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C’est une première. Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France et ancienne ministre du budget vient de remporter l’investiture des Républicains (LR) en vue de l’élection présidentielle qui se tiendra en avril 2022. Celle qui aime donc se faire appeler la "dame de faire" devrait donc représenter la droite de gouvernement lors du prochain scrutin pour l’Elysée. Plusieurs sondages font d’elle une rivale de poids pour Marine Le Pen, observe Le Parisien, et certains la donnent même potentiellement gagnante contre Emmanuel Macron au second tour. De quoi rassurer tout un pan de l’électorat qui, à l’issue de l’affaire Fillon, a pu se sentir privé d’une victoire annoncée ? Peut-être bien.
"L’investiture de Valérie Pécresse est évidemment une bonne chose pour la droite, à qui il manquait depuis longtemps un ou une candidate officielle. Le parti aurait eu tout intérêt à se choisir un visage plus tôt, mais le plus important est fait : la présidente de l’Île-de-France dispose du soutien des Républicains. Même Eric Ciotti s’est rallié à sa candidature sans réelle ambiguité, ce qui aurait pourtant pu être le cas, au vu et au su du passif du parti", observe d’entrée de jeu le politologue Christophe Bouillaud, qui enseigne les sciences politiques à l’IEP (Institut d’Etudes Politique, Sciences-Po) de Grenoble.
De qui Valérie Pécresse serait-elle la présidente ?
Toutefois, la candidature de Valérie Pécresse n’est pas intéressante uniquement parce qu’elle permet de clarifier la position de la droite en vue de 2022. La ligne qu’elle porte personnellement est aussi très pertinente au vu du public à qui elle cherche à s’adresser, juge l’enseignant-chercheur.
"Valérie Pécresse s’est radicalisée sur les questions d’immigration. En matière d’économie, elle demeure assez marquée par le libéralisme. Fondamentalement, elle vend donc un rêve assez traditionnel à l’électeur de droite moyen : celui d’une France avec moins - voire, sans - d’immigrés, sans fonctionnaire et sans impôts globalement. Est-ce à dire qu’un tel programme fonctionnerait ? En l'occurrence, ce n’est pas la question. A gauche comme à droite, on n’est pas militant sans sa part de rêve", poursuit l’universitaire.
Et puisqu’une grande partie du coeur électoral de la droite de gouvernement est composée de retraité(e)s, faut-il comprendre que la "dame de faire" serait la présidente parfaite pour cet électorat ? D’aucuns pourraient le penser… Mais ce ne serait certainement pas le cas pour tous.
Présidentielle 2022 : ces "retraités" dont Valérie Pécresse ne se soucie pas beaucoup
Le programme de Valérie Pécresse comprend plusieurs volets économiques. Certains s’adressent spécifiquement aux retraités : il est alors question de reporter l’âge légale de cessation d’activité à 65 ans - ce qui, de l’avis de l'entrepreneur Sébastien Laye (Institut Thomas More) à qui Le Figaro accorde une tribune, reviendrait à réaliser 25 à 30 milliards d’économies. Autant d’argent qu’il lui sera alors possible de réinvestir dans le paiement des pensions actuelles et donc garantir un généreux niveau de vie aux assurés actuels, expliquait Christophe Bouillaud dans nos colonnes.
Mais quid des autres ? "En matière de solidarités inter-générations, le programme très libéral de Valérie Pécresse repose sur une carte simple : protéger les retraités d’aujourd’hui au détriment de ceux de demain. Les actifs, qui prendront leurs retraites plus tard, apparaissent comme les oubliés de la droite de façon générale, qui peine à donner des perspectives d’avenir professionnel aux jeunes en dehors du fait de leur laisser une dette publique contenue", analyse encore le chercheur, pour qui la candidate demeure malheureusement "enkystée dans un logiciel économique daté".
"Quand Valérie Pécresse annonce vouloir supprimer des centaines de milliers de postes dans la fonction publique, elle limite mécaniquement les débouchés dont pourraient pourtant profiter les jeunes qui entrent sur le marché du travail. Elle contribue aussi à affaiblir le service public, pourtant indispensable à la bonne formation de ces derniers… C’est une politique austéritaire, de rigueur, qui ne permettra pas nécessairement de financer leurs propres pensions", juge le politologue.
Présidentielle 2022 : en s’aliénant l'électorat actif, Pécresse se bloque-t-elle le chemin vers l’Elysée ?
Rien ne permet pourtant d’affirmer que cet état de fait serait susceptible de faire obstacle à l’ascension de Valérie Pécresse vers l’Elysée. Et pour cause ! "Quand bien même son programme économique ne sert pas l’intérêt des travailleurs, cela ne signifie pas qu’elle va s’aliéner l’intégralité de cette population. Les gens ne votent pas uniquement pour un programme économique : son positionnement en matière d’immigration ou de moeurs pourrait s’avérer au moins aussi important, sinon plus que ses propositions d’ordre social", rappelle en effet Christophe Bouillaud. En outre, de nombreux électeurs issus de cette frange de la population peuvent s’identifier "de droite" avant de se dire "travailleurs".
"Évidemment, plus la campagne avancera, plus ces propositions seront susceptibles d’effrayer une partie de l’électorat populaire, de l’électorat jeune et des fonctionnaires. Mais je ne suis pas sûr que la dimension austéritaire de l’offre politique qu’incarne Valérie Pécresse lui nuise réellement sur le plan politique. Les Françaises et les Français qui ont conscience que la création de postes de fonctionnaires a un réel impact sur leur propre destin économique est minoritaire", conclut le chercheur.