Ce lundi 25 novembre est celui de la journée internationale de lutte contre la violence faite aux femmes. Zoom sur The Sorority, cette application réservée aux femmes et aux minorités de genre qui propose de leur...
Jacques Bichot est économiste. Il a publié de nombreux ouvages par lesquels : "Cure de jouvence pour la Sécu", aux éditions L’Harmattan (2020) et "Dernière crise avant l’apocalypse ?" aux éditions Ring (2021) (ouvrage sous presse, en collaboration avec Jean-Baptiste Giraud).
Beaucoup d’hommes politiques parlent de "réforme" dès qu’ils se mêlent de prendre des décisions, fussent-elles de simple gestion. Cette inflation du vocabulaire est malsaine : elle donne aux citoyens l’impression que les pouvoirs publics modifient sans cesse les règles du jeu, alors même qu’ils se bornent à modifier les valeurs de quelques paramètres, pour adapter tel ou tel système, comme celui des retraites par répartition, aux changements qui surviennent inévitablement dans l’économie, la démographie, les conditions sanitaires, etc.
Retraite : pourquoi les élus veulent-ils indûment se mêler de tout ?
S’agissant des retraites, modifier le nombre de trimestres requis pour avoir droit au "taux plein" dans un régime par annuités, ce n’est pas réformer, c’est une simple adaptation aux évolutions économiques, démographiques et sanitaires. Il en va de même, dans un régime par points, pour la valeur de service du point. Quand la longévité augmente, modifier la valeur de quelques paramètres, notamment l’âge "légal" de départ à la retraite, ne constitue pas davantage une réforme que, par exemple, pour un conducteur, réduire sa vitesse quand il entre dans une agglomération : c’est tout simplement un comportement de bon sens. Vouloir saisir le Parlement d’un projet de loi pour prendre une mesure qui relève logiquement de la responsabilité d’un directeur général des retraites, c’est en quelque sorte vouloir utiliser un bazooka pour se débarrasser d’une mouche.
Ce comportement absurde découle de la manie qu’ont les élus, dans divers pays dont la France, de vouloir s’occuper de tout, et donc surtout de décisions qui incomberaient logiquement à des hauts-fonctionnaires. Pourquoi la modification de la valeur des paramètres qui servent au calcul des pensions devrait-elle relever de la loi ? Nos dirigeants ont mis en place une législation des retraites qui rentre dans beaucoup trop de détails, si bien que l’intervention du Parlement est requise pour des modifications de simple routine, pour des ajustements techniques qui deviennent indûment des affaires d’Etat. Un chef d’Etat ou de gouvernement qui manque d’envergure y trouve satisfaction : à défaut d’être capable d’impulser de véritables réformes, il peut occuper le terrain médiatique en s’emparant de ce qui devrait être la responsabilité de "grands commis de l’Etat".
Retraite : une dramatique incompétence
Pourquoi en est-on arrivé là ? Dans le cas des retraites, parce que nos dirigeants manquent des compétences requises pour mettre en place un système rationnel, aisément gérable. Le calamiteux projet de loi de réforme des retraites issu du rapport de Jean-Paul Delevoye n’a même pas tenu compte des indications fournies jadis par le démographe Alfred Sauvy, que résume la formule : "Nous ne préparons pas nos retraites par nos cotisations, mais par nos enfants". Il aurait fallu avant toute chose prévoir le remplacement par une règle sensée de la disposition législative absurde qui lie l’acquisition des droits à pension aux cotisations versées aux retraités actuels : inscrire dans la loi que les droits à pension, disons les "points", sont attribués en raison et au prorata de ce qui prépare les futures pensions, à savoir la mise au monde et l’éducation des nouvelles générations. Voilà une vraie réforme, de simple bon sens, qui aurait vraiment relevé du législateur.
Hélas, ne comprenant pas le fonctionnement réel des retraites dites par répartition, nos dirigeants s’obstinent à imaginer des changements qui ne risquent pas de remettre en cause la caractéristique la plus absurde du système actuel, celle qui en fait une sorte de pyramide de Ponzi. Bernard Madoff est mort en prison pour avoir procédé de la même manière que nos régimes actuels de retraite par répartition : distribuer en "pay-as-you-go" aux retraités actuels les sommes destinées, en théorie, à être ultérieurement reversées avec intérêt aux anciens cotisants devenus retraités. Nos dirigeants, eux, échapperont à ce sort peu agréable ; ils continueront à bricoler un système absurde au lieu de le réformer structurellement. Pauvre France ! N’ajoutons pas à son malheur en acceptant de qualifier "réformes" de modestes ajustements paramétriques.
A quoi bon "passer en force" pour si peu ?
Plus les changements envisagés sont insignifiants, mais présentés comme de grandes "réformes", plus ils soulèvent des récriminations et des oppositions. Un ajustement technique provoque rarement des manifestations, grèves et autres signes vigoureux de protestation. Mais s’il est revêtu d’un costume d’importante réforme, il engendre facilement des antagonismes. Il se pourrait que ce soit un objectif du projet de "réforme paramétrique" relatif aux retraites : distraire l’attention qui pourrait se porter sur le bilan d’ensemble du quinquennat. Les Français sont râleurs, c’est de notoriété publique. Leur donner des motifs de protestation qui ne soient pas vraiment sérieux pourrait être habile : un os à ronger peut détourner l’attention de ce qui, véritablement, ne va pas. C’est, en quelque sorte, la technique du contre-feu utilisée pour limiter la progression de certains incendies.