la France intervient dans le cadre de la Coalition internationale et que nos seuls bombardements n'auraient jamais été suffisants pour lutter contre le terrorisme. D'autres se sont beaucoup plus mobilisés que nous, comme les Russes ou les Kurdes. Cependant, il est clair que la France ne peut pas éternellement jouer au policier du monde.
À mon sens, bombarder les bases terroristes ne suffira pas non plus à mettre un terme à la menace que représente l'État Islamique. C'est un problème qui se résoudra dans les têtes. Or, pour l'heure, nous ne sommes pas très bons pour limiter la radicalisation ou déradicaliser ceux que l'EI pourraient séduire.