De nouvelles règles d’indemnisation entreront en vigueur en avril 2025 et impacteront durement les plus âgés.
"Un FN trop gentil n’intéresse personne", jugeait autrefois Jean-Marie Le Pen. Le Menhir avait, en effet, une vision assez précise de ce que devait être, selon lui, le Front. Et n’a jamais réussi à remporter l’Elysée. Dorénavant, informe RTL, sa fille a décidé de revoir considérablement la stratégie électorale qui a pu animer leur famille politique ces dernières années. "Le dégagisme, c’est terminé", reconnaît-elle en privé, d’après nos confrères. Plus question non plus de s’élever contre le système, qu’elle a si souvent critiqué au cours de la précédente campagne présidentielle. "Nous travaillons à faire émerger une nouvelle élite", affirme-t-elle. Ce que nos confrères n’hésitent pas à décrire comme un "virage à 180 degrés". Tant sur la forme que sur le fond.
Marine Le Pen "s’embourgeoise" : de quoi parle-t-on ?
Car Marine Le Pen espère désormais percer le plafond de verre qui l’a jadis empêchée d’accéder aux plus hautes fonctions de l’Etat. C’est pourquoi, insiste RTL, elle "s’embourgeoise". "Au sens où elle va chercher un électorat plus bourgeois, plus diplômé, de droite et c’est totalement assumé par son entourage", poursuivent les journalistes de la radio. Une stratégie payante ? Peut-être bien. A ceci près, estime Emmanuel Rivière, directeur général France chez Kantar Public, que la bourgeoisie n’est pas véritablement derrière elle.
"Je ne pense pas que le terme soit très parlant", juge le sondeur, non sans rappeler la diversité de la bourgeoisie français. "Il y a, au sein de la bourgeoisie, des catégories de population très hostiles à Marine Le Pen. A mon sens, il serait plus pertinent de parler d’honorabilisation, parce qu’au fond il s’agit moins d’une question de classe sociale que d’une question générationnelle", ajoute-t-il encore.
Une analyse que rejoint d’ailleurs le politologue Jean Petaux, directeur de la communication, des relations extérieures et institutionnelles à Sciences-Po Bordeaux. "Je ne retiens pas ce terme qui me semble beaucoup trop connoté, proche de notions soit idéologiques, soit économiques", assène-t-il d’abord. Avant de reconnaître que Marine Le Pen cherche effectivement à élargir son socle électoral. "Elle laboure et défriche des territoires qu’elle n’avait pas encore explorés. Cela couvre bien des réalités sociologiques et ne se limite évidemment pas à la bourgeoisie française", précise-t-il.
Marine Le Pen "s’embourgeoise" : de quoi percer le plafond de verre et remporter l’Elysée ?
Le phénomène, s’il ne devrait peut-être pas porter le nom d’"embourgeoisement" est bel et bien réel, insiste cependant Jean Petaux. "Marine Le Pen, a juste raison, cherche à élargir son électorat. Elle constate qu’elle ne saurait progresser en appliquant la même stratégie électorale et donc son incapacité, le cas échéant, à rassembler dans l’hypothèse d’une candidature la menant jusqu’au deuxième tour de l’élection présidentielle", analyse-t-il. "Somme toute, elle est consciente des limites de son précédent plan de bataille et a donc modifié son angle de tir pour amorcer une nouvelle trajectoire", poursuit-il, non sans souligner la "vraie logique politique" qui dicte cette attitude.
"Nous ne constatons pas d’évolution drastique de l’électorat de Marine Le Pen", observe pour sa part Emmanuel Rivière, qui se rapporte au dernier baromètre Kantar onepoint pour Le Figaro Magazine. "Les caractéristiques fondamentales de son électorat restent sensiblement les mêmes : elle garde une meilleure capacité de séduction chez les ouvriers, chez qui sa côte d’avenir grimpe à 31%, que chez les cadres où elle chute à 13%. Autre point crucial pour l’élargissement de tout électorat : les personnes âgées. Or, là encore, Marine Le Pen a beaucoup de chemin à faire : en moyenne, sa côte d’avenir culmine à 20%. Chez les + 65 ans, elle tombe à 16%. Pire, chez les +75 ans, elle n’excède pas 13%", poursuit le directeur général France chez Kantar Public. Et lui de rappeler que ces scores constituent un vrai contraste avec les éventuels modèles internationaux (Trump, Johnson…) que la président du Rassemblement national pourrait cultiver. "Ils pouvaient compter sur un soutien de l’électorat âgé et aisé", indique-t-il.
Marine Le Pen "s’embourgeoise" : de quel alignement des planètes aurait-elle besoin pour l’emporter ?
Pour autant, assurent nos deux experts, il n’est pas impossible que Marine Le Pen l’emporte en 2022. Cependant, un tel événement ne saurait s’expliquer par une seule stratégie électorale. "L’image de la famille Le Pen autant que celle du parti sera difficile à changer, d’autant plus que le passage de FN à RN n’a pas constitué une mue spectaculaire. Si elle espère crever le plafond de verre, il lui faudra compter sur le crédit et la légitimité que pourraient lui apporter des soutiens extérieurs, comme ce fut le cas pour Emmanuel Macron avec François Bayrou", indique Emmanuel Rivière. "C’est une question essentielle pour l’électorat légitimiste et conservateur et, je pense, ce sera là la clef de l’accession du RN à des fonctions plus prestigieuses que celles de maires", achève-t-il.
"Marine Le Pen peut l’emporter, mais cela ne sera pas le résultat de sa seule (et supposée) conquête de l’électorat de droite. Pour cela, il faut aussi que l’électorat de gauche ne vote plus contre elle et décide de s’extraire du jeu. Il faut qu’il n’y ait plus d’armée de secours. La rupture du plafond de verre ne pourra pas être mono-causale", analyse pour sa part Jean Petaux, qui évoque une "conjugaison des phénomènes", parmi lesquelles, "la récupération de l’électorat traditionnel de la droite, l’obtention de nouvelle part de marchés électorales en dehors des seuls outsiders, la dépression massive de la gauche".