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En France, on estime à cinq millions le nombre de personnes qui rencontrent des difficultés avec l’alcool. En 2015, il a été à l’origine de 41 000 décès, 30 000 chez les hommes et 11 000 chez les femmes. Selon une étude publiée par Santé publique France en février 2019, il s'agit de la deuxième cause de mortalité évitable après le tabac. En 2015, la consommation d'alcool a été à l'origine de 16 000 décès par cancer, 9 900 par maladies cardiovasculaires, 6 800 par maladies digestives et 5 400 par une cause externe (accident ou suicide). Se sortir de cette dépendance est un long combat qu'a mené Marc Margelidon, ancien malade alcoolique. Aujourd’hui, il est complètement guéri. Voici son témoignage.
"Je suis un ancien malade alcoolique. Je me considère comme guéri depuis maintenant 18 ans, c’est-à-dire que l’alcool n’est plus du tout un problème pour moi. Je suis au-delà de l’abstinence, je suis ce qu'on appelle 'hors-alcool' : j’ai beaucoup d’activités, je fais beaucoup de choses, j’ai une vie sociale très intense, ce qui fait que je suis souvent au contact du produit, comme hier soir au restaurant, comme ce soir. Les gens peuvent prendre de l’alcool devant moi, ça ne me pose pas de problème. Pour l’Organisation mondiale de la Santé, la guérison signifie un retour à une vie sociale, mentale et physique et que tout va bien. J'en suis là."
Alcoolisme : "Il y a eu beaucoup de décès autour de moi"
"J’ai eu un passage très difficile avec l’alcool, qui était devenu une très grosse béquille. J’ai traversé un gros trou noir entre 1999 et 2002. J’ai eu un schéma de vie classique : on a acheté une maison avec une ex-femme, j’ai eu un enfant et, en 1999, tout s’est effondré. L’élément déclenchant, ça a été des problèmes relationnels au niveau de mon travail, principalement avec mon supérieur hiérarchique direct, puis ça a enchaîné avec des problèmes dans mon couple, j’ai beaucoup bu, et puis il y a eu beaucoup de décès autour de moi il y a 21 ans. J’ai sombré littéralement dans l’alcool pour noyer plein de choses, du chagrin, de la dépression. J’ai divorcé, à ce moment-là j’ai eu une grosse suspension de permis à cause de l’alcool".
Et puis, un jour de 2001, Marc Margelidon a un déclic et décide de se faire aider.
Alcoolisme : "Physiquement, l’alcool fait très mal"
"J’ai été hospitalisé au total pratiquement deux ans, 18 mois, dont trois mois post cure [séjour qui permet une transition entre l’hospitalisation et le retour à domicile, NDLR]. Evidemment je n’étais pas au travail, j’étais en arrêt maladie, ce qui commençait à poser problème. Mais j’avais la chance d’être dans une entreprise où les mots humanisme et solidarité veulent dire quelque chose. Je suis tombé sur des gens très compréhensif, qui ne m’ont pas laissé tomber. Physiquement et psychologiquement, l’hospitalisation a été très dure. Physiquement, l’alcool fait très mal, on a l’impression quand on est manque que notre cœur, nos poumons vont sortir de notre poitrine. On a des tremblements, des sueurs froides, des sueurs chaudes. Je suis passé par une phase d’hôpital psychiatrique et je me souviens que je m’étais fait cette réflexion : te voilà devenu l’acteur du film Vol au-dessus d’un nid de coucou".
"J’ai eu le déclic en mai 2001, un matin, quand j’ai vu ma tête dans le lavabo, alors que je venais de me traîner pour aller vomir. Ça m’a permis de mettre en place les solutions pour pouvoir sortir de cet enfer. Pour moi, mais aussi pour mon fils, parce qu’il était très difficile de pouvoir se voir dans ces moments-là. J’en ai parlé avec le médecin que je connaissais au centre psychiatrique, j’ai rencontré l’association Croix Bleue et je suis allé dans ce centre de post cure qui se trouve en Ardèche, à Virac. Là-bas, je me suis reconstruit en trois mois, pour repartir sur de bonnes bases : réapprendre à vivre et réapprendre la vie sans l’alcool. C’est sur le plan financier que c’était le plus difficile. Sur le plan physique, j’ai récupéré au-delà de toute espérance puisque je n’ai aucune séquelle ni physique, ni psychologique. Je n’ai pas perdu mon travail non plus, j’ai toujours le lien social par le travail et ça, c’est capital. Sur le plan familial, j’ai divorcé, mais en me soignant j’ai pu vivre avec mon fils. Ce que j’ai le plus perdu au final, c’est du temps."
Depuis sa guérison, Marc Margelidon mène une nouvelle vie. Il jongle désormais entre son travail et ses activités associatives, dans lesquelles il est très investi.
Alcoolisme : "C’est une nouvelle vie sans commune mesure avec celle d’avant"
"Désormais, c’est une nouvelle vie sans commune mesure avec celle d’avant, car elle est beaucoup plus riche. Je fais beaucoup de choses, je peux aller sans difficulté dans plein d’endroits, je suis actif dans beaucoup d’associations, dans le domaine de l’addictologie et dans le domaine de l’Histoire aussi. Je peux m’adonner à mes passions, je fais des voyages par rapport à cela. Je suis très investi dans le milieu associatif : je suis à l’association Croix Bleue depuis 18 ans. Je suis le responsable départemental de l’Allier pour l’association, je suis président de la section de Moulins mais je suis aussi membre des conseils d’administration au niveau national de la CAMERUP et de la Croix Bleue."
"Je suis également patient expert : je cumule le savoir expérientiel et le savoir scientifique et médical de par ma formation. Lorsqu’on est malade alcoolique et qu’on veut s’en sortir il y a trois clefs : l’envie, le désir et la motivation. Le désir de s’en sortir, l’envie de changer de vie et les motivations pour le faire. À un moment donné, il faut se faire aider. On prend la décision de se sortir de l’enfer et ensuite il faut aller voir les bonnes personnes. Aujourd'hui, mon fils a 26 ans et on a une relation fusionnelle. On ne parle pas beaucoup de cette période, la seule chose qu'il sait m'en dire c'est qu'il est très fier, qu'il est très content que ça ait pris cette tournure".
Peut-être pour rendre un peu de ce qu'on lui a donné, Marc Margelidon multiplie les projets avec ses associations et partage son expérience pour aider ceux qui, comme lui il y a vingt ans, ont décidé de s'en sortir.