De nouvelles règles d’indemnisation entreront en vigueur en avril 2025 et impacteront durement les plus âgés.
Certains l’attendent, d’autres la redoutent. La retraite signe la fin de votre vie professionnelle et le début d’une nouvelle aventure, sans le stress, les impératifs et la fatigue liés au travail. Pour beaucoup, c’est le moment de prendre enfin du temps pour soi, de renouer avec d’anciennes activités ou d’en tester des nouvelles. Partir en voyage, aller au cinéma, faire une activité sportive, rejoindre une association… Dans l’imaginaire collectif, la retraite sonne comme des vacances à temps plein, où on a le luxe du temps. En réalité, passer d’un rythme intense à l’oisiveté la plus totale peut être un choc brutal et conduire à l’ennui.
"Je ne me sens plus utile maintenant que je suis à la retraite"
Véronique* [le prénom a été changé, NDLR], 67 ans, est à la retraite depuis un an et regrette toujours sa vie active. Enseignante au collège pendant 45 ans, elle s’est arrêtée un an seulement avant l’âge limite, fatiguée par la crise sanitaire liée au Covid-19, mais l’envie était toujours bien présente. Elle se souvient très bien de "cette impression de vide en arrêtant de travailler", une "impression de rupture sociale", qui a été difficile à vivre. Après avoir exercé un métier tourné vers les autres, Véronique a eu le sentiment, en s’arrêtant, de "ne plus être utile" : "Lorsqu’on est enseignant, on essaie d’apporter des choses à un certain nombre d’élèves et j’aimais ça. Ca m’a manqué très fort".
Un an après le début de sa retraite en septembre 2021, travailler lui manque moins, "mais encore un peu", confie-t-elle à Planet, ajoutant : "J’ai le cœur un peu serré au moment de la rentrée, encore cette année. C’était moins violent que l’année dernière, mais j’y ai quand même beaucoup pensé. J’ai pensé à mes anciens collègues, au plaisir de se retrouver après les vacances, à la découverte de nouveaux élèves…". Bien entourée, Véronique voit sa fille et son petit-fils chaque semaine, sort régulièrement avec des amies ou passe de longs moments au téléphone avec elles, mais il lui manque toujours quelque chose. "Je bouquine, je regarde des séries, je vois des gens…", précise-t-elle, ajoutant : "Je ne souffre pas d’être seule, mais je souffre d’un manque de contact et de vie sociale". Son constat est désormais sans appel : son travail lui manque.
"Mon travail me manque, c'est brutal"
Véronique sait que ses propos en feront bondir plus d’un mais elle assume : "Moi, mon travail me manque, faire cours me manque, les élèves me manquent. Quand on s’investit beaucoup dans son travail, une bonne partie de notre vie tourne autour de lui, quand ça s’arrête d’un coup c’est brutal". Happée par le quotidien, elle n’a pas eu le temps de préparer son départ, ce qu’elle regrette aujourd’hui amèrement : "Il faut vraiment avoir préparé sa retraite à l’avance, on me l’avait dit mais je ne l’ai pas fait et je le regrette".La sexagénaire savait que les débuts seraient difficiles, "mais sans doute pas à ce point-là".
Très rapidement, en en parlant autour d’elle, Véronique a compris qu’elle n’était pas la seule à vivre un début de retraite compliqué, même si le sujet semble être tabou…
"Il me manque l'envie de faire quelque chose"
Regretter d’être à la retraite ? Vous n’y pensez pas. Déprimée les premiers mois, Véronique a partagé ses impressions avec des amis eux aussi à la retraite : "Ce qui me console c’est qu’il y a des gens avec qui j’en ai discuté et pour qui c’était pareil, comme le mari d’une amie. Il était enseignant lui aussi et il a eu du mal à se faire à l’idée, alors que sa femme s’arrêtait quelques mois après lui. Une de mes meilleures amies aussi, même si le travail ne lui manque pas, elle s’ennuie un peu".
Si la retraitée a eu du mal à s’adapter à cette nouvelle vie, c’est parce qu’elle a toujours eu besoin "du speed de l’urgence" : "A la retraite, je n’ai plus aucune deadline, je n’ai pas d’horaires ni de contraintes. Alors pourquoi faire aujourd’hui ce qu’on pourrait faire demain, après-demain, dans huit jours ?". Ce qui manque à Véronique, c’est surtout "l’envie de faire quelque chose, au moins de poursuivre un projet. Sur le moment je me dis ‘Tiens, ça serait pas mal’, mais je ne le fais pas tout de suite et j’oublie, ou alors je n’ai pas envie de faire toutes les démarches".
Pour cette deuxième année à la retraite, la sexagénaire réfléchit à de nouveaux projets, comme devenir famille d’accueil pour des chats en attente d’adoption. Elle prévoit de descendre plus souvent dans sa résidence secondaire et peut-être, de reprendre des cours à l’université, dans le cadre d’un programme spécifique dédié aux retraités. Des activités qui n’enlèveront pas le manque de la vie active, mais qui l’atténueront peut être un peu.