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Suppression des jours fériés : les célébrations religieuses en France doivent-elles être supprimées ?IllustrationIstock
Depuis plusieurs mois, un projet économique est en discussion à l'Assemblée nationale : réaliser des économies en supprimant certains jours fériés. Une possibilité analysée pour Planet.fr par Patrick Vassort, sociologue.

Face à une situation économique fragile, le gouvernement français envisage de supprimer des jours fériés. Remettre les Français au travail permettrait, selon lui, de réaliser des économies significatives, en réduisant notamment l’aggravation de la dette.

Un seul jour férié supprimé rapporterait environ 3 milliards d’euros, selon le site d’information CNews. Une somme modeste, mais utile pour combler les 20 milliards d’euros d’économies que le gouvernement souhaite réaliser dans le cadre de l’élaboration du budget 2025.

La mesure suscite des réactions. Elle n’est pourtant pas inédite : en 2004, un jour férié non travaillé a été supprimé au profit de ce que l’on appelle désormais la « journée de solidarité ». Ce jour-là, les salariés travaillent sans être rémunérés, tandis que les employeurs versent une contribution supplémentaire à la Sécurité sociale.

Une seconde journée de solidarité pourrait donc voir le jour. Mais au-delà de la question : faut-il travailler un jour de plus ou non ? se pose une interrogation plus délicate : quel jour férié supprimer ?

Quels jours fériés faut-il supprimer en France ? 

Cette question a été soulevée au sein des instances gouvernementales par Antoine Léaument, député La France insoumise de l’Essonne. Comme le rapporte Capital, il propose de conserver les jours fériés autour de grandes causes communes, comme le 1er mai – « fête des travailleurs » – et de supprimer ceux liés à des célébrations religieuses.

« S’il faut supprimer des jours fériés, il y en a un certain nombre qui sont associés à la religion qu’on pourrait éventuellement modifier », a-t-il expliqué.

Mais pour Patrick Vassort, maître de conférences HDR à l’université de Caen et sociologue, « il n’est pas anormal de conserver ces jours fériés » religieux. Il partage son analyse avec Planet.fr.

Il identifie deux raisons principales à la conservation des jours fériés religieux :« Une raison historico-culturelle : la France relève d’une histoire judéo-chrétienne, et le calendrier est marqué par les fêtes de ces religions. » C’est aussi, selon lui, une manière de « faire honneur à la laïcité. Si les individus souhaitent pratiquer leur culte de manière privée, il faut bien qu’il y ait des jours à y consacrer. »

Il n’existe toutefois pas de jours fériés pour l’ensemble des religions présentes sur le territoire. Mais selon Patrick Vassort, elles sont néanmoins représentées :

« Il existe, au sein de notre système, des possibilités de pratiquer ces religions. Par exemple, dans les écoles, lors de l’Aïd, de nombreux élèves sont absents avec l’accord ou la tolérance des chefs d’établissement. »

La création de jours fériés reflétant cette pluralité religieuse « devrait être discutée », estime-t-il.

La mort du pape François relance le débat

Si la suppression d’un jour férié s’inscrit dans une logique économique, Patrick Vassort y voit aussi une forme de contradiction symbolique :

« C’est dans un but de croissance et de productivité : c’est la religion capitaliste qui apparaît », analyse-t-il.

Il ajoute :

« Je trouve étonnant que la République laïque mette en berne les drapeaux lors du décès du pape François. »

Cette décision, prise cette semaine à Matignon, fait suite à l’annonce de la mort du souverain pontife, emporté par un AVC quelques semaines après son retour de l’hôpital.

Ainsi, ce samedi 26 avril, les drapeaux tricolores devraient être en berne partout en France. « Mettre les drapeaux en berne, c’est une manifestation publique d’adhésion religieuse. Cela montre que nos dirigeants politiques ne comprennent pas vraiment la laïcité ni comment elle devrait fonctionner », conclut Patrick Vassort.

Une décision qui relance, en pleine période de rigueur budgétaire, le débat autour des jours fériés religieux dans la société française. Et interroge, une fois de plus, la place de la religion dans l’espace public, à l’heure où chaque jour chômé est vu comme un levier potentiel pour redresser les finances du pays.