De nouvelles règles d’indemnisation entreront en vigueur en avril 2025 et impacteront durement les plus âgés.
Certains meurtriers fascinent par leur normalité. Loin du cliché du tueur en série ou du tueur de masse qui frappe au hasard, ils nous ressemblent, sont le voisin, le frère, le père, le mari de quelqu’un. Mais arrive un moment où tout bascule et où ils passent à l’acte. Comment expliquer ce basculement chez des personnes qui semblent bien sous tout rapport ?
"En général, les criminels ont des antécédents dans 60% des cas. Ces personnes font partie des 40% où ça n’est pas le cas", explique Eric Phelippot, criminologue. "Le gène du tueur n’existe pas, toute personne est capable, à un moment donné, de passer à l’acte si elle n’arrive pas à gérer sa haine, sa colère", ajoute-t-il.
De "monsieur tout le monde" à meurtrier : des personnalités instables
Pour Arnaud George, psychanalyste spécialisé en criminologie et victimologie, il s’agit souvent de personnes qui ont "des failles narcissiques énormes". Il peut y avoir chez elles des "angoisses d’abandon massive" mais il peut également s'agir de "gens humiliés dans leur relation, qui n’ont rien dit pendant des années et qui ont tellement peu d’estime d’eux-mêmes qu’ils peuvent être très possessifs". Les personnalités criminelles sont, en règle générale, assez instables, "avec la recherche du plaisir immédiat", précise Eric Phelippot. Le criminologue évoque des personnes qui font preuve d’un "léger égocentrisme" et qui ont du mal à gérer la frustration.
Comment expliquer ce basculement ? D'après Arnaud George, certains facteurs peuvent le favoriser, comme "les angoisses d’abandon", mais aussi des jalousies, des non-dits. Une dispute peut aussi dégénérer "en violence ultime, car tout ce qui a été refoulé peut exploser et ressortir à ce moment-là", avec "une colère qui ne peut pas être contrôlée". De son côté, Eric Phelippot explique qu'"il y a toujours une émotion qui va arriver avant la raison. Si à un moment, je suis submergé par mes émotions, je vais être enfermé dans mon émotionnel".
De "monsieur tout le monde" à meurtrier : des crimes passionnels
Chez ces "messieurs tout le monde", il peut exister différents basculements qui mènent à différents crimes, comme un crime passionnel. Le psychanalyste Arnaud George donne l’exemple d’un couple, au sein duquel "une des deux personnes veut partir" : "Ça réactive chez l’autre l’angoisse de l’abandon infantile et, devant cette angoisse, tellement massive, la personne peut se dire : ‘plutôt qu’elle parte, je la tue’". Et donc passer à l'acte. Ensuite, peut arriver la prise de conscience sur ce qu'il vient de se passer et, avec elle, un accès à la culpabilité.
"À un moment donné, c'est tuer l'autre alors qu'à la base il n'y a pas forcément préméditation", ajoute Arnaud George. Il cite en exemple l'affaire Alexia Daval, "pour laquelle on se pose la question". Évoquant Jonathann Daval, il explique : "S'il a avoué des choses justes, alors il a accès à sa culpabilité. Mais il n'a pas tout dit. De ce qu'on en sait, je pense qu'il y a encore des choses à découvrir".
Ces crimes passionnels doivent être distingués "des crimes en série, ou des tueries de masse, qui n'ont rien à voir, car il ne s'agit pas des mêmes mécaniques psychologiques", explique Arnaud George. Lors d'un crime passionnel, on est face à un meurtrier qui "va avoir accès à l'empathie, à sa culpabilité", contrairement aux tueurs en série qui "ont des personnalités clivées et qui n'ont pas accès à leurs responsabilités". Un processus de passage à l'acte peut tout de même exister chez ces personnes bien sous tout rapport.
De "monsieur tout le monde" à meurtrier : un processus de passage à l’acte
"Monsieur tout le monde" peut basculer du jour au lendemain, mais, selon le criminologue Eric Philippot, il y a une sorte de "processus de passage à l’acte" qui comporte trois phases. Dans un premier temps, la personne va penser à la disparition de l’autre, va se dire que ce serait mieux si elle n’était plus là, si ça pouvait arriver, comme un accident de voiture. "Durant la deuxième étape, la personne va s’habituer à cette pensée de disparition et, petit à petit, elle va de plus en plus dévaloriser l’autre en se disant qu’il pose problème", explique le criminologue. Durant cette partie du processus, ce "monsieur tout le monde" peut également dédramatiser l’acte en se rassurant sur le fait que ce soit normal de penser de cette manière.
C’est au moment de la troisième phase que s’effectue le basculement : "Cette personne aura complètement balayé l’aspect moral de la chose, elle sera tellement habituée à cela qu’elle ne trouvera plus cette pensée immorale et elle acceptera volontiers la mort de l’autre. À ce moment-là, la personne à de grandes chances de passer à l’acte", explique Eric Phelippot. Ce processus varie dans la durée, mais "plus les deux premières phases vont être longues, plus la violence sera proportionnelle", ajoute le criminologue. "La difficulté de tout humain est de gérer ses émotions", conclut-il.