De nouvelles règles d’indemnisation entreront en vigueur en avril 2025 et impacteront durement les plus âgés.
Philippe Crevel est macroéconomiste, spécialiste des questions relatives aux retraites et à l'épargne. Il dirige aujourd'hui le Cercle de l'Epargne.
À l’occasion de son intervention télévisée du 12 juillet dernier, le Président de la République Emmanuel Macron a annoncé que la réforme des régimes de retraite donnerait lieu à un nouveau cycle de discussion entre le gouvernement et les partenaires sociaux à partir du mois de septembre. Il a réaffirmé son souhait de supprimer pour l’avenir les régimes spéciaux et de repousser l'âge de départ à la retraite, sans cependant donner d'âge précis. Il n'a pas donné non plus de date butoir pour la validation de la réforme, et a précisé qu'elle ne serait pas engagée tant que l'épidémie de Covid-19 ne serait pas sous contrôle.
Au niveau de la réforme des retraites, deux points doivent être distingués, l’équilibre des comptes et la recherche d’une plus grande équité. Ces deux points sont certes interdépendants, mais ne s’inscrivent pas dans une même logique.
Rien ne justifie que les prochaines générations aient à supporter les dépenses sociales du passé
La question du rééquilibrage des comptes est légitime. Rien ne justifie, en effet, que les prochaines générations aient à supporter des dépenses sociales du passé même si dans les faits les déficits sont avant tout pris en charge par les épargnants qui directement ou indirectement acquièrent des obligations. La crise sanitaire a entraîné une dérive du déficit des retraites à hauteur de 0,4 point de PIB. Si les pouvoirs décidaient d’assainir les comptes publics, ils risqueraient de mettre en danger la reprise. De toute façon, les retraites ne constituent qu’un goutte d’eau dans le déficit qui devrait s’élever, en 2021, pour la deuxième année consécutive les 9 % du PIB.
La question de la réforme des retraites se pose avec ou sans crise sanitaire
Compte tenu du vieillissement de la population que nul ne peut nier et des transferts qu’il génère, la question du poids acceptable des retraites se pose avec ou sans crise sanitaire. Depuis l’engagement des premières réformes en 1993, nous avons réduit les dépenses de retraite à l’horizon de 2040 de 6 points de PIB. Ils auraient sans l’intervention du législateur et des gouvernements 20 % du PIB. Certains estiment qu’il faut contenir les dépenses de retraite autour de leur niveau actuel 14 % du PIB, d’autres qu’il faut placer le curseur autour de 13 %. La baisse du poids des retraites suppose une maîtrise accrue des dépenses. Les outils à la disposition sont simples, l’évolution du montant des pensions et les modalités de leur mode de calcul et l’âge effectif de départ à la retraite. La France, depuis plus d’un quart de siècle a joué sur tous les curseurs paramétriques indexation des pensions, salaires de référence, durée de cotisation, âge légal, rendement des régimes par points. Les mesures les plus efficaces sont celles touchant à l’indexation et à l’âge de départ.
L’autre question est la recherche d’une plus grande équité.
En France, la couverture d’assurance vieillesse a été longue à se mettre en place. De la création du premier régime, celui des marins, en 1681 à la généralisation de la retraite complémentaire en 1972, de nombreuses lois ont été nécessaires. Il en résulte de multiples strates qu’il n’est pas facile de supprimer. 42 régimes de base et une centaine de régimes complémentaires cohabitent. Depuis 1993, les gouvernements ont opté pour une convergence de plus en plus poussée des régimes existant sans les fusionner. Il aurait été certainement possible de continuer dans cette voie en créant un réel étage de retraite complémentaire pour la fonction publique, en améliorant le système de la retraite additionnelle créé en 2003. Le régime général aurait pu continuer à absorber les régimes dits alignés (agricole, professions libérales, etc.) comme il l’a fait récemment pour les indépendants.
La réforme des retraites peut attendre... Mais pas trop
En 2018, Emmanuel Macron avait décidé de procéder à un big bang des retraites avec comme accroche la promesse qu’"un euro cotisé donne les mêmes droits pour tous". Les Français sensibles à l’égalité ont approuvé dans un premier temps ce pari. Quand, en revanche, le Gouvernement d’Edouard Philippe a décidé d’associer à la réforme systémique des mesures paramétriques avec en particulier la fixation d’un âge pivot à 64 ans, ils ont exprimé assez bruyamment leur hostilité. Les Français affirment depuis de nombreuses années leur opposition à tout report de l’âge de la retraite. Par ailleurs, au fil de la discussion, les éventuels perdant du passage au système par points se sont réveillés. Les fonctionnaires, les bénéficiaires des régimes spéciaux, les femmes, les indépendants, etc., ont rejoint les rangs des contestataires.
Compte tenu des craintes qu’elle a inspiré, il apparaît difficile que cette réforme puisse être adoptée avant les échéances électorales de l’année prochaine. Le Gouvernement pourrait se contenter de plusieurs sociales à destination des retraités à revenus modestes. Il n’en demeure pas moins que la question des retraites sera au cœur du débat public. Le nombre de retraités qui était de 5 millions en 1981 s’élève à 17 millions en 2021 et devrait atteindre près de 25 millions d’ici 2060. Le caractère de moins en moins linéaire des carrières professionnelles, la multiplication des changements de statut incite à la convergence des règles au nom de l’équité et de la simplification.