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L’inquiétude s’installe en France. Selon un sondage Ifop pour illicomed.com, rapporté par Le Parisien, 61% des Français sont inquiets pour eux et pour leur famille après la multiplication de cas de coronavirus ces derniers jours. Ce sont désormais près de deux Français sur trois qui sont inquiets, alors qu’ils étaient 44% au mois de janvier. Dans le détail, 42% des personnes interrogées sont "plutôt inquiètes" et 19% sont "tout à fait inquiètes". Seuls 9% des Français ne sont "pas du tout inquiets" par le coronavirus. Trois personnes sont décédées depuis l’apparition du virus dans l’Hexagone et les cas se sont multipliés ces derniers jours, entraînant le confinement de plusieurs centaines de personnes, notamment dans l’Oise, en Bretagne et en Haute-Savoie. Faut-il craindre des pénuries ? "J’ai fait le point hier avec la grande distribution et il n’y aura de pénuries que si les gens n’ont pas de comportements responsables", a assuré Bruno Le Maire sur France 2. Mais la situation a déjà poussé certains Français à faire des stocks de denrées alimentaires, alors que les masques et les solutions hydro alcooliques sont en rupture de stocks dans de nombreuses pharmacies.
Coronavirus : "L’inconnu produit de l’angoisse"
"Quand il y a des crises comme cela, l’une des premières choses qui se développe ce sont les rumeurs", explique Dominique Desjeux, anthropologue, professeur émérite à la Sorbonne et auteur du livre L'empreinte anthropologique du monde, aux éditions Peter Lang. "Les rumeurs sont liées à l’inconnu et l’inconnu produit de l’angoisse, ajoute-t-il. Le problème de l’angoisse, c’est qu’elle touche quelque chose d’indéfini, il n’y a pas d’objet précis, il n’y a pas un thème précis, ça créé une espèce d’inquiétude qui fait qu’on se raccroche à tout ce qui peut rassurer". Selon lui, lorsqu’un pays vit des moments de crise, "on voit une partie de la population qui a confiance dans les institutions et qui a peur, mais sans angoisse. Mais des fractions de la population, qui n’ont aucune confiance dans les institutions, développent des théories conspiratoires, en demandant par exemple la fermeture des frontières".
Pour Dominique Desjeux, cette peur est générationnelle et, pour la première fois, elle touche des personnes autour de 35 ans, qui n’ont pas vécu de situation similaire en France par le passé. "Pour moi le grand intérêt et l’apport du coronavirus c’est de nous rappeler ça, de faire attention, que la vie est difficile et pas uniquement en terme de pouvoir d’achat mais parce qu’il y a des dangers absolument inconnus", assure-t-il. Mais la crise inquiète et, face à cela, les Français prennent leur précaution, rendant réel le risque de pénuries.
Coronavirus : "Une partie des gens vont continuer à faire des stocks"
Alors que les masques et les solutions hydro alcooliques sont déjà en rupture de stock, faut-il craindre des pénuries alimentaires ? "C’est plus que probable", explique Dominique Desjeux. "C’est un mécanisme très connu : chaque individu, chaque ménage, chaque famille essaye d’échapper à la pénurie. Pour se prémunir contre la pénurie on va faire des stocks, c’est-à-dire qu’on va acheter des quantités énormes, mais comme le système de distribution n’est pas du tout organisé autour d’une forte hausse de la demande, et bien ça créé de la pénurie."
C’est un cercle vicieux qui se met en place puisque la création de la pénurie augmente l’angoisse, "qui fait qu’une partie des gens vont continuer à faire des stocks", ajoute Dominique Desjeux. "Les gens se précipitent pour faire des réserves, ce qui est humainement normal, précise l'anthropologue. Dans les grandes villes, ça pourra être compensé par des systèmes de livraison, qui font qu’il n’y aura pas de pénuries, mais dans les communes rurales, des phénomènes de protection, comme des barrages, vont créer de la pénurie". Mais, selon Dominique Desjeux, la crise entraînée par le coronavirus pourrait avoir d'autres conséquences sur la société.
Coronavirus : "Une menace potentielle pour la démocratie"
Ces pénuries pourraient avoir des conséquences importantes sur la société, à commencer par l’économie. Pour Dominique Desjeux, cette situation pourrait augmenter le télétravail et donc l’utilisation d’Internet, mais pourrait donc avoir des conséquences désastreuses sur les commerces et les activités de loisir. "Tous les métiers de la mobilité, de la restauration, du loisir sont touchés immédiatement", explique-t-il. Il appelle à regarder les effets sur l’économie des derniers mouvements sociaux, notamment celui des Gilets jaunes et la grève contre la réforme des retraites.
Il y aura aussi des conséquences humaines, notamment à cause des interdictions de rassemblement : "Tous les gens qui, depuis des années, des mois, des semaines se préparent à un événement feront face à une déception énorme. Arrêter un événement humain est très compliqué pour les gens, peu importe ce que c’est."
La dernière conséquence serait, selon Dominique Desjeux, politique. "Je pense que dans les périodes de crise, ce sont des moments où les mouvements populistes deviennent populaires, explique-t-il. Ils ont une capacité à capter l’imaginaire des gens qui ont peur, pour leur faire encore plus peur". Il s’attend également à un régime qui deviendrait plus autoritaire, "notamment pour des raisons de sécurité sanitaire mais aussi pour des questions politiques". Autant de raisons qui font craindre à Dominique Desjeux une "menace potentielle pour la démocratie."