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Est-ce vraiment en France que l’on travaille le moins : les Français sont-ils fainéants ?
"Gréviculture", semaine de 35h, nombreux jours chômés… La France est souvent présentée comme un pays où l’on travaille peu. La question alimente d’ailleurs le débat public depuis des années. Pourtant, peut-on vraiment dire que c’est dans l’hexagone que l’on travaille le moins… ?
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Le pays comptabilise 36 jours de congé par an, ce que peut d’autres nations parviennent à égaliser, rappelle Capital. Nos voisins hispaniques bénéficient de 39 jours de congés par an et reportent systématiquement les jours chômés qui tombent un dimanche. L’Autriche, de son côté, affiche 38 jours de repos… Tout juste plus qu’en France, qui se place en troisième position mondial, ex aequo avec le Royaume-Uni .
Pourtant, ce n’est pas en France qu’on travaille le moins. "Il suffit de regarder le nombre d’heures travaillées à la semaine ou à l’année pour se rendre compte que la France est loin d’être la dernière du classement", assure Frédéric Farah, économiste affilié au PHARE et enseigneur-chercheur à l’université Panthéon-Sorbonne. "Les jours de congés ne constituent pas des données assez fines pour affirmer que la France travaille moins que ses partenaires. D’après l’OCDE, un actif français travaille en moyenne 1472h par an. C’est moins qu’au Royaume-Uni où la moyenne annuelle est de 1676h par travailleur. En revanche, c’est plus qu’en Allemagne où les actifs travaillent en moyenne 1363h par an…", souligne le chercheur. En 2017, l’écart se creuse davantage encore : les Français travaillent 1514h par an contre 1356 outre-Rhin, note l'organisme. Pour l’ensemble des pays de l’OCDE, la moyenne s’élève à 1759h annuelles.
Pris seul, le nombre d’heures travaillées à l’année n’a que peu de sens indique l’économiste. "Il faut le rapporter à la productivité du pays concerné pour avoir une idée de l’efficacité de ses travailleurs. Or, la France affiche l’une des plus fortes productivités au monde. En 2016, la productivité du travail produit 66,9 dollars de l’heure. Certes, nos voisins Allemands parviennent – en travaillant moins – à produire 68 dollars de l’heure. Mais nous produisons davantage de valeur ajoutée que l’Italie ou le Royaume-Uni", poursuit-il, non sans souligner que la productivité française connait actuellement un tassement. "C’est normal, et ça ne doit pas pousser les gens vers un discours décliniste déjà assez usé : chaque société dont l’économie est davantage basée sur le service que sur l’industrie connaît cette situation."
Est-ce vraiment en France que l’on travaille le moins : vers une réduction mondiale du temps de travail ?
Si la France a choisi de passer par la loi pour entériner la réduction du temps de travail, il s’agit d’un phénomène constaté dans de nombreux pays. "En Allemagne, comme dans d’autre nation du nord de l’Europe, la réduction du temps de travail se manifeste par un très fort recours au temps partiel, souvent subi d’ailleurs. Prenez l’exemple de la Grèce : les Grecs travaillent entre 10 et 20h par semaine. Ce n’est pas parce qu’ils ne souhaitent pas en faire plus, c’est parce qu’il n’y a plus d’emploi", insiste l'enseignant-chercheur. "C'est une tendance historique que l'on constate depuis déjà des décennies : on passe de moins en moins de temps à veiller au travail. En 1841, un individu passait environ 3500 heures par an à travailler. Aujourd'hui, en France, ce chiffre oscille davantage entre 1400 et 1500 heures. Pourtant, nous sommes plus riches et en meilleure santé", souligne l'économiste, pour qui les choses vont continuer à évoluer en ce sens. Il pointe notamment du doigt les progrès en matière de robotique et de numérique.
"La réduction du temps du travail n'est pas tant liée à une baisse de la quantité de travail qu'à d'importants gains de productivité, lesquels ont été permis par le progrès technique et l'industrialisation", rappelle-t-il. "C'est avec ce même progrès technique que nous entretenons une relation très ambigüe. il offre à l'humain du temps libre, mais pas du temps libéré : pendant ce temps nous sommes libres de nous reposer pour mieux travailler ensuite. Le travail reste la référence centrale en terme d'organisation de notre temps. D'un autre côté, les avancées techniques nourrissent une certaine angoisse, particulièrement en période de crise où elles sont souvent pointés du doigts comme responsables de la destruction d'emplois."
Malgré ce rapport compliqué au progrès technique, la réduction du temps de travail constitue un progrès social, selon Frédéric Farah. "Quand elle est organisée et concertée, nous avons beaucoup à gagner à la réduction du temps de travail. D'après la DARES, les 35h ont permis la création de 350 000 emplois. Et ils nous ont coûtés bien moins cher que ceux créés via le CICE... En outre, une réduction du temps de travail comporte également certains avantages d'un point de vue écologique. En période de réchauffement climatique, c'est à prendre en compte..."