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Le Moyen-Age était-il aussi violent qu’on veut nous le faire croire ? Cette période de l’Histoire, qui court de 476 à 1453 ou 1492, est, dans l’imaginaire collectif, ce qui se fait de plus sombre et de plus barbare. Au cinéma, dans la littérature ou les séries, on nous présente une période faite de pauvreté, de guerres et de torture, mais qu’en est-il réellement ? « Le Moyen- ge est vu comme obscur, cruel et méchant à cause d’une image qui nous vient de la période des Lumières », nous explique Martin Aurell, professeur d’Histoire du Moyen-Age à l’université de Poitiers et directeur du centre d’études supérieures de civilisation médiévale.
Torture au Moyen-Age : faire mal pour obtenir des aveux
Pas question d’enjoliver cette période pour autant, car la torture existait bel et bien, mais pas comme on l’imagine. En effet, « la torture dans un but judiciaire, pour extorquer des aveux au prévenu, n’est admise par la loi qu’à partir du XIIIe siècle, avec la découverte du droit romain tardif », précise l’historien. Durant cette période, le code Justinien, qui date du VIe siècle, permet à la justice de redécouvrir la torture, mais qui s’applique seulement pour certains crimes, afin d’obtenir des aveux « quand vraiment on n’arrive pas à départager les témoins », indique Martin Aurell.
« Il y a plein de gens qu’on n’a pas le droit de torturer au Moyen-Age », précise de son côté Florian Besson, docteur en Histoire médiévale et membre du collectif Actuel Moyen-Age. Il s’agit notamment des hommes d’église, des notables, des nobles et des femmes, « qu’on ne torture quasiment jamais ». En réalité, la torture n’est appliquée qu’aux crimes énormes, qui « déstabilisent le tissu social ». Il peut s’agir d’un meurtre dans des conditions particulièrement atroces, d’accusations de sorcellerie ou d’hérésie, mais aussi de ceux lourdement punis par l’Eglise comme le blasphème et le parjure.
À partir du XIIIe siècle, la torture est donc un moyen d’obtenir des aveux, mais – vers la fin du Moyen-Age - « apparaît aussi l’idée qu’il faut faire souffrir les condamnés à mort pour des crimes particulièrement atroces », explique Martin Aurell. C’est alors qu’entrent en scène les supplices, qui ne doivent pas être confondus avec la torture. « Le supplice est le châtiment de la peine, qui sert à punir le criminel et faire peur au public présent. A ce moment-là, le criminel est déjà reconnu coupable donc il est supplicié, sa souffrance n’a pas de but judiciaire », précise Florian Besson.
Qu’il s’agisse de torture ou de supplice, ces techniques sont effectuées par des bourreaux, dont la charge n’est pas encore héréditaire. Concrètement, à quoi ressemble la torture au Moyen-Age ? Notre vision faite de sang, de supplices interminables et violents est-elle la bonne ? Pas du tout, selon les deux historiens. Voici ce qu’elle était réellement.
Torture au Moyen-Age : l’eau et la roue
Puisqu’elle a lieu dans le cadre judiciaire, la torture est strictement réglementée au Moyen-Age. « Dans les tribunaux, le juge doit contrôler que tout se passe bien pour la torture », explique Martin Aurell. Florian Besson ajoute qu’elle est « très limitée dans le temps, on n’a pas le droit de torturer un suspect plus de deux fois, trois dans des cas vraiment extrêmes. Il y a des plages de repos entre les différentes sessions et il y a de nombreuses pratiques qu’on n’a pas le droit de faire ». Les outils de torture sont présentés au suspect, qui a ensuite un temps de réflexion, puis on l’attache avant de le laisser réfléchir une nouvelle fois.
Pourquoi autant de normes ? « Parce que les médiévaux ont bien conscience que la torture ne marche pas », ajoute Florian Besson, « d’ailleurs les aveux extorqués sous la torture ne sont valables que s’ils sont redits sans torture ». Un suspect doit en effet reconfirmer ses aveux devant la cour et, cette fois-ci, on n’a pas le droit de le torturer.
Notre vision de la torture médiévale est donc fantasmée. Dans le cadre judiciaire, il n’y avait en réalité que deux formes de torture : l’abreuvage et la roue. Dans le premier cas, le suspect a un linge sur la tête, qu’on mouille pour l’étouffer petit à petit. Dans le deuxième, il est placé sur une roue et on étire ses membres pour en disloquer les articulations. « On ne fait pas couler le sang dans la torture telle qu’elle est voulue par l’Eglise », précise Florian Besson.
Attention, certaines formes spectaculaires, données en place publique, ont bel et bien existé mais il s’agissait de supplices et non de tortures. En plus, elles ne sont pas réservées qu’au Moyen-Age. Voici quelques exemples.
Torture au Moyen-Age : les supplices en place publique
Des supplices en place publique, oui, mais pas de la torture. Martin Aurell évoque l’estrapade, infligé principalement aux soldats déserteurs puis plus tard aux protestants. Les bras du coupable sont attachés à une corde, le plus souvent dans le dos, puis il est hissé à une certaine hauteur, avant d’être relâché subitement. Une chute qui entraîne une dislocation des épaules, voire parfois un arrachement complet des membres. Lors du supplice de l’empalement, une personne est maintenue assise sur un pic entrant dans son corps (par l’anus ou le vagin, généralement) et peut être levée, puis rapidement relâchée par le bourreau.
Quant à d’autres instruments, comme la poire d’angoisse, les ceintures de chasteté ou les demoiselles de fer, elles sont apparues bien plus tard qu’au Moyen-Age. « Ce sont des inventions tardives, souvent pour noircir le Moyen-Age, au XVIIIe et XIXe siècle », indique Florian Besson. Il évoque également des « cercles érotiques du début du XIXe siècle », qui ont fantasmé la période avec de tels objets.