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Pas d’augmentation du Smic : pourquoi Bruno Le Maire ne veut pas d’un coup de pouce ?
"Il y a une formule que nous appliquons", s’est justifié Bruno Le Maire devant les caméras de France 3, le 8 décembre 2019. Il évoquait alors le salaire minimum de croissance (Smic), dont le montant brut horaire est actuellement fixé à 10,03 euros, indique le site du service public. Une somme que le ministre de l’Economie et des Finances n’entend pas revaloriser, comme l’explique BFMTV. "Il n’y aura pas de coup de pouce au Smic au 1er janvier, en tout cas je ne le souhaite pas", déclarait-il.
En dehors de la majoration que refuse le transfuge de la droite, il importe de rappeler que le Smic bénéficie chaque année d’une hausse mécanique. Cette dernière vise à lui permettre de suivre l’inflation et donc de ne pas être dévalorisé par rapport au coût de la vie.
"Je pense que la prime d’activité, et d’ailleurs un certain nombre de rapports l’établissent, c’est plus efficaces que le Smic pour le pouvoir d’achat", a poursuivi l’ancien candidat malheureux des primaires de la droite et du centre.
Un avis partagé par le groupe d’experts créé en 2008, qui est sans cesse consulté au sujet d’une potentielle revalorisation. Le panel d’économiste vers lequel se tournent les gouvernements s’est toujours montré très défavorable à une revalorisation. Pourquoi ? "Parce qu’en augmentant le Smic, on produit davantage de chômage", assène, las, Frédéric Farah. Économiste affilié au PHARE, chargé de cour à Paris, il explique à Planet la logique qui sous-tend l’action politique du gouvernement. "La matrice idéologique du gouvernement réfute toute hausse du pouvoir d’achat par la majoration des salaires. Selon eux, c’est la réduction de la dépense publique et le levier fiscal sont les seules solutions envisageables", s’agace le chercheur, marqué à gauche, qui n’adhère pas à ces hypothèses.
"C’est idiot. A cause de cette ligne, que portent aussi les institutions européennes, on abandonne toute politique du revenu. Or, soutenir le Smic, c’est aussi soutenir la consommation !", souligne encore l’expert. Est-ce à dire que qu’une hausse du salaire minimum de croissance profiterait à tous ? C’est en tout cas ce que certains avancent...
Philippe Martinez, président de la CGT, prône régulièrement une augmentation du Smic. C’est déjà le cas en 2018 après la crise des "gilets jaunes", rappelle RTL. A gauche, L’Humanité estimait d’ailleurs en 2012 qu’une "hausse du Smic profite à tous les salariés". "En clair, lors que le smig augmente de 1 point, le salaire moyen augmente de 0,3 point", expliquait l’hebdomadaire qui se basait sur une étude Insee sur la question.
A qui profite la hausse du Smic ?
"Avant de bénéficier à qui que ce soit d’autre, une hausse du salaire minimum profite aux Smicards", tranche d’entrée de jeu Frédéric Farah. "Quand Philippe Martinez, par exemple, dit du Smic que sa hausse serait une politique favorable à toute la société, il parle du phénomène d’entraînement que cette mesure est susceptible d’engager. Indéniablement, une hausse du Smic peut envoyer un signal au reste de la société", reconnaît l’économiste. "Pourtant, rappelons que l’augmentation générale des salaires ne dépend pas uniquement de l’Etat", nuance-t-il ensuite.
Selon lui, l’effet d’incitation qui pousse les salaires à gonfler après une augmentation du Smic est réel, quoique pas mécanique. "Ce qui est certain, cependant, c’est qu’une augmentation générale des salaires serait saine pour toute la société, du Smicard au retraité. Actuellement en gelant le levier cotisation, on donne aux Françaises et Français le sentiment d’une hausse des salaires. En vérité, on maintient des niveau de revenu bas, tout en préservant une illusion. Ce n’est pas sans conséquences : ce faisant on appauvrit les finances publiques et on prépare le terrain pour une grave spirale déflationniste", alerte le chercheur affilié au PHARE.
Mais quand on parle de déflation, quel est le danger qu’on évoque ? Globalement, résume le site spécialisé La finance pour tous, il est ici question d’une "baisse durable et auto entretenue du niveau général des prix". Une situation bien plus néfaste qu’il n’y semble de prime abord : elle engendre aussi une baisse de la consommation, et donc mécaniquement une réduction de la production. Par conséquent les salaires baissent, les embauches se raréfient et, d’une façon générale, la vie devient de plus en plus complexe.
C’est ce type de risque qu’une augmentation générale des salaires permettrait donc d’éviter, assure l’enseignant-chercheur qui dénonce aujourd’hui un "capitalisme à basse pression salariale", reprenant les termes de Frédéric Lordon, lui aussi économiste mais aussi sociologue et philosophe. Des grilles de revenus plus élevées permettraient à l’inverse de solidifier les finances publiques, notamment par le biais des cotisations, explique-t-il.
Mais comment financer une hausse du Smic ?
"Si l’Etat voulait vraiment gonfler le Smic, cela ne coûterait pas grand chose. Parce qu’il est exonéré de cotisations, ce que l’on peut déplorer par ailleurs, une hausse ne serait pas particulièrement douloureuse pour les patrons", commence d’entrée de jeu Frédéric Farah. Et lui de préciser : "Elle présente moins d’avantages pour le salarié parce qu’en l’absence de cotisations, c’est lui qui doit financer plein pot des services qu’il n’aurait pas eu à payer autrement, mais le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle n’est pas très coûteuse".
"Par ailleurs", poursuit le chercheur, "une hausse du Smic entraînerait mécaniquement une hausse du pouvoir d’achat des travailleurs et des travailleuses concernées. Ce qui ne serait pas sans conséquences sur leur consommation, et donc sur l’activité". Une croissance des transaction et une hausse de la production entraînant à leur tour une hausse des recettes pour l’Etat, via les taxes et autres impôts. "C’est un véritable cercle vertueux", note l’économiste.
"On pourrait aussi mettre un terme à certains dispositifs peu économes et dont l’efficacité est discutée, comme le CICE ou rétablir d’autres impôts qui fonctionnaient mieux que leurs successeurs comme cela peut-être le cas avec l’ISF", avance encore le chercheur en sciences économiques et sociales.