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Planet : Pourquoi avez-vous choisi de vous adresser à Brigitte Macron ?
Jean-Luc Romero-Michel : Pendant la campagne présidentielle, j’ai rencontré beaucoup de gens de l’ADMD qui étaient déçus que François Hollande n’ait pas tenu sa promesse sur l’euthanasie. Et on a commencé à me parler de Brigitte Macron et de sa capacité d’écoute. Il y a ensuite eu la charte de la Première dame à laquelle j’ai prêté une grande attention, car la question du droit à mourir dans la dignité rentre parfaitement dans ce cadre. Et puis, ce sont souvent les femmes qui font avancer les choses sur des questions de société.
Planet : Avez-vous déjà eu des retours ?
Jean-Luc Romero-Michel : Non pas encore. J’ai évidemment envoyé mon livre avec un mot à l’Elysée. Mais je reste confiant, même si la ministre de la Santé, Agnès Buzyn s’est déclaré hostile à une évolution de la loi en faveur de l'euthanasie, les conditions n’ont jamais été autant favorables en France. J’ai récemment participé à un dîner avec le chef de l’Etat et une quinzaine d’autres personnes. Même si on ne pouvait pas vraiment savoir ce qu’il en pensait, il a pris le temps de nous écouter. Du côté des parlementaires, en revanche je suis optimiste. Il y a récemment eu une tribune signée par 156 élus de tous les groupes qui se prononcent pour l’euthanasie. La conjoncture est très favorable.
Planet : Les Etats généraux de la bioéthique qui se sont ouvert mi-janvier devront notamment aborder la question de l’euthanasie. Pour l’instant, il est beaucoup question de la procréation médicalement assistée, un sujet sur lequel les milieux conservateurs sont très réactifs. Ne craignez-vous pas le même effet sur la fin de vie ?
Jean-Luc Romero-Michel : Certains groupes conservateurs sont effectivement très mobilisés sur la PMA, mais ils n’arrivent pas à mobiliser sur la question de la fin de vie, et pour cause. Il y avait cet article dans Le Parisien qui expliquait qu’au congrès du Front national, par exemple, les cadres se sont fait gronder par les militants qui sont favorables à une nouvelle loi sur la fin de vie. Même un sondage de La Croix montrait que 89% des gens voulaient une loi sur l’euthanasie. C’est aussi lié à un vieillissement de la population. Aujourd’hui, des gens de 70 ans voient leurs parents mourir dans des conditions indignes, ils veulent qu’on se saisisse de la question du bien mourir.
Planet : Est-ce que parce que la société est prête, il faut nécessairement légiférer ?
Jean-Luc Romero-Michel : Pas forcément, mais aujourd’hui le décalage n’est plus tenable. La justice ne peut plus appliquer des lois qui sont inhumaines, tout simplement. Avec un corpus de loi qui ne correspond plus à la réalité, le législateur se retrouve face à ses défaillances.
Planet : Vous le dites vous-mêmes dans votre livre, il y a eu trois loi en 10 ans, dont la loi Clayes-Leonetti de 2016 qui autorise la sédation profonde pour les patients en stade terminal. Elles ne sont pas suffisantes ?
Jean-Luc Romero-Michel : Ce qu’il faut comprendre avec cette solution de la sédation profonde, c’est qu’on vous endort et qu’on arrête de vous nourrir. Pour des personnes, âgées par exemple dont le corps est complètement épuisé, la mort peut alors survenir assez rapidement, mais pour des personnes plus jeunes, cela peut prendre des semaines. C’est une forme d’acharnement thérapeutique, où aucune étude ne montre qu’il n’y a pas de souffrance. C’est pour cela que l’euthanasie est nécessaire. D’autant que cette nouvelle loi restreint, comme vous le précisez, l’accès à la sédation à des gens qui vont mourir à brève échéance. Cela ne résout pas, par exemple, la question des comas irréversibles ou des cas comme celui de Vincent Lambert.
Planet : Concrètement, comment envisagez-vous une loi sur l’euthanasie en France ?
Jean-Luc Romero-Michel : Ça existe dans les trois pays du Benelux*, nous n’avons pas besoin de chercher, c’est là, à côté. Il faut une loi qui remette la volonté de la personne au centre des décisions. C’est elle qui doit décider quand elle meurt, parce que nous savons aussi que des gens sont aidés sans avoir rien demandé. Nous voulons aussi renforcer les soins palliatifs, les inégalités territoriales dans ce domaine sont scandaleuses. C’est un vrai échec. Alors que cela devait être une pierre angulaire, il n’y a eu que deux plans en 13 ans, on n’y met aucun argent. Par exemple en Guyane, il n’y a pas de services de soins palliatifs. Aux Pays-Bas, l’euthanasie représente environ 4,5% des morts, en France les chiffres devraient être sensiblement les mêmes ce qui représente plusieurs dizaines de milliers de personnes.
Planet : Comprenez-vous la réticence des médecins ?
Jean-Luc Romero-Michel : Je veux qu’ils soient respectés dans leur conscience mais là en revanche il s’agit d’une question sociétale, 100% d’entre nous allons mourir. Ceux qu’on entend dans les médias et qui sont contre ne représentent pas forcément la majorité. Un sondage de l’Ordre a même récemment montré qu’ils étaient en majorité pour. D’ailleurs dans les pays du Benelux, il y a une clause de conscience pour les médecins. Il n’y pas de meilleure expert sur sa fin de vie que soi-même.
*En Belgique, avant de procéder à l’euthanasie, le patient est suivi pendant un long moment par une commission d’évaluation et de contrôle. Il faut que la souffrance physique et psychologique soit insupportable et la pathologie sans issue. Le patient doit être capable et conscient au moment de sa demande, mais également majeur ou mineur émancipé.