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Attaque de prisons Toulon© Coust/ABACAPRESS.COMabacapress
Depuis dimanche, des attaques contre plusieurs prisons françaises se sont multipliées. Allant jusqu'aux rafales de kalachnikov. Un mystérieux groupuscule à l'acronyme "DDPF" a semble-t-il ciblé ces actions d'ampleur coordonnées. A tel point que le parquet national antiterroriste s'est saisi de l'affaire. Si l'ultragauche est la principale suspecte, d'autres pistes pourraient prendre de l'ampleur. Damien Tripenne, un responsable de la CGT Pénitentiaire, a répondu à nos questions.

DDPF, pour "Défense des droits des prisonniers français." Cet acronyme a été retrouvé inscrit sur les portes de plusieurs établissements pénitentiaires et de nombreux véhicules incendiés ou dégradés sur leurs parkings (vidéos à l'appui), après une série d'attaques visant semble-t-il le système carcéral, qui a débuté dans la nuit du dimanche 13 au lundi 14 avril et s'est poursuivie dans celle du 15 au 16. Des attaques à chaque fois coordonnées puisqu'on été touchées tour à tour les prisons de Marseille, Luynes-Aix, Nîmes, Valence, Villepinte, Agen, Réau-Melun et Nanterre. Pire, celle de Toulon-La Farlade a été criblée de tirs de kalachnikov (une quinzaine d'impacts). Ce alors que le nombre de détenus explose.

Une lutte qui en rappelle une autre 

Le DDPF, qui est suspecté d'être un mouvement d'ultragauche par les enquêteurs, dispose d'un canal de discussion sur la messagerie cryptée Telegram. On peut y lire : "Nous ne sommes pas des terroristes, nous sommes là pour défendre les droits de l'Homme à l'intérieur des prisons." Cela rappelle évidemment la lutte contre les QHS (quartiers de haute sécurité) dans les années 70, portée ni plus ni moins que par Jacques Mesrine et ses complices et l'ensemble de l'intelligentsia de l'époque. Mais jamais elle n'avait pris une telle ampleur.

La DDFP : mouvement d'ultragauche, vraiment ?

France Info révèle des messages postés sur ce canal dès le 12 avril tels que "Surveillants, démissionnez tant que vous le pouvez si vous tenez à vos familles et à vos proches", "les démonstrations de force de ces derniers jours ne sont rien", "sachez que notre mouvement s'étend dans toute la France". Ou encore"Tous les surveillants qui ont profité de leur pouvoir et qui ont contribué à faire basculer les conditions de détention en paieront les totales conséquences."  Sont reprochées entres autres les fouilles au corps humiliantes sur les détenus. Mercredi, le parquet national antiterroriste s'est fendu d'un communiqué déclarant s'être saisi des faits, "sous les qualifications suivantes" :

  • participation à une association de malfaiteurs terroriste ;
  • dégradation ou détérioration en bande organisée du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes en relation avec une entreprise terroriste.

Le même jour, Le Parisien révélait qu'un premier suspect, un homme en semi-liberté, avait été appréhendé et mis en garde à vue, soupçonné d'être "lié" au canal Telegram DDPF. On n'en sait pas plus pour l'instant.  Mais peut-on être réellement certain de l'existence de ce groupuscule d'ultragauche ? Au moment où, sous l'impulsion de Gérald Darmanin et Bruno Retailleau, clairement visés, une loi de "guerre" a été votée pour lutter contre le narcotrafic, dont la fameuse DZ Mafia, et deux prisons dédiées réaménagées pour devenir inviolables. Pourrait-elle, elle ou une autre organisation du grand banditisme, se faire passer pour un mouvement idéologique, détourner l'attention et menacer à couvert l'Etat de représailles ? Les experts s'interrogent.

Les surveillants pénitentiaires toujours plus menacés et toujours aussi mal payés

En attendant de nouveaux éléments, ce sont toujours les mêmes (après l'affaire Amra) qui trinquent : les personnels de l'administration pénitentiaire. Qui n'ont de cesse de réclamer des augmentations salariales méritées au vu de la dangerosité croissante de leur métier et de leur utilité pour la société !

Nous avons pu interroger Damien Tripenne, un des responsables de la CGT Pénitentiaire, surveillant dans un établissement d'Ile-de-France.

Planet.fr : Au vu des évènements de ces derniers jours, avez-vous des éléments concernant les auteurs : on parle du fameux groupuscule d'ultragauche DDPF mais aussi de la DZ Mafia ?

Damien Tripenne : A cette heure, nous n'avons aucun élément concret qui nous permette de pencher vers l'un ou l'autre. Nous attendons les résultats des enquêtes. Cela peut être le premier, suivi par l'autre par opportunisme, nous ne savons pas. Mais craignons que cela fasse effet boule de neige.

Planet.fr : Quel est votre sentiment et celui de vos collègues de la pénitentiaire sur ces attaques ?

Damien Tripenne : Un sentiment d'inquiétude évidemment. Car nous risquons notre vie, encore plus désormais. Nous attendons que le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau applique les mesures qu'il a annoncées suite à ces attaques et mette en place un cordon de sécurité autour des établissements. 

Planet.fr : On peut presque imaginer qu'une psychose s'installe. Le feu ayant été mis mercredi volontairement dans le hall d'immeuble d'une surveillante par exemple, et l'acronyme DDPF retrouvé sur place ?

Damien Tripenne : Le problème est qu'on ne peut pas protéger individuellement chaque agent de la pénitentiaire. Et si ces fait ne sont pas "isolés" mais venant du crime organisé qui a des moyens démesurés, qui sait ce qui peut encore arriver.

Planet.fr : Dans le cas du mitraillage de la prison de Toulon-La Farlède et des incendies de véhicules, pensez vous que ce sont les surveillants qui sont visés directement ou l'Etat ?

Damien Tripenne : Il semble tout de même, mais c'est mon avis, que ce soit l'Etat, suite aux mesures prises contre le narcotrafic.

Planet.fr : Certains experts estiment que puisque les potentielles intimidations des détenus envers les surveillants ne "suffisent" plus à obtenir ce qu'ils veulent, les narcotrafiquants soient passés au niveau supérieur.

Damien Tripenne : Mais les intimidations envers les surveillants, c'est tous les jours, en permanence, au sein des prisons françaises. Là c'est autre chose. 

Planet.fr : Comptez-vous vous mobiliser dans les prochains jours ?

Damien Tripenne : Non, pas pour l'instant. Manifester devant les établissements après ce qu'il vient de se passer serait irresponsable. Nous risquerions de nous prendre des rafales de kalachnikov, de recevoir des cocktails molotov... Qui sait. Encore une fois, nous attendons que les gouvernement prenne des mesures et les résultats de l'enquête.