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"Quand vous n'avez pas de salaire, vous n'avez pas de droit parce que vous ne cotisez pas", alertait Yves Veyrier, secrétaire générale de Force Ouvrière, sur le plateau de France Inter, début janvier 2020. Selon lui, la réforme des retraites ne pourra faire que des perdants côté chômeurs, en raison même du principe au centre de sa philosophie : un euro cotisé donne à tous les mêmes droits. Une maxime qui ferait fi de toutes les inégalités dans l'accès au travail comme à celui de qualité, pour ne citer qu'elles, aux yeux des opposants à la réforme.
Un constat visiblement partagé par le magazine spécialisé en économie Alternatives économiques, qui fait des chômeurs les "victimes collatérales de la retraite universelle" (article payant). Avec un argumentaire similaire : le nouveau système de retraites ne leur permettra pas d'acquérir tant de points qu'ils n'auraient pu avoir de droits aujourd'hui. Une vérité que ne réfute pas l'économiste libéral Philippe Crevel, qui explique à Planet l'impact que pourrait avoir la réforme du gouvernement.
Réforme des retraites : les chômeurs sont-ils vraiment les grands perdants ?
"Actuellement, c'est Pôle Emploi qui cotise pour les chômeuses et les chômeurs de France, en lieu et place d'un employeur. Il cotise à la fois au régime de base et pour le régime complémentaire. Les droits qu'ils acquièrent sont calculés en fonction de leur dernière rémunération ainsi que de ce qu'ils touchent au chômage", commence d'entrée de jeu l'économiste, directeur du Cercle de l'Epargne.
"Par ailleurs, parce que le calcul de leur pension ne prendra en compte que leurs 25 meilleures années, il est fort probable que celles passées aux chômage soient lissées. 50 jours passés en recherche d'emploi permettent d'acquérir un trimestre mais n'ont normalement pas d'impact sur le niveau de la pension", résume-t-il. Et lui d'ajouter : "Naturellement, la réforme des retraites aura un impact sur cette situation et pourrait la fragiliser".
Réforme des retraites : à quoi ressemblera la nouvelle situation des chômeurs ?
Une fois la réforme des retraites passée et entrée en vigueur, les chômeuses et les chômeurs risquent en effet de devenir encore plus vulnérables qu'ils ne le sont aujourd'hui. "D'abord, commençons par rappeler que nous manquons encore d'informations pour anticiper avec précision ce que seront les modalités d'acquisitions de points pour les Françaises et les Français en recherche d'emploi. Par conséquent, je serai moins péremptoire que certains ont pu l'être", tempère assez vite l'économiste, qui ne manque pourtant pas de rappeler combien les évolutions relatives au calcul du niveau de la pension vont changer le niveau de vie des personnes à carrières hachées.
"Le montant de la pension ne sera plus calculé sur les 25 meilleures années, mais bien sur l'ensemble de la carrière. Selon les règles d'acquisition des points, cela signifie effectivement une perte de pouvoir d'achat pour ces futurs retraités. Cela vaut aussi bien pour celles et ceux qui cherchent un emploi des années durant sans parvenir à se réinsérer que pour ces actives et ces actifs qui sont contraints de liquider leurs droits alors qu'ils n'ont plus de travail", explique le directeur du Cercle de l'Epargne.
Et lui d'insister : "Pour autant, il importe aussi de rappeler que la situation actuelle des chômeurs fait d'eux des individus vulnérables. Même s'ils cotisent, leurs petites rémunérations limitent considérablement les droits qu'ils sont en mesure de produire".
Réforme des retraites : un système intrinsèquement préjudiciable aux personnes vulnérables financièrement ?
"Pour prévenir la précarisation à venir de ces futurs retraités, le gouvernement a réfléchi à des mécanismes", rappelle cependant Philippe Crevel, qui souligne l'importance du minimum retraite à 1000 euros annoncé par le gouvernement. "Bien sûr, ce dispositif ne sera pas accessible à tout le monde. Pour celles et ceux qui ne pourraient pas y prétendre, il reste le minimum vieillesse, qui vient compléter les revenus déjà existants jusqu'à atteindre 900 euros mensuels, ce qui, il faut bien le dire, n'est pas très élevé", ajoute l'économiste.
Toute autre solution consisterait à réfléchir à l'obtention de points malgré l'absence de travail rémunéré. Ce qui complexifie considérablement la tâche, s'il faut rester en accord avec l'esprit de la réforme d'Emmanuel Macron… "Sauf à accorder des points aux chômeurs au détriment des actifs, ils seront toujours plus vulnérables", indique le directeur du Cercle de l'Epargne. "En Allemagne, le système à points a effectivement précarisé les plus vulnérables. C'est pour l'éviter que l'exécutif travaille sur les mécanismes de productions déjà évoqués", rappelle-t-il.