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"Puis-je demander ma retraite avant l’âge légal ?" Voici la question que nous a posée Pascal, 60 ans, salarié dans une société industrielle depuis 23 ans. "Mon entreprise vient d’être rachetée et nous ne sommes pas à l’abri d’un plan social. J’aimerais savoir, si l’occasion se présente à moi, si j’ai tout intérêt à accepter un licenciement économique ou une rupture conventionnelle. J’ai commencé à travailler tôt et ma carrière n’a pas été de tout repos. Mes conditions de travail ne sont pas optimales et l’entente avec mes supérieurs reste fragile. Je concède cependant ne pas encore m’être penché sur mon relevé de carrière. Rien qu’à l’idée de me pencher sur cette tache administrative, cela m’angoisse. Je ne sais donc pas le nombre de trimestres que j’ai déjà validés, ni si je peux bénéficier de la retraite anticipée. Dans le cas où je n’ai pas encore acquis le taux plein, est-il préférable dans mon cas de retrouver un emploi, de liquider mes droits ou de racheter des trimestres ? À qui dois-je m’adresser pour faire le point sur ma carrière ? Ma retraite sera-t-elle suffisante pour que je puisse définitivement mettre un terme à ma vie active ? J’ai l’impression que les lois changent sans cesse, et à vrai dire, je ne prends pas le temps de réellement m’informer, car tout ce qui touche aux droits à la retraite me semble très compliqué."
Sommaire de notre enquête sur la retraite
Épisode 1 - Retraite : les Français connaissent-ils vraiment leurs droits ?
Épisode 2 : Faut-il obligatoirement atteindre l’âge légal pour partir à la retraite ?
Épisode 3 - Comment bien calculer le montant de sa retraite et limiter les erreurs ?
Épisode 4 : quelles évolutions pour vos droits à la retraite dans les mois à venir ?
Cet habitant de la région bordelaise semble se trouver dans le brouillard, quant à sa situation de pré-retraité. Comme la grande majorité des Français, il s’inquiète de sa future condition, synonyme de perte de pouvoir d’achat, mais aussi de lien social. Comme le pointait en février dernier le baromètre 2022 "Les Français l’Epargne et la Retraite", "le manque d’argent est toujours la principale source d’inquiétude des futurs retraités (81%), mais les confinements semblent avoir exacerbé d’autres craintes comme le changement de rythme (43%, +8 points en 2 ans) et la solitude (42%, + 7 points en 2 ans)".
Pour apporter des réponses au sexagénaire, afin qu’il puisse mettre en place une stratégie de fin de carrière en fonction de ses besoins et ses désirs, nous avons interrogé Dominique Prévert, associé d’Optimaretraite, cabinet de conseil spécialisé dans le domaine de la vérification, du calcul et de l'optimisation des droits à la retraite.
Retraite : peut-on partir avant l’âge légal ?
"Avant 62 ans, âge légal actuel de départ à la retraite, il n’est pas possible de faire valoir vos droits à la retraite", prévient d’emblée l’expert.
"Attention cependant, l’âge légal ne doit pas être confondu avec l’âge auquel vous pouvez arrêter de travailler, ou encore le taux plein."
"La décision vous revient, et ce, quelles que soient vos raisons : elles peuvent être familiales, en rapport avec votre état de santé, vos projets ou simplement économiques. Si vous en avez les moyens, rien ne peut vous empêcher de quitter votre emploi. Si vous n’avez pas atteint le taux plein, vous subirez en revanche une décote définitive sur vos futures pensions. Il faut néanmoins garder en tête qu’avant 62 ans, les caisses de retraite ne vous verseront pas votre retraite", note-t-il.
Quid des dispositifs dérogatoires ?
Départ à la retraite : qui peut bénéficier d’un départ anticipé ?
"Par dérogation, certains dispositifs peuvent par ailleurs vous permettre de liquider vos droits à la retraite avant l’âge légal", rappelle Dominique Prévert. Les voici.
Départ anticipé à la retraite pour carrière longue
"À 60 ans, il est possible de faire valoir ses droits à la retraite anticipée pour carrière longue. Il faut pour cela avoir commencé à travailler à 20 ans, et totaliser au moins 5 trimestres avant la fin de l’année civile de son 20e anniversaire, mais aussi avoir réuni le nombre de trimestres requis pour obtenir le taux plein, variable en fonction de votre année de naissance", détaille le conseiller retraite. "Soit, 167 trimestres pour les personnes nées en 1960 et 168 trimestres pour celles nées en 1961, 1962, 1963."
Voici, en détail, le nombre de trimestres qu’il vous faut selon votre génération.
Pascal, notre senior se demandant s’il peut partir par anticipation dès à présent, devra donc vérifier sur son relevé de carrière (RIS), disponible sur le site Info-retraite.fr, s’il rentre bien dans ce type de figure. Dans le cas où il a d’ores et déjà acquis 168 trimestres, il pourra bénéficier d’une retraite à taux plein, dans le régime de base. Il subira en revanche une minoration Agirc-Arrco de 10% durant trois ans. Pour l’éviter, il devra travailler une année de plus (partir à 61 ans au lieu de 60, par exemple, ou profiter du chômage pour générer de nouveaux droits).
Départ anticipé à la retraite pour handicap ou incapacité
Comme nous le détaille l’expert en retraite, il est aussi possible de partir avant l’âge légal si vous êtes en situation de handicap (taux d’incapacité de 50% au moins et 80% avant 2015). Ceux étant atteints d’une incapacité permanente de 20% au moins ou entre 10 et 20% dans le cas où ils ont été exposés pendant au moins 17 ans à des facteurs de risques professionnels, peuvent aussi partir plus tôt à la retraite.
55, 62, 67 ou 70 ans : à quel âge pouvez-vous prendre votre retraite ?Si l'âge légal de départ à la retraite est fixé à 62 ans, il est possible, en fonction de votre situation et de votre parcours professionnel, de partir avant, ou après. Explications.
Départ anticipé à la retraite par opportunité
Si vous ne faites pas partie des cas précédents, vous pouvez aussi décider d’arrêter de travailler lorsqu'une opportunité se présente.
"Un chef d’entreprise, par exemple, ou un praticien qui vend sa société ou sa patientèle à 60 ans à un très bon prix (non garanti dans le temps), peut décider de prendre sa retraite. Il faut cependant qu’il prenne le temps de peser le pour et le contre. La somme qu’on lui propose pour racheter son entreprise suffira-t-elle à tenir deux ans, avant la liquidation de ses droits ? Il faut penser à provisionner une partie de la somme en ce sens", recommande-t-il.
"Quant aux salariés seniors susceptibles d’être victimes d’un plan social comme Pascal, il faut qu’ils réfléchissent à un plan d’action. Le licenciement économique peut représenter une zone d’opportunité pour eux. En effet, s’ils ont 59 ans et plus, ils pourront bénéficier du chômage durant 1095 jours. Soit 3 ans d’indemnisation, les menant jusqu’à l’âge légal. Puis, si à 62 ans, ils n’ont toujours pas atteint le taux plein, grâce à la convention chômage mise en place pour favoriser l’emploi de seniors, ils pourront être indemnisés jusqu’à l’âge du taux plein automatique qui est fixé à 67 ans. Étant donné que dans de nombreux cas, l’allocation chômage est plus avantageuse que la pension que pourrait percevoir ces seniors, le licenciement peut être une opportunité. Il est toutefois bon de rappeler que les conditions financières dépendent des profils de carrière (hachée ou non) et de la situation de fin de carrière", note Dominique Prévert.
Report du départ à la retraite : le chômage, un préjudice quasi nul pour vos droits
"Une fois les 62 ans atteint, pensez à effectuer un calcul : est-il plus intéressant de conserver le niveau d’indemnisation de Pôle emploi ou de liquider vos droits afin d’obtenir une pension de retraite plus importante financièrement ? Autre élément à prendre en compte, la bonification des droits à la retraite, lorsque vous êtes au chômage. Vous pouvez en effet valider un trimestre par période de 50 jours dans la limite de 4 par an. Vous continuez également de générer des points ARCO ARGIRC sur la même base que quand vous étiez salarié. Car, le nombre de points n’est pas évalué sur le niveau d’allocation chômage, mais sur votre salaire de référence des douze derniers mois avant votre licenciement. Le préjudice est donc quasi nul lorsque vous êtes au chômage en fin de carrière", assure l’expert en retraite.
"Le seul inconvénient demeure dans le fait que l’allocation chômage n’est pas intégrée dans le calcul du salaire annuel moyen. C’est de ce fait un simple manque à gagner et non une perte pour quelqu’un qui termine sa carrière au chômage", ajoute-t-il.
Ainsi, si vous estimez que l’écart de pension entre 62 et 67 ans est trop important, vous n’êtes pas forcé de liquider vos droits. Il n’y a en effet pas de liquidation automatique à la retraite.
Malgré la réforme de l'assurance-chômage et le durcissement de ses conditions de bénéfice, sachez que les chômeurs en proche de la retraite seront épargnés. En effet, si vous vous retrouvez au chômage en fin de carrière à la suite d’une rupture conventionnelle ou d’un licenciement, vous pourrez toujours être indemnisé par Pôle emploi. La durée maximale d’indemnisation des chômeurs de plus de 55 ans à la date de la rupture de leur contrat de travail reste fixée à 36 mois, soit 3 ans. Si vous êtes toujours au chômage à l'âge de 62 ans, âge légal de départ à la retraite, les versements de vos p ensions de retraite prendront le relais de vos allocations chômage, si les demandes ont été réalisées en bonne et due forme et dans les délais impartis.
Si vous n'avez pas acquis la durée d’assurance requise pour prétendre à une retraite à taux plein à l'âge de 62 ans, vous continuerez malgré tout à être indemnisé, même dans le cas où vos 36 mois d’indemnisation ont été épuisés. Vous profiterez des versements de Pôle emploi tant que vous n'aurez pas acquis le nombre de trimestres nécessaires pour pouvoir bénéficier d'une retraite à taux plein, ou à défaut jusqu’à 67 ans. Il s'agit d'une règle dite du “maintien de droits” qui n'a pas été supprimée par la réforme de l’assurance chômage.
"Tout est une question de gymnastique intellectuelle. Il faut absolument vous renseigner sur vos droits. D’ailleurs les caisses de retraites font de gros efforts pour les rendre accessibles à tous. Il y a certes les conditions financières, mais aussi les conditions sociales à prendre en compte. Votre bien-être, vos liens sociaux, vos choix de vie sont primordiaux."
"Votre stratégie de fin de carrière doit répondre à la satisfaction de votre propre équilibre de vie, qui est subjectif et personnel. Quel est votre projet de vie ? Quelles sont vos intentions ? Sont-elles en adéquation avec vos droits actuels ? Travailler deux ou trois ans de plus pour obtenir 50 €/mois de plus sur votre future pension en vaut-il la chandelle ? Pour rappel, à chaque trimestre supplémentaire acquis, vous obtenez une surcote d’1,25% à vie.Votre décision doit être mûrement réfléchie, car elle est définitive et irréversible. En plus des nouveaux droits, décalez votre départ à la retraite permet aussi de continuer à jouir de la prévoyance, de la mutualité, de la participation, ou encore de l’intéressement de votre entreprise… Soit tous les avantages sociaux que vous perdez une fois l’arrêt de votre vie active. Posez-vous donc toutes ces questions en amont de la liquidation de vos droits et non après", préconise Dominique Prévert.
Si vous n’êtes pas satisfait de vos conditions, vous pourrez toujours reprendre un emploi à temps partiel, dès votre départ à la retraite, ou ultérieurement.
Pour parfaire votre stratégie, référez-vous à l’épisode 3 de notre enquête, afin de bien estimer vos droits à la retraite.
- Retraite : les Français connaissent-ils vraiment leurs droits ?
- Comment bien calculer le montant de sa retraite et limiter les erreurs ?
- Retraite : quelle évolution pour vos droits dans les mois à venir ?
- Retraite : âge de départ, taux plein… 20 conseils pour l’évaluer et l’optimiser
- Départ à la retraite : ce qu’il faut absolument faire pour éviter un retard de versement