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Planet : On entend peu parler des mères des politiques. Comment vous est venue l’idée d’écrire sur elles ?
Bernard Pascuito* : "Il y a environ deux ans, un livre est sorti sur les pères des politiques. C’était très intéressant et à la fois dur. Les relations entre les politiques et leurs pères sont souvent compliquées et parfois même violentes. Aussi, Olivier Biscaye et moi-même avons eu envie d’explorer celles qu’ils ont avec leurs mères pour trouver des histoires plus douces, dénuées de problèmes. Et l’on ne s’est pas trompé. Le rapport entre la mère et l’enfant est naturel tandis que celui avec le père se construit avec le temps. On apprend à aimer son père.
Planet : Certaines histoires que vous évoquez sont parfois tumultueuses…
Bernard Pascuito : C’est vrai, mais elles se terminent bien. Si l’on prend l’exemple de Marine Le Pen et sa mère, on peut constater qu’après ne s’être pas parlé pendant plusieurs années, elles sont aujourd’hui très proches. Pierrette occupe même une place centrale au sein du clan Le Pen. Quand elle s’est séparée de Jean-Marie, elle a coupé les ponts avec tout ce qui était lié à lui, leurs filles y compris. C’était bien évidemment une erreur mais à l’époque, elle ne s’en est pas rendu compte. Elle avait essayé plusieurs fois de quitter son mari mais à chaque fois elle n’y parvenait pas pour différentes raisons. Elle a donc pris une décision radicale qui a beaucoup fait souffrir ses filles et notamment Marine, alors adolescente. Au fil des ans, Pierrette Le Pen s’est enfermée dans un système de culpabilité qui l’a empêchée de revenir vers ses enfants. Elles se disaient qu’ils n’avaient pas besoin d’elle, qu’ils avaient appris à mener leur existence sans elle et qu’en revenant elle risquait de ficher la pagaille. Le déclic a finalement eu lieu après une interview dans Paris Match et l’intervention de sa fille aînée. Et contre toute attente, Pierrette Le Pen a eu droit à une véritable rédemption. Son retour a même été accepté par Jean-Marie Le Pen. Aujourd’hui, la retraitée vit au domaine de Montretout, en région parisienne, et joue un rôle de pacificateur. C’est elle qui gère la vie sociale et affective de la famille. Pour les deux ans d’Olympe, la fille de Marion Maréchal-Le Pen, Pierrette a ainsi pris soin d’organiser deux fêtes afin que la présidente du Front National et son père ne se croisent pas.
Planet : Quelles sont les histoires qui vous ont le plus touché ?
Bernard Pascuito : Certains sont effectivement magnifiques. Je pense notamment à celle de Bruno Le Maire et de sa mère, Viviane. C’est une femme de 70 ans, de droite et très catholique qui porte un regard très intelligent sur sa famille. Il y a trois ans, Bruno Le Maire a dit dans la presse qu’il avait toujours eu des relations très difficiles avec son père, allant même jusqu’à raconter qu’il avait eu ‘une enfance sordide’ et que son père ne l’aimait pas Aussitôt, sa mère et ses frères et sœurs s’étaient élevés pour dire que c’était faux. Mais cela n’a pas empêché le politique de continuer. Aujourd’hui encore, il continue de fantasmer ses relations avec son père. Quand je l’ai rencontré dans le cadre de l’écriture du livre, il m’a ainsi redit que son père ne l’avait jamais compris. Sa mère, quant à elle, m’a confié que son mari était certes taciturne, mais qu’il l’était avec tout le monde et pas spécialement avec leur fils. Elle a aussi eu ses mots très touchants : ‘Je pense que mon mari était impressionné par son fils’. Il n’était bien évidemment pas question de jalousie mais d’une forme de fierté mal exprimée. Cette analyse illustre selon moi toute la relation de Viviane et Bruno Le Maire : cette femme pleine de bon sens a aidé son fils à avoir confiance en lui, lui apportant ainsi ce qu’il ne parvenait pas à trouver auprès de son père.
Une autre histoire m’a particulièrement touché : celle d’Aurélie Filippetti et sa mère, Odette. Le père de l’ex-ministre était mineur et délégué syndical. Il a aussi été maire du petit village qu’ils habitaient et avait une forte personnalité. Lors de sa mort, Aurélie Filippetti avait 10 ans et a vécu ce drame comme un séisme. En parallèle, sa mère qui jusqu’alors était toujours restée en retrait de son mari, a enfin pu prendre plus de place dans leur famille. Sa fille a ainsi découvert son vrai visage et même commencer à la comprendre. Mais cela ne s’est pas fait tout de suite. Toutes les deux ont d’abord fait ‘chagrin à part’, chacune ayant peur de gêner l’autre, avant de se réunir. Aujourd’hui Odette et Aurélie sont très proches, et la grand-mère est même très présente pour ses petits-enfants. La fille ainée de l’ex-ministre vient par exemple souvent chez elle pour travailler ses cours.
Planet : Emmanuel Macron était très jeune quand il a rencontré Brigitte, son épouse. Comment sa mère a-t-elle réagi ?
Bernard Pascuito : Contrairement à ce que le candidat d’En Marche ! a pu raconter, il ne vient pas d’un milieu populaire : ses parents étaient tous les deux médecins à Amiens. Son père est cardiologue et sa mère pédiatre. C’étaient des gens très occupés qui n’ont sans doute pas mis leur famille au premier plan, y compris quand leurs enfants étaient petits. A cinq ans, Emmanuel Macron a ainsi réuni ses parents pour leur annoncer qu’il souhaitait aller vivre chez sa grand-mère car il passait déjà beaucoup de temps chez elle et s’en sentait très proche. Une demande à laquelle les Macron n’ont pas accédée mais qui illustre bien les relations qu’ils avaient avec leur fils et de la liberté qu’ils lui ont manifestement laissée dès tout petit.
Quand ils ont appris qu’il était tombé amoureux d’une des professeures de son lycée, mariée et mère de famille, ils ne l’ont pas chassé comme on peut le lire parfois. Certes, ils l’ont éloigné d’Amiens mais c’était avant tout parce qu’il était mineur et qu’ils voulaient éviter le scandale. D’ailleurs, Brigitte était d’accord avec eux. Aujourd’hui, on sait très peu de choses sur les relations de l’ancien ministre avec ses parents. Il ne souhaite pas en parler. Toutefois, on sait que sa grand-mère occupe une place toute particulière dans son cœur. Lors de son mariage, elle faisait d’ailleurs office de ‘star américaine’ tandis que sa mère était en retrait".
*Bernard Pascuito est co-auteur de Les politiques aussi ont une mère (éd. Albin Michel)