Bruno Rejony avait 52 ans et était cheminot à la SNCF. Le soir du 24 décembre, il s'est suicidé en se jetant du TGV qu'il conduisait, créant une immense pagaille sur le réseau et privant des milliers de...
"Il faut être lucide, nous n’avons pas réussi l’enracinement territorial que nous aurions aimé", concède Christophe Castaner, invité par Le Figaro pour l’émission appelée Le Talk. Devant nos confrères, il n’hésite pas à dire combien le parti présidentiel peine à sortir la tête de l’eau ces derniers mois… Mais n’y voit pas nécessairement pas un grand danger pour la formation. Ou pour l’homme à qui elle doit tout. "Ce mouvement est jeune", rappelle en effet l’ex-délégué général de La République en Marche, un parti qui, il en est sûr, pourra accompagner "le candidat progressiste, peut-être Emmanuel Macron, vers la présidentielle".
Pour autant, nul projet politique ne peut éclore sans un peu de stratégie. Heureusement, d’après l’ancien ministre de l’Intérieur, la marche à suivre est assez évidente : il est essentiel de renverser la table une seconde fois, ainsi que le chef de l’Etat l’avait fait en 2017. "Il faut poursuivre le dépassement politique et élargir plus encore", affirme sans ambages le transfuge du Parti socialiste qui dit avoir rejoint le président de la République "pour trouver une forme de liberté dont notre pays a besoin" et à laquelle il n’avait pas droit avant de se défaire de ses carcans. "Nous avons fait l’élargissement dès le début", insiste-t-il encore.
Emmanuel Macron peut-il reproduire la même stratégie en "mieux" et l’emporter de nouveau ?
Emmanuel Macron peut-il poursuivre la dynamique engagée en 2017 ? S’il y parvenait, en tout cas, cela pourrait s’avérer profitable. "Si le président parvient à rallier quelques-uns des grands noms restants du Parti socialiste ou des Républicains, il pourrait essayer de cimenter sa position de seul candidat légitime, pour tuer dans l'œuf les alternatives. Le cas échéant, il ne se reposerait pas sur un programme de rupture - après tout, en cinq ans les électeurs ont largement eu le temps de l’identifier - mais bien sur sa capacité à priver l’électorat légitimiste de tout candidat alternatif", observe Christophe Bouillaud, chercheur en sciences politiques qui enseigne à l’IEP (Institut d’Etudes Politiques, Sciences-Po) de Grenoble.
"Cependant, pour y parvenir, il lui faudrait encore rallier de gros poissons, comme Olivier Faure ou Laurent Wauquiez… Ce qui relève de la politique fiction", souligne-t-il encore. Difficile donc, pour Emmanuel Macron de reproduire son précédent exploit ? Les forces politiques qui s’opposent encore à son ascension demeurent très fracturées, note pourtant l’ancien ministre...
Emmanuel Macron peut-il pousser plus loin le "dépassement politique" ?
"On voit que la gauche est très éclatée aujourd’hui et qu’elle a un énorme problème de leadership", croit savoir Christophe Castaner , qui distribue des bons et - surtout ! - des mauvais points aux adversaires politiques de la majorité. En effet, pour le député de La République en Marche, l’avance de Xavier Bertrand ne s’explique pas par son succès ou son impact politique. Au contraire… "C’est parce qu’il est le seul des candidats de droite déclaré", balaye-t-il simplement.
Ces critiques finalement formulées, une question demeure : La République en Marche est-elle seulement en mesure de reproduire le miracle de 2017 ? Un "dépassement politique", ainsi qu’appelé de ses vœux par Christophe Castaner, est-il encore possible ? "Très franchement, non. Je ne crois pas", tranche d’entrée de jeu le politologue Christophe Bouillaud, dont le sentiment s'étaye des multiples défaites de LREM aux élections intermédiaires.
"Le parti a de très grandes difficultés à attirer des figures politiques de valeurs. Au contraire, on est bien davantage dans une période de rejet, en témoigne le nombre de départs du mouvement. Il n’y aura probablement plus de ralliement de personnalité à ce stade ; d’autant qu’Emmanuel Macron a déjà fait le tour de tous ceux et toutes celles qu’il était en mesure de débaucher. Le vivier est à sec", observe encore le chercheur en sciences politiques, pour qui la situation pourrait cependant changer en cas de victoire à la présidentielle. Et ce, dès le premier tour.
"En l’état actuel des choses, La République en Marche n’attire guère que les arrivistes… Qui ont sans doute compris que l’on ne faisait pas carrière au sein du parti pour le moment. Cependant, rien n’empêche de transformer la structure en un axe porteur d’une coalition plus large, regroupant les autres groupes (Territoire de Progrès, Agir, MoDem, etc) de la majorité. La marque devrait alors disparaître", note encore Christophe Bouillaud, qui souligne que cela ne reviendrait pas élargir idéologiquement la majorité. Loin s’en faut…
La République en Marche et le problème des dogmes en politique
S’il a préféré quitter l’opposition pour rejoindre Emmanuel Macron, c’est parce qu’il se languissait d’une souplesse et d’une agilité impossible à assouvir au PS, explique Christophe Castaner. Une critique qu’il étend sans hésiter à la droite de gouvernement, mais aussi à toutes les autres formations politiques qui n’ont pas gagné les rangs du président. Il leur reproche en effet "d’imposer une doctrine, un dogme, de passer plus de temps à se regarder le nombril qu’à faire des propositions pour l’avenir".
Une critique stupide et malhonnête, assène Christophe Bouillaud, mais qui n’a rien d’anodin. "Elle traduit bien combien La République en Marche cherche à tout dépolitiser. C’est une façon de relancer le procès en idéologie, dressé contre les oppositions qui défendent toutes des groupes sociaux assez identifiés , tout en se plaçant comme les 'pragmatiques’ de l’équation. Chaque parti politique amène sur la table sa grille de lecture, qui co-existent toutes du fait des rapports de force constitutifs de la société. Si La France Insoumise défend le droit des salariés tandis que Les Républicains portent les couleurs de certains libéraux à tendance socialement conservatrice, c’est parce que cela correspond à des intérêts spécifiques", rappelle sans ambages le politologue, pour qui LREM a aussi une ligne politique. Quoi qu’en dise son ancien ministre de l’Intérieur. "Seulement, La République en Marche sait qu’elle est globalement minoritaire dans l’opinion : les intérêts qu’elle défend le sont. Il faut donc habiller son action, en cacher le fil conducteur", poursuit-il.
Il détaille ensuite son propos : "La majorité présidentielle prétend ménager la chèvre et le chou ; comme lorsqu’elle prétend faire de la flexi-sécurité ou quand elle dit valoriser l’économie comme l’écologie. S’ils mentent sur ces questions, c’est parce que la ligne affichée ne correspond pas véritablement à ce qu’ils font…" Rien de bien étonnant, insiste-t-il, quand on sait d’où vient le parti. "L’essentiel des cadres de La République en Marche sont issus du secteur privé, où ils ont notamment exercé des missions commerciales. Leur culture professionnelle influe donc sur leur façon de faire : là-bas, on a le droit d’avancer en crabe", précise-t-il.
Et de conclure, d’un mot : "A certains égards, LREM n’est pas sans rappeler un spot publicitaire pour de l’anti-ride miraculeux. C’est tout à fait légal de le vendre comme ça, mais ça ne le rend pas plus vrai!"