De nouvelles règles d’indemnisation entreront en vigueur en avril 2025 et impacteront durement les plus âgés.
François-Bernard Huyghe est politologue, directeur de recherche à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) et président de l’Observatoire stratégique de l’information (OSI). Il anime aussi le blog huyghe.fr, s’est spécialisé dans les stratégie de l’information ainsi que l’analyse de la guerre idéologique et a publié plusieurs ouvrages sur la question dont les livres suivants : Comprendre le pouvoir stratégique des médias (ed. Eyrolles), Les terroristes disent toujours ce qu'ils vont faire (écrit avec A. Bauer, ed. Puf) ou Terrorismes, Violence et Propagande (ed. Gallimard)
Planet : D'après Le Figaro, les djihadistes pourraient profiter du mois sacré du Ramadan pour multiplier les assauts terroristes, ou au moins pousser leurs sympathisants à frapper les nons-croyants. Le ministère de l’Intérieur français semble d’ailleurs prendre la menace très au sérieux, poursuivent nos confrères. Mais quelle est-elle, exactement ? Faut-il, selon vous, craindre un attentat sur notre sol dans les jours ou les semaines à venir ?
François-Bernard Huyghe : Il serait idiot de vous dire qu’il n’y a rien à craindre. Ne nous voilons pas la face, il y a certainement, au sein de l’Etat Islamique ou d’Al Qaeda, des groupuscules qui veulent frapper la France comme ils ont pu le faire en 2015 avec l’attentat du Bataclan. Ce n’est sans doute pas la volonté qui leur fait défaut en l’état actuel des choses. Cependant, si l’on s’attarde un instant sur les précédents attentats survenus sur notre seul ces derniers mois, force est de constater que ce sont surtout des individus que l’on ne pourrait directement rattacher aux organisations djihadistes qui s’en sont pris à notre nation. Cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas eux-mêmes des djihadistes, mais simplement qu’ils n’ont pas fait allégeance au califat.
Terrorisme : faut-il craindre un attentat durant le mois à venir ?
Il s’agit, fondamentalement, d’individus décidant de punir ceux qu’ils estiment être des “kouffars” ou des “mécréants”. Il n’y a pas, derrière l’attentat raté de Charlie Hebdo ou l’assassinat de Samuel Paty, de véritable organisation terroriste. Pas de logique de commando organisé. Cela ressemble bien davantage à ce que Gilles Kepel appelait du “djihadisme d’atmosphère”.
Bien sûr, c’est quelque chose qui pourrait changer du jour au lendemain mais pour l’instant, il paraît plus probable que le prochain attentat s’ancre dans la routine terroriste que nous connaissons depuis des années dorénavant. L’un d’entre eux finira d’ailleurs par faire des victimes, car on ne peut pas échouer en permanence.
Terrorisme : le Ramadan consiste-t-il la seule période pendant laquelle il faut être vigilant ?
Planet : Le mois du Ramadan jouera-t-il un rôle dans la tenue d’un éventuel attentat sur le sol français dans les semaines à venir ? Y a-t-il d’autres périodes religieuses ou sacrées qu’il faut craindre ?
François-Bernard Huyghe : Faut-il croire que le Ramadan changera les choses ? Peut-être. Il joue, en tout cas, un rôle idéologique clair aux yeux des djihadistes, puisque ces derniers le perçoivent comme une période de purification et d’efforts particulièrement favorable à leur action terroriste. Ils font un lien entre l’ascèse, l’action de pénitence que s’imposent les croyants et le djihad. Ce dernier, estiment-ils, est notamment alimenté par une forme de “temps long historique”. Plusieurs batailles décisive de l’Islam auraient été remportées par le prophète pendant le Ramadan. Dès lors, la période sainte est perçue comme une garantie de succès. En outre, les combattants qui meurent en martyr pendant le mois du jeûne sont nombreux à penser qu’ils auront droit à une récompense supérieure, du fait d’un supposé état de pureté supérieure.
Tout cela pousse les organisations djihadistes à multiplier les appels aux attentats pendant cette période. Cependant, cela ne signifie pas que ceux-ci ont toujours lieu, du moins en France. L’année 2017 a été marquée par un grand nombre d’assauts terroristes, tandis que c’était moins le cas l’an dernier, par exemple. Ne perdons pas de vue qu’un attentat ne s’organise pas en un claquement de doigt et que pour pouvoir lancer l’assaut pendant le Ramadan, il faut de toute façon s’y être préparé en amont.
Du reste il m’apparaît compliqué de dire si d’autres périodes pourraient s’avérer particulièrement propice aux attentats aux yeux des djihadistes. C’est quelque chose que l’on peut affirmer dans le cas du Ramadan car le sujet a été étudié par des universitaires et surtout parce que les terroristes eux-mêmes n’hésitent pas à le dire. A ma connaissance ce n’est pas particulièrement vrai pour d’autres moments de la vie spirituelle de l’Islam.
De la même façon, certains s’interrogent parfois sur le 11 septembre, dont on approche dorénavant du 20ème anniversaire. Jusqu’à présent, les djihadistes n’ont pas organisé d’attentat d’ampleur pour "commémorer" cette date pourtant essentielle de leur histoire récente. Il me semble que c’est avant tout un raisonnement d’occidental.
Terrorisme : faut-il craindre un second Bataclan ?
Planet : Si l’attentat perpétré par un loup solitaire apparaît plus probable, cela signifie-t-il pour autant qu’un second Bataclan n’est pas possible aujourd’hui ? L’Etat Islamique en est-il encore capable, après la destruction du califat ?
François-Bernard Huyghe : Ainsi que nous avons pu en discuter précédemment, il m’apparaît essentiel de continuer à redouter l’action d’un individu solidaire, susceptible de tirer son couteau à un moment ou à un autre pour se venger de quelqu’un dont il estimerait qu’il a insulté Mahomet où qu’il est un mécréant. Le danger est réel et doit être pris au sérieux.
Pour autant - et la prudence impose de ne pas trop s’avancer -, je ne suis pas sûr que l’Etat Islamique soit en mesure de reproduire une opération d’envergure comparable au Bataclan dans l’immédiat. Cela implique des mois de préparation, une organisation et une logistique incroyables, des gens entraînés et destinés à mener la mission de longue date, qu’il faut faire venir de loin - de Syrie ou d’Irak. Il faut des armes aussi.
Tout ceci était faisable à une certaine époque, parce que le califat existait encore et disposait d’un Etat, d’un ministère de la propagande mais aussi de moyens et de bases arrières. Ce n’est plus véritablement le cas aujourd’hui et s’il est tout à fait possible que Daesh redevienne assez puissant pour reproduire ce type d’opération, il n’est pas exclu qu’ils aient aujourd’hui de priorités stratégiques : il s’agit maintenant pour eux de survivre et de conduire des opérations au Mali plutôt que chez l’ennemi lointain qu’est la France. N’allons pas pour autant croire qu’ils nous détestent moins...