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Mohamed Merah, Amedy Coulibaly, ou dernièrement Ayoub el-Khazzani, étaient tous fichés mais sont quand même passés à l'acte. 

La nouvelle attaque à bord d’un Thalys, vendredi dernier, par Ayoub el-Khazzani, interpelle de nouveau. Tout comme Mohamed Merah (le "tueur au scooter"), Mehdi Nemmouche (le tueur du Musée juif de Bruxelles), Amedy Coulibaly (le tueur de l’Hyper Casher), Sid Ahmed Ghlam (voulant s’attaquer à des églises), Yassin Salhi (qui a décapité son patron)… Ayoub el-Khazzani a fait lui aussi l’objet d’une fiche "S".

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Comment fonctionne cette fiche ?

Cette fiche "S", pour "Sureté de l’Etat", est un fichier de signalement qui permet de recueillir des informations sur une personne soupçonnée de verser dans le terrorisme ou d’être en lien avec des personnes suspectes. Ce sont les services de renseignements qui remplissent au fur et à mesure la fiche du suspect dont le rôle est d’attirer l’attention des forces de l’ordre lors d’un contrôle d’identité.

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L’origine de la fiche "S" remonte aux années 1970 ; celle-ci servait alors à suivre les espions et diplomates étrangers. Depuis, ce fichage a été étendu au terrorisme : actuellement, près de 3 500 fiches sont liées à la menace djihadiste, sur un total de 5000 personnes, indique Le Figaro ; le reste étant des militants de l’extrême gauche ou de l’ultradroite, des hooligans, des altermondialistes violents…

Ce fichage se trouve dans un logiciel sécurisé, appelé Cheops, où sont recensées 300 000 personnes réparties en 21 catégories : "M" pour mineurs en fugue, "AL" pour aliénés en fuite, "T" pour débiteurs envers le Trésor Public, "S" pour sureté de l’Etat… Sur la fiche du suspect, le policier ou le gendarme trouvera de nombreux renseignements le concernant ainsi que différentes consignes, classées de S2 à S15, c’est-à-dire selon ce qu’il convient de faire et non selon la dangerosité de la personne.

Quoi qu’il en soit, les forces de l’ordre n’ont pas le droit d’interpeller le suspect. Ce qui explique pourquoi Amedy Coulibaly, pourtant fiché, a été laissé en liberté par la police qui le contrôlait… dix jours avant qu’il ne commette avec les frères Kouachi les attentats de janvier.

"Un espèce de thermomètre sur lequel il faut veiller en permanence"

En résumé, quand une personne fait l’objet d’une fiche "S", cela ne veut pas dire qu’elle est surveillée en permanence ou même occasionnellement. "C'est plus souvent un indicateur, une espèce de thermomètre sur lequel il faut veiller en permanence et qu'il faut alimenter pour qu'il soit efficace", indique un policier au Figaro.

Si ce système apparaît comme relativement efficace – presque tous les terroristes passés à l’acte ont été fichés au préalable – celui-ci a tout de même ses limites. "Aléatoire, il dépend encore trop souvent du bon vouloir, du flair et du zèle de l'opérateur chargé du contrôle", déplore Bernard Squarcini, patron entre 2008 et 2012 de l’ex-Direction centrale du renseignement intérieur.

Pour ouvrir une enquête judiciaire, il faut plus de preuves

Pour que l’individu soit intercepté, il faut un faisceau d’indices plus solides qu’une fiche "S" (des écoutes, des traçages sur Internet…) afin de permettre à la justice d’ouvrir une enquête et in fine de mettre en examen le suspect. "En renseignement, vous pouvez avoir trois tomes sur un individu, si vous ne passez pas à la phase judiciaire, cela ne servira à rien", souligne-t-on côté justice. 

Aussi, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, souhaite faire davantage pour empêcher tout nouvel acte terroriste. Déjà, la Police aux frontières a reçu des consignes de vigilance, mais le ministre souhaite aussi généraliser à l’échelle européenne le "Passenger Name Record" (PNR) pour détecter les passagers suspects dès l’enregistrement. Par ailleurs, "il prône la mise en place d'opérations de contrôles ponctuelles et ciblées entre plusieurs États, sur une période limitée afin de donner des coups de sonde", indique le quotidien. 

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