Face à la montée des cyberattaques, le FBI et la CISA recommandent d’arrêter d’envoyer des SMS entre utilisateurs d'iPhone et d'Android. Un conseil qui ne vise pas seulement les Américains mais tous les...
C’est sans doute le couple le plus observé de la Ve République. Emmanuel Macron et Édouard Philippe incarnent à eux deux l’exécutif français depuis maintenant deux ans et demi. Dès son arrivée à l’Élysée, le président de la République a accordé sa confiance au Premier ministre issu de la droite et n’a eu de cesse de la renouveler. Ensemble, ils ont traversé une première crise lors du mouvement des Gilets jaunes, qui a durement impacté leur image pendant plusieurs mois. Une nouvelle fois, c’est ensemble – ou presque – qu’ils essaient tant bien que mal de désamorcer la crise de la réforme des retraites. À ce sujet, Emmanuel Macron était attendu au tournant mardi 31 décembre lors de ses vœux aux Français. Une allocution scrutée, disséquée, commentée par l’ensemble de la classe politique et les opposants à la réforme des retraites. S’il a voulu jouer l’apaisement, le président n’a pas hésité à se montrer particulièrement dur avec le Premier ministre.
Macron-Philippe : le président fait monter la pression
Durant les 18 minutes de son discours, le chef de l’État a longuement évoqué la réforme et les différentes étapes qui allaient venir, mais en a aussi profité pour faire passer un message au Premier ministre. Alors qu’il s’est refusé à évoquer la grève entamée le 5 décembre, Emmanuel Macron a tout de même assuré que la réforme des retraites serait "menée à son terme". Par qui ? Selon le président, par le gouvernement : "J’entends sur ce sujet si important, qui tient au cœur même de l’identité française, les peurs, les angoisses qui se font jour (…) C’est pourquoi, pour vous, avec les organisations syndicales et patronales qui le veulent, j’attends du gouvernement d’Édouard Philippe qu’il trouve la voie d’un compromis rapide dans le respect des principes [équité, universalité et responsabilité, NDLR] que je viens de rappeler".
Cette petite phrase n’est pas passée inaperçue alors que, jusqu’à présent, Emmanuel Macron et Édouard Philippe semblaient faire front ensemble. Y aurait-il de l’eau dans le gaz entre le chef de l’État et le Premier ministre ? La tradition de la Ve République veut que l’exécutif soit bicéphale et que la relation entre les deux hommes ne soit pas complètement définie. Comme l’explique le Conseil constitutionnel, "le centre de gravité du pouvoir n’est pas fixé, une fois et pour toujours, par le texte constitutionnel : il est fonction de la conjoncture politique et de la pratique". Selon la Constitution, le gouvernement n’est pas responsable devant le président de la République. S'il peut solliciter sa démission, le président ne peut pas révoquer le locataire de Matignon. Pourtant, par cette injonction à son gouvernement, Emmanuel Macron semble avoir fait un pas de côté et laissé au Premier ministre – et ses ministres – la responsabilité de la réforme. Édouard Philippe serait-il devenu le fusible d’Emmanuel Macron ?
Macron-Philippe : le Premier ministre est-il le fusible du président ?
Le gouvernement l’a assuré à plusieurs reprises : pas question de reculer sur la réforme des retraites. S’il s’est montré enclin à quelques concessions, pas question pour autant de reculer sur certains points. Alors que des députés de la majorité ont écrit une tribune pour demander la suppression de l’âge pivot, Édouard Philippe et Emmanuel Macron restent droits dans leurs bottes. Pourtant, lors de ses vœux, le président n’a pas hésité à placer la responsabilité de la réforme des retraites sur les seules épaules de son Premier ministre. En évoquant un "compromis rapide", Emmanuel Macron rebat les cartes de la réforme, insinuant qu’elle ne peut pas rester en l’état et que la stratégie du pourrissement – adoptée jusqu’à présent – doit cesser. Charge donc au Premier ministre de trouver des accords avec les syndicats, quitte à renier le travail fourni jusqu’à présent. Si la crise n’est pas désamorcée, le coupable est tout trouvé.
Ce revirement soudain n’est pas inhabituel car, tout au long de la Ve République, les relations entre président et Premier ministre ont parfois été tendues. Sans parler des périodes de cohabitation, des hommes politiques du même bord ont pu s'affronter d'une manière à peine dissimulée alors qu’ils se trouvaient à la tête de l’État. Parfois, le Premier ministre est celui qui saute pour que la crise n’atteigne pas le président : il est alors un fusible. En mars 2014, Jean-Marc Ayrault a présenté sa démission à François Hollande après le deuxième tour des municipales catastrophique pour le Parti socialiste. Afin que le recul de la gauche n’entache pas la figure du président, le Premier ministre avait choisi – peut-être contraint et forcé – d’en prendre la responsabilité et de quitter Matignon. Quelques années auparavant, lors du quinquennat de Jacques Chirac, Jean-Pierre Raffarin avait, lui aussi, fait figure de fusible. En mai 2005, alors que les Français venaient de répondre "non" au référendum sur le projet de constitution européenne, le Premier ministre avait immédiatement donné sa démission au Président.
S’ils ont affirmé que ce type de relation entre un président et son Premier ministre appartenait au passé, Emmanuel Macron et Édouard Philippe ne sont-ils pas en train de rejouer le tableau ? Désormais, l’objectif du chef de l’État est bien de se protéger.
Macron-Philippe : le président cherche à se protéger
Le gouvernement mène une réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron. En plaçant la responsabilité de sa réussite sur les épaules d’Édouard Philippe, le président ne se désolidarise pas du projet, mais se protège de ses éventuelles conséquences. Le chef de l’État est sorti affaibli de la crise des Gilets jaunes après avoir, pour la première fois, reculé sur certaines des réformes qu’il entendait mener. Lors de cette première crise sociale, ce n’est pas la figure du président qui était visée mais bien Emmanuel Macron, qui cristallisait la colère de nombreux Français. Cette deuxième crise a pour origine une colère développée autour d’une réforme, ce qui permet au chef de l’État de placer Édouard Philippe en première ligne, puisqu’il est le chef du gouvernement.
Depuis le début, c’est bien le Premier ministre qui mène les concertations avec les partenaires sociaux. C’est lui aussi qui a présenté les grandes lignes de la réforme au mois de décembre. Il semble donc logique que ce soit une nouvelle fois à lui de trouver un accord pour sortir de la crise. Si Édouard Philippe n’a aucun avantage à le faire, il permet à Emmanuel Macron de se protéger. Si échec des négociations il y a, ce dernier pourra être imputé à Édouard Philippe puisque c’était à lui de trouver un "compromis rapide". Si les concertations aboutissent mais que la réforme reste impopulaire, alors Emmanuel Macron pourra également s’en défausser, rappelant que c’est bien Édouard Philippe qui a mené les négociations.
Dans tous les cas de figure, en prenant du recul sur la question, Emmanuel Macron a dressé des barrières entre la réforme et lui. L’échec des négociations et l’aggravation de la crise pourraient lui donner une solution ultime pour s’en sortir : un remaniement.
Macron-Philippe : bientôt un remaniement au sommet de l’État ?
En cas de réforme impopulaire ou d’échec à un scrutin, le président peut "se sauver" en sacrifiant son Premier ministre. Comme l’ont fait François Mitterrand, Jacques Chirac ou encore François Hollande avant lui, Emmanuel Macron sait que la démission du Premier ministre est une solution envisageable. Si le conflit s’enlise, si aucun compromis n’est trouvé, alors le chef de l’État pourrait demander la démission du gouvernement, qui donnerait lieu à un remaniement de grande ampleur.
Depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron, le gouvernement d’Édouard Philippe a été remanié huit fois, mais toujours avec le Premier ministre à la barre. S’il a pu rester serein ces derniers mois, Édouard Philippe sait que rien n’est jamais éternel à Matignon. Il pourrait donc mener les négociations tambour battant, dans l’espoir de conserver sa fonction ou, comme Jacques Chirac en 1976, claquer la porte de Matignon avant qu’on lui montre la sortie.