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Déprime saisonnièreIllustrationIstock
Ce n'est pas un hasard si les cas de déprime saisonnière se multiplient à l'approche de l'hiver et ont tendance à perdurer jusqu'au printemps. La météo joue bien entendu un rôle majeur dans ce passage délicat, mais pas seulement. Le psychanalyste Christian Richomme nous donne des pistes pour le surmonter.
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Tout le monde sait que la météo peut avoir une répecussion sur l'humeur. L'année 2024 très maussade que nous venons de vivre sur la plupart du territoire a mis les organismes et le moral à rude épreuve. Pour beaucoup d'entre nous, c'est passager et l'impact est modéré. Mais pour d'autres, une période en particulier est dure à vivre chaque année et entraîne une "déprime saisonnière". C'est le cas de patients qui consultent Christian Richomme, psychanalyste auteur et thérapeute à Paris, spécialiste dans les troubles de l’anxiété, les dépressions, les addictions et les troubles affectifs. Il nous explique comment surmonter ce phénomène.

Planet.fr : Quelle influence peut avoir la météo sur notre moral ?

Christian Richomme :  Cest un vrai sujet. Je le vois dans mes consultations et cela concerne surtout la déprime saisonnière, en hiver. Pourquoi ? Parce cela coïncide avec Noël. Paradoxalement, mes patients qui souffrent de cette déprime saisonnière, qui aiment les fêtes de fin d'année et qui en passent de bonnes, la prennent de plein fouet en janvier-février. Et pour ceux qui n'aiment pas Noël, elle débute dès fin novembre.

Planet.fr : Qu'est-ce que ça nous dit en psychanalyse ?

Christian Richomme :  Si l'on souffre de déprime saisonnière, Noël peut être une "diversion", mais pas un "évitement". Si ça se passe bien, ça n'empêchera pas la déprime.

Planet.fr : Dans les deux cas, comment cette déprime se manifeste ?

Christian Richomme : Le repli sur soi, la perte d'envie. Il peut y avoir de la mélancolie, de la tristesse, des troubles du sommeil. Soit on a une perte d'appétit soit on surconsomme. Et l'humeur n'est pas du tout joyeuse. Cela veut dire qu'on fait une "petite" déprime. On ne sait pas forcément pourquoi, mais on n'est pas content ! 

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Planet.fr : Comment se rendre compte qu'on fait cette "petite" déprime ?

Christian Richomme : Quand on parle des "troubles affectifs saisonniers", c'est le terme, on parle d'un phénomène qui touche au moins 5 % de la population. C'est difficile à estimer. Mais je le constate en consultation. Ces troubles jouent sur l'anxiété, qui s'ajoute à la déprime. Il y deux facteurs importants dans cette période : une baisse de la mélatonine, l'hormone du sommeil, et une baisse de la sérotonine, l'hormone du bien-être.

Déprime saisonnière : "on doit faire nous-même le nécessaire"

Planet.fr : Qu'est-ce qui peut amplifier ces troubles ?

Christian Richomme : On est dans un environnement où il y a moins de lumière, moins de contact avec les autres et moins d'épanouissement personnel. Or, il faut s'adapter à cette période. Nous sommes "des animaux" qui doivent vivre avec les saisons et il ne faut pas l'oublier.  On le voit naturellement au printemps, il y a une "poussée d'envies" : les terrasses des cafés rouvrent, on sait qu'on va voir des gens, les journées s'allongent... Il y a quelque chose qui nous pousse vers l'avant.

Planet.fr : Ce sont les beaux jours qui arrivent enfin, mais comment "passer" l'hiver ?

Christian Richomme : En hiver, on doit faire nous-même le nécessaire. Et ça c'est important. Sinon, on peut s'enfermer dans quelque chose de récurrent et s'angoisser à l'idée d'être angoissé... Il faut être actif, et ne pas rester sur une pente sur laquelle on se laisse glisser, journée après journée, en se disant "ça ira mieux au printemps". Parce que la période de déprime qui précède est longue, mais quand on vieillit on voit le temps qui passe vite... Et si on ne la remplit pas, on a l'impression de perdre quelque chose.

Planet.fr : Comment remplir cette période justement ?

Christian Richomme : Il faut agrémenter son quotidien. Il faut aller chercher la lumière. Même s'il fait nuit plus tôt, on essaye d'aller se balader la journée. Le fait d'avoir des lumières chez soi (les pays scandinaves sont excellents là-dessus) est important. L'alimentation également. Il faut favoriser ceux qui permettent de compenser le manque de lumière : chocolat noir, bananes et poissons gras par exemple, pour des apports en vitamine D, qui agit sur la mélatonine et la sérotonine.

Planet.fr : Il ne faut surtout pas rester enfermé chez soi ?

Christian Richomme :On peut tout à fait faire du cocooning. Profiter de son chez soi devant une bonne tasse de thé, en regardant un bon film, une bonne série... On fait alors quelque chose de réconfortant, on n'est pas en train de perdre son temps. Des patients me disent "ce soir je ne vais rien faire." Or, en affirmant ça, psychologiquement, on s'apprête à perdre une soirée. Alors qu'il faut se dire : "ce soir, je vais prendre soin de moi." En faisant ça on devient actif et non plus passif. 

Planet.fr : Et voir du monde ?

Christian Richomme : On peut aussi voir des amis, dans un autre contexte qu'une soirée un dîner, mais il faut garder un minimum une activité sociale. Même des amis qui sont dans le même cas. Pas forcément pour parler de ses problèmes mais pour maintenir un lien d'amité et des moments joyeux.

Planet.fr  : Quelle différence avec une dépression ?

Christian Richomme : Dans la dépression, il y a une perte d'estime de soi. On se dit "je suis au fond d'un puits, je ne vais pas en sortir, je ne peux rien faire." Pendant la déprime saisonnière, la personne ne se sent pas "mauvaise" elle se sent "empêchée." On ne se sent pas mal, mais on ne se sent "pas bien." C'est juste un manque, d'envie. 

Planet.fr : Et pendant les périodes de canicule au contraire ?

Christian Richomme : La chaleur peut créer des troubles du sommeil et jouer sur l'irritabilité. Mais il y a plus d'activité sociale. Les chances de "déclenchement" sont plus faibles.

Planet.fr : Quel conseil basique pouvez-vous nous donner ?

Christian Richomme : En hiver, on a tendance à se mettre en retrait, en isolement. C'est là que les gens ruminent. Donc ils fabriquent leur propre mal. Si on fait une balade de 20 minutes dans le froid, c'est bon pour la tête et le corps alors qu'on a tendance à rester chez nous. Il faut prendre cet air, sinon on devient "prisonnier" chez nous pendant 3 mois. Le matin et le soir il fait sombre, ça devient vite glauque. Profiter de ces 20 minutes fait aussi prendre la lumière. Si on a un chien, c'est encore mieux. Il faut rester actif, mais autrement. Sinon on perd cette énergie.

"Si on ne reste pas connecté à l'environnement et à ses sens, la tête prend le dessus"

Planet.fr : Le corps et la tête sont parties prenantes d'une amélioration ?

Christian Richomme : Oui il faut que les sens soient mis à contribution pour que le cerveau se recentre sur l'essentiel. Je suis persuadé qu'il y a des gens qui se lèvent le matin, qui regardent la météo, et que ça impacte leur moral.  Car la tête est capable d'imaginer tout et n'importe quoi. La méditation est une bonne méthode pour se reconnecter à ses sens (l'odorat, le toucher), à son corps. 

Planet.fr : Un profil particulier se dégage parmi les patients qui vous consultent pour la déprime saisonnière ?

Christian Richomme :Il y a tous les âges, mais d'un autre côté, les personnes âgées sont plus "habituées" à s'adapter à cette période, donc elles passent "le tunnel". Le mois de janvier est compliqué. Dès octobre-novembre, mon agenda commence à se remplir car les gens anticipent. Et en novembre-décembre, il est plein.

Planet.fr : Est-ce que, si on a les moyens, il ne vaut pas mieux partir au soleil, tout simplement ?

Christian Richomme : A condition que ce soit pour se faire plaisir, se reposer. Il ne faut pas que cela soit une stratégie d'évitement. Les réseaux sociaux peuvent jouer un rôle : si on voit un ami poster des photos au soleil, ça peut être impactant quand on reste chez soi. Alors qu'en réalité on ne sait pas si ses vacances se passent bien... Mais "on fonce", or il faut se forcer à penser à ce décalage.

Planet.fr : Il faut apprendre à contrôler ses émotions en réalité ?

Christian Richomme : Le processus est le suivant : évènement, interprétation, émotion. Il faut gérer les trois positivement. Sinon, on se rend malheureux. Je citerais cette phrase : "est heureux l'homme qui a conscience de ce qu'il a." Alors qu'aujourd'hui beaucoup sont dans l'opposé : "est malheureux l'homme parce qu'il a conscience de ce qu'il n'a pas." Or il faut avoir conscience de ce qu'on a et voir le verre à motié plein, pas à moitié vide !