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Emmanuel Macron en est convaincu : il lui faut se muscler sur le plan régalien. Ce n'est peut-être plus le sujet principal, crise sanitaire oblige, mais fut un temps (pas si ancien), le président s'inquiétait de l'effet "Jospin", indique Libération. Il craint de ne pouvoir être réélu malgré un bilan économique décent, du fait de sa faiblesse sur les autres sujets. En particulier, égrenne le quotidien marqué à gauche, l'immigration, la lutte contre le communautarisme et d'une façon générale les thématiques liées à la sécurité. "Comme sous Jospin, il y a une amélioration sur tous les critères macroéconomiques, la croissance, le chômage, le pouvoir d'achat… Et comme sous Jospin, une attention forte, très forte, à la protection des biens et des personnes", analyse notamment le député La République en Marche Sacha Houlié.
Pour certains élus de la majorité, c'est l'évidence : "les gens ont d'autres attentes". Ils ne sauraient se contenter des résultats et accomplissements que le président de la République est, aujourd'hui, en mesure de fournir. C'est pourquoi certains ont envisagé de faire du concept d'insécurité "culturelle", initialement développé par le géographe Christophe Guilluy, l'un des grands sujets du débat national. En somme, parler du mal-être attribué à certaines catégories populaires vis-à-vis du multiculturalisme.
Sur quels sujets se jouera l'élection présidentielle de 2022 ?
Mais est-ce là bel et bien ce qui travaille les Françaises et les Français ? Pour certains, dans l'entourage d'Emmanuel Macron, pas de doute possible. "Certains pensent que la croissance économique va résoudre le problème d'identité, d'autres que l'identité est un sujet en soi", reconnaît en effet un "proche de l'exécutif" questionné par nos confrères. Pour le politologue Christophe Bouillaud, la situation est peut-être plus complexe. Plus ambigüe. Et plus dépendante de la conjoncture…
"Sauf miracle, l'élection présidentielle de 2022 se jouera mécaniquement sur la gestion économique et sociale de la crise", lance d'entrée de jeu l'enseignant-chercheur en sciences-politiques à l'IEP (Institut d'Etudes Politiques, Sciences-Po) de Grenoble, pour qui le bilan économique d'Emmanuel Macron n'est peut-être pas aussi glorieux qu'il voudrait bien l'affirmer et devrait de toute façon souffrir des conséquences de la pandémie. "Nous serons probablement dans les eaux assez élevées du chômage, avec une forte hausse de la précarité et de la misère. Il serait difficile de penser que ces sujets ne s'inviteront pas dans les débats", estime-t-il. Encore faut-il, cependant, que la crise du coronavirus Covid-19 soit terminée d'ici là…
Les Françaises et les Français veulent-ils entendre parler d'insécurité ?
Si l'économie ne permet donc pas à coup sûr de remporter l'élection présidentielle, est-ce effectivement que les Françaises et les Français désirent davantage de régalien ? "L'insécurité, c'est un état de fait, constituera l'un des sujets des débats nationaux. Depuis près d'un an, au moins, les forces de l'ordre sont occupées à autre chose qu'à traquer les délinquants ordinaires. Or, ces derniers n'ont pas pour autant disparu…", souligne encore le politologue, qui estime cependant que deux autres sujets, a minima, pourraient s'inviter en 2022.
"Tout dépendra évidemment de la conjoncture. Cependant, en cas d'attaque terroriste, il est extrêmement probable que la question du terrorisme - laquelle sera rattachée à celle de l'islamisme - refasse surface. Les vives réactions à la mort de Samuel Paty montrent bien qu'il suffirait d'un seul assaut pour tout réactiver", rappelle Christophe Bouillaud.
Dernier sujet attendu, selon lui : la crise environnementale et climatique. "Là encore, cela dépendra de la conjoncture. Pour l'heure, la pandémie écrase tout, mais les prévisions des chercheurs sont inquiétantes et plus le temps avance, moins il s'agit de prévisions : elles deviennent désormais des quasi-certitudes. Si la France faisait face à une série de crises climatiques (incendies de forêts, sécheresse, canicule, etc), cela pourrait être le déclic", juge l'enseignant.
Force est de constater, précise encore le chercheur, que les sujets traditionnellement associés à la droite dominent la scène médiatique. Est-ce à dire que la droite a d'ores et déjà remporté l'élection présidentielle, ou au moins la bataille des idées ?
A qui devraient profiter les sujets de 2022 ?
"Le fait que les sujets de droite dominent assez largement la sphère publique n'a rien d'anodin. La gauche, qu'elle soit syndicale, politique ou sociale, n'a plus tellement de positions dans les médias, particulièrement sur les plateaux de télévision. Pour l'essentiel, la presse française est très biaisée du côté droit et aucun mécanisme n'impose le pluralisme aux rédactions", rappelle d'abord Christophe Bouillaud, pour qui la proéminence des thématiques associées à la droite n'a donc rien d'inné.
"Il existe, en France, de véritables aspirations à une politique de justice sociale, de lutte contre la pauvreté et les inégalités. De nombreux sondages montrent aussi que la population française se fait de plus en plus tolérantes, notamment parce qu'elle est plus éduquée, à l'égard entre autres de l'islam et des musulmans", poursuit encore le politologue, dont les propos entrent en contradiction avec bien des lignes éditoriales françaises.
"Seulement, ce n'est pas cette population qui est montrée dans les médias. Et cela n'a rien d'étonnant : aujourd'hui, la presse française s'adresse essentiellement à un public relativement âgé, assez intolérant mais aussi assez aisé. N'oublions pas que l'essentiel des titres de presse vivent de la publicité et que cette dernière est rarement destinée aux populations ouvrières", précise-t-il ensuite. Et lui d'insister : "Forcément, il devient économiquement pertinent de produire de telles analyses, puisque c'est ce qu'attend la population ciblée. C'est un choix économiquement pertinent, qui finit par s'auto-alimenter", ce qui n'exclut évidemment pas que les idées de droite puissent progresser en parallèle.
C'est d'autant plus vrai, juge l'enseignant-chercheur, que le mot de "gauche" a désormais très mauvaise presse. Y compris auprès de l'électorat populaire. "Le mot est très abîmé et les thématiques de la gauche ne lui sont globalement plus associées. Le mandat de François Hollande sera long à effacer : il a commencé en annonçant que son ennemi était la finance avant de nommer Emmanuel Macron à Bercy", rappelle le professeur de sciences-politique. L'électorat qui pourrait donc théoriquement voter à gauche est désormais échaudé. La multiplication annoncée des candidatures ne saurait de toute façon aider...