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D'habitude plutôt discret sur les coulisses du pouvoirs, François Baroin, ministre du Budget puis de l'Economie entre 2010 et 2012 décide de parler. Il révèle de nombreux secrets dans son livre Journal de crise, où il raconte ses trois années à Bercy... Extraits.

© AFPFrançois Baroin n'est pas connu pour raconter ce qui se passe dans les réunions ou les couloirs des ministères et des sommets internationaux... Et pourtant, celui qui a occupé successivement les postes de ministre du Budget et du ministre de l'Economie entre 2010 et 2012, publie Journal de crise, aux Editions Lattès, où il dévoile les coulisses du pouvoir... et va même jusqu'à révéler un véritable secret d'Etat.

21 septembre 2011, Obama n'est pas content
"New York. Siège des Nations unies. Sarkozy prononce un discours fondateur sur la situation au Proche-Orient. Il y annonce sa position en faveur d'un Etat palestinien. Obama se dresse à l'entrée de la salle. Grand, souriant, la main tendue, la tape dans le dos. Accueil chaleureux, convivial. Il y a là Hillary Cliton, mon homologue Tim Geithner, brillant et efficace.

Juppé embrasse Clinton. Photo de famille. Les journalistes s'en vont. Tout le monde s'installe. Obama s'assure qu'il n'y a personne d'autre que nous. Son visage se ferme. Il regarde Sarkozy et prend la parole. 'Ecoute, Nicolas, entre amis on se dit les choses. Alors je vais te dire. Tu aurais dû me prévenir pour ton discours. Je viens d'en prendre connaissance. Cela nous met en difficulté.'

Sarkozy l'interrompt : 'Ecoute, Barack, si je t'avais prévenu, tu m'aurais mis une grosse pression. Je voulais prononcer ce discours, je l'ai fait. Je suis désolée de ne pas t'avoir prévenu, mais j'avais des raisons.' Obama ne cille pas. Son regard plonge dans celui du président français : 'Ecoute Nicolas, tu vois, moi, j'ai le prix Nobel de la paix, et pourtant je n'ai pas encore fait la paix. Toi, tu n'as pas encore fait la paix et tu n'as pas le prix Nobel. J'ai de l'avance. Entre amis, on se dit tout, il faut se parler'."

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Novembre 2011, "Black Swan"
"Je ne prendrai aucune note sur le sujet. Délibérément. Je le restitue de mémoire. 'Black Swan', c'est le nom que j'ai choisi de donner à une réunion dont il n'y a aucune trace, et que j'évoque ici pour la première fois. Le 'cygne noir', voilà l'image qui m'est venue à l'esprit. Il s'agissait d'imaginer l'hypothèse la plus sombre de notre histoire économique moderne [...]

Je réunis autour de moi trois personnes de confiance. Discrétion obligatoire. Ils ne devront en parler à personne, ni à la presse, évidemment, ni même à leur entourage. Le rendez-vous a lieu dans mon bureau, au sixième étage à Bercy. C'est une discussion sans documents. Pas de traces. Chacun sait que l'objet seul de la réunion, s'il était connu, pourrait avoir des conséquences désastreuses.

Ce rendez-vous non officiel ne porte pourtant que sur des hypothèses de travail. Ce serait de l'inconscience de ne pas les envisager. Et de la folie d'en parler. A ce moment-là, le nouvel accord européen sur la Grèce, consistant à effacer 50% de sa dette, est près d'échouer, l'Union européenne est dans un cyclone, l'euro, attaqué de toutes parts [...]

Le pire ? La sortie de la Grèce de l'euro, un effet de contamination, une théorie des dominos qui entraînerait l'éclatement de la zone et de facto la sortie de la France. Un scénario cauchemar. Je demande à ces personnes de confiance de travailler sur deux hypothèses : le coût de la sortie de la Grèce de la zone euro pour la France et deux types de pertes : celles du secteur banques-assurances d'une part, et celles de l'éclatement de la zone tout entière d'autre part."

13 janvier 2012, la perte du triple A
"10h30. Je suis à Bercy, Ramon Fernandez, le directeur du Trésor, m'envoie une SMS : 'Rappelez-moi de toute urgence'. Ce soir, à 22h30, l'agence de notation Standard & Poor's annoncera qu'elle abaisse d'un cran la note attribuée aux titres souverains de neufs pays de la zone euro, dont la France [...]

Je convaincs Xavier Musca de rompre l'embargo et de devancer le communiqué de l'agence, en annonçant moi-même la nouvelle au journal de 20 heures de France 2. J'ai vu Sarkozy en fin de journée pour adopter avec lui une stratégie de communication. On cale, comme on dit, les éléments de langage : la solidité de la France, son passé et je fais modifier ce qu'avait préparé son cabinet.

On ne parle pas de dégradation qui traduit mal le mot 'downgrade', mais d'abaissement de note. En rentrant dans la voiture, je songe à cette formule : 'La perte du triple A, c'est un élève qui a eu 20 toute sa vie et qui vient d'avoir 19. C'est moins bien mais ce n'est pas une catastrophe'. Pour expliquer et rassurer.

En arrivant à France 2, je n'écoute pas ce que disent mes conseillers, je suis dans ma bulle, concentré. [...] Après le journal, le président m'appelle dans la seconde pour me féliciter : 'Je suis fier de toi'."

Journal de crise, de François Baroin, Edition JC Lattès, 220 pages, 18 euros.

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