Une conductrice a saisi le Conseil d'État après avoir reçu une contravention pour stationnement. Et la juridiction lui a donné raison. Explications.
Planet : Pour François Bayrou, la réforme des retraites doit être écartée. Le Parisien rapporte d'ailleurs que le président de la République réfléchit à un abandon du projet. Serait-ce une erreur ou a-t-il raison d'y renoncer ?
Eric Verhaeghe : Je pense que nous ne sommes plus dans le domaine de l'erreur ou de la faute, mais dans l'univers de la réalité sous contrainte. Regardez l'état explosif des banlieues, qui ne demandent qu'un craquement d'allumettes pour exploser. Flânez sur les réseaux sociaux et lisez-y ce qui s'y dit. L'émotion dans le pays est à son comble. Les esprits sont proches de la rébellion, pour ne pas dire de la révolution.
Au sortir du déconfinement, Macron devra agir pour apaiser les esprits et redonner de l'élan au pays. Remettre en selle une réforme qui a causé la plus longue grève depuis cinquante ans, voire plus, serait un suicide politique. Si Macron maintenait sa réforme, il enverrait le signal d'un retour au "monde d'avant" et renierait la promesse de "changement personnel" qu'il a fait devant les caméras.
Le risque serait grand, en tout cas, de devoir gérer une sédition en même temps que la crise sanitaire.
Quand bien même il serait décidé à aller jusqu'au bout, il s'exposerait à un grand danger. Et si, exaspérés par tant de surdité, les Français profitaient du déconfinement pour descendre dans la rue et renverser le pouvoir en place ? Le risque serait grand, en tout cas, de devoir gérer une sédition en même temps que la crise sanitaire. Il faut bien y réfléchir.
De nombreux Français et de nombreux Françaises semblent réfuter le projet initial d'un régime universel par points. Constitue-t-il pourtant une mauvaise idée sur le plan économique ?
Économiquement, c'est le système le plus juste qui soit, sur le papier en tout cas, dans la mesure où il garantit une parfaite égalité de droits. C'est une sorte de service public de la retraite qui s'organise et qui se veut égalitaire. Il était doté d'un mécanisme de pilotage supposé ajuster les droits en cas de déficit. Il garantissait donc une pérennité politique.
Le problème est que Macron a voulu adapter ce système en réduisant les marges de liberté qu'il permettait. Alors que, dans un système par points, les assurés peuvent choisir leur âge de départ à la retraite, le système Macron instaurait une pénalité disproportionnée pour ceux qui partaient avant 63 ans, ce qui était absurde. Surtout, les erreurs commises durant la négociation ont obligé à lâcher beaucoup de lest.
Économiquement, le régime par point est le système le plus juste qui soit, sur le papier en tout cas, dans la mesure où il garantit une parfaite égalité de droits.
Le résultat a été parfaitement épinglé par le Conseil d'État : la réforme proposait d'établir cinq régimes différents, et non un seul, avec de forts avantages pour les fonctionnaires et quelques professions capables de négocier leur bout de gras.
Des concessions qui pénalisent le système ?
Au final, politiquement, le système est donc à la fois très centralisateur et très injuste. La clause du grand-père qui s'y ajoutait, revenait à faire financer le maintien des avantages acquis par les générations à venir qui, elles, n'auront pas les mêmes droits quand elles auront 65 ans. Bref, le système égalitaire dans son intention s'est transformé en système de privilège dans sa réalisation.
Quel serait selon-vous le scénario idéal pour les retraites au regard de la situation actuelle ?
Il faut impérativement éviter de mettre tous ses œufs dans le même panier ! Un assureur unique pour toutes les palettes de revenu, et par répartition, n'a pas beaucoup de sens et constitue une prise de risque économique. En cas de faillite, tout le monde sombre dans la misère. Le bon sens est de pratiquer la division du risque.
Introduire un étage de capitalisation et laisser les assurés choisir leur assureur.
D'abord en introduisant un étage de capitalisation au-delà d'un certain revenu. Cet étage peut d'ailleurs relever du plan collectif d'entreprise ou du choix individuel. On garderait donc une retraite par répartition pour tout le monde, et on introduirait un système supplémentaire de capitalisation pour les plus riches.
Ensuite, il faut, dans le cadre de la répartition, laisser les assurés choisir leur assureur. Sur ce point, la CNAV devrait subsister pour l'équivalent du SMIC. Au-delà, chacun devrait pouvoir choisir un assureur par répartition, comme cela existe pour la retraite complémentaire avec le système AGIRC-ARRCO. C'est cet émiettement du risque qui protège le mieux contre les faillites.