De nouvelles règles d’indemnisation entreront en vigueur en avril 2025 et impacteront durement les plus âgés.
Ils ont joint leurs forces pour tenter de faire bouger les choses. Sandra Arfa et Denis Cula font partie de l'association “Les oubliés de la canicule”, qui lutte pour que les sinistres résidentiels liés à la sécheresse soient enfin pris au sérieux.
Chez Denis, locataire d’une maison à Cosges, dans le Jura, les problèmes ont commencé il y a environ un an et demi. “Je suis locataire depuis 11 ans, et c’est vrai qu’il y a eu quelques fissures par le passé, mais bon, comme dans toutes les maisons, rien de grave, et rien à l’intérieur. Mais l’année dernière, on a vu que les fissures se sont nettement aggravées”, nous raconte t-il.
Aujourd’hui, les dégâts sont considérables : les portes ne ferment plus, les murs sont fissurés de haut en bas, les sols se craquellent et le plancher “part en avant”. C’est un véritable cauchemar pour Denis, qui a pourtant tout essayé pour retaper la bâtisse.
“J’ai réalisé beaucoup de travaux, j’essaie de prendre soin de cette maison. J’ai refait notamment la salle-de-bains, carrelée du sol au plafond : et bien, tout a été fissuré depuis”, soupire le locataire.
Sinistrés de la canicule : “On a beau faire des réparations, ça revient sans cesse”
Même chose sur la façade de la maison, où Denis a tenté de reboucher, année après année, les fissures à l’acrylique. “Mais tout s’est refendu en quelques mois. On a beau faire des réparations, ça revient sans cesse”.
Pour financer des travaux plus efficaces, Denis Cula a donc essayé de faire marcher son assurance. En vain.
“Bien que la commune ait eu un arrêté de catastrophe naturelle, l’assurance a refusé de nous indemniser. Ils ont fait venir un expert, qui est resté 30 minutes, a simplement pris des photos et nous a lancé des suppositions approximatives. Pour lui, ça venait des arbres plantés dans la cour… Mais pour moi, il est évident que c’est lié à la sécheresse”, poursuit le Jurassien.
Ce qui l’inquiète, c’est la dépendance, située en face de la bâtisse, et où se trouve le compteur électrique. “Le sol du garage, les murs, sont tous fendus. Dans l’immédiat, ça ne me fait pas encore peur, mais si ça continue, ça peut devenir inquiétant, il y a tout de même un gros risque d’effondrement”, s'inquiète Denis.
Sinistrés de la canicule : “C’est à avoir peur de rester dedans”
Dans l’impasse, Denis a donc pris attache avec "Les oubliés de la canicule". “La première chose dont ils ont été surpris, c’est qu’aucune étude des sols n’ait été effectuée. Ils nous ont mis en contact avec un autre expert, qui devrait passer début septembre. Lui va pouvoir juger si notre problème vient de la sécheresse ou pas. Si c’est le cas, on souhaiterait attaquer la compagnie d’assurance”, avance le locataire.
Mais la route est longue jusqu’à l'indemnisation. “On sait que les démarches vont êtres lourdes, ils font ça pour décourager les gens. Mais moi, je ne compte pas baisser les bras, c’est aussi bien pour moi que pour mon propriétaire que je le fais. Et puis là, c’est dangereux à la longue, il y a des fissures et des trous partout, le sol part en biais…”, conclut Denis Cula.
Sandra Arfa, propriétaire d’une maison dans le Loiret, est, elle aussi, une sinistrée de la sécheresse. Tout a commencé en 2003, année de la canicule la plus intense qu'ait jamais connu l’Hexagone. “Notre maison avait une trentaine d’années, mais on n’avait jamais eu de problèmes jusque là. Et là, les premières fissures sont apparues”, nous explique t-elle.
La mairie de Donnery, la commune de Sandra, entame une procédure pour obtenir la reconnaissance d’état de catastrophe naturelle. Deux ans plus tard, la municipalité est déboutée, aux côtés de 200 autres communes du département. “Déjà, on a compris qu’il y avait un souci. Que les critères pour reconnaître cet état n’étaient pas du tout adaptés à la réalité”, souffle la propriétaire.
Pour la famille de Sandra, c’est le début d’une spirale infernale. “Les fissures se sont énormément aggravées au fil des années. Jusqu’en 2011, où la maison était devenue tellement fissurée, c’est à avoir peur de rester dedans”, s'inquiète-t-elle.
Sinistrés de la canicule : “Il y en a pour 250 000€ de travaux”
“On a fini par faire faire une étude du sol, qui a bien confirmé que le soucis, c’était l’argile sous la maison, et ce qui caractérise l’argile c’est qu’elle se rétracte quand il fait sec et gonfle l’hiver.. Et toutes ces variations abîment encore plus la maison”, précise Sandra Arfa.
Pour tenter de réparer les dégâts, elle fait alors appel à une entreprise pour réaliser des injections de résine dans le bâtiment. “Ils sont venus en 2011, puis en 2012 et en 2015 pour “des retouches”. Mais ça n’a servi à rien. En 2018, avec la sécheresse, on a eu à nouveau un effondrement”, raconte-t-elle. La facture, pourtant, était salée : en tout, le foyer a déboursé 60 000 euros pour ses travaux.
“C’est un pansement superficiel, à n'utiliser que dans certains cas, ça n’est pas efficace sur les sols argileux. On s’est fait avoir par cette entreprise, et on a décidé de la poursuivre", ajoute Sandra.
Sinistrés de la canicule : “La maison est condamnée à s’écrouler”
Sauf qu’entre temps, sa commune a fini par être reconnue en état de catastrophe naturelle.
“Et là, l’assurance n’a rien voulu entendre, ils nous ont dit de voir avec la garantie décennale, justement. On a fini par être déboutés de notre action contre l’entreprise. Donc là, toutes les portes se ferment à nouveau, et on se retrouve sans rien”, s’indigne la propriétaire.
“La maison est condamnée à s’effondrer. On ne peut pas faire les travaux nécessaires, il y en a pour 250 000 €, c’est le prix de la maison ! Donc, elle est aussi invendable, elle ne vaut plus rien. Si on est muté, si on divorce, on ignore ce que l’on va pouvoir faire... Psychologiquement, c’est très dur. Tous les jours, vous voyez ça, vous êtes obligés de condamner des pièces, des fenêtres, des portes… L’air passe à travers les fissures, on voit le jour depuis l’intérieur de la maison… Et après, on nous demande de faire des économies d’énergie !”
Selon Sandra, de nombreuses familles sont ainsi sinistrées dans le Loiret. Pour tenter de faire bouger les choses, elle est devenue référente du département au sein des “Oubliés de la canicule”. “Il y a même des gens qui n’habitent plus chez eux car il y a eu un arrêté de péril. Mais rien n’est fait, et la situation s’aggrave d’année en année. Tant qu’il y a aura pas de drame, une maison qui va s’écrouler sur la tête des gens, c’est malheureux, mais les autorités ne bougeront pas sur ce sujet…”, ajoute Sandra.
L’association “Les oubliés de la canicule” est gratuite. “Nous demandons aux sinistrés de se préinscrire sur le site puis de renvoyer un formulaire et les justificatifs demandés pour valider leur inscription”, explique Gérald Grosfilley, son président.
Plus d’informations sur leur site web : https://www.lesoubliesdelacanicule.org