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El Niño est de retour. Le 4 juillet 2023, l'Organisation des Nations Unies (ONU) a annoncé le début d'un nouvel épisode de ce phénomène météorologique. Cette déclaration confirme la première alerte de l'Organisation Météorologique Mondiale (OMM). "Pour la première fois depuis sept ans, le phénomène El Niño s’est installé dans le Pacifique tropical, ouvrant la voie à une probable hausse des températures mondiales et à des perturbations des conditions météorologiques et climatiques", peut-on alors lire dans un communiqué de presse de l'institution.
Mais en quoi consiste réellement le phénomène El Niño ? Pourquoi les météorologues craignent-ils son retour ? Plus encore, à quel point peut-il influencer la hausse des températures au niveau mondial ? Patrick Marlière, météorologue et directeur d'Agate Météo, et Guillaume Jauseau, météorologue en charge du pôle scientifique de Météo&Radar, nous éclairent.
El Niño : un phénomène naturel
"El Niño, c’est l’enfant Jésus", nous explique Patrick Marlière. En effet, originaire d'Amérique latine, ce phénomène apparaît généralement au moment des fêtes de fin d'année. Il se déclare sur la côte ouest de l'Amérique du Sud. Si les organisations mondiales ont informé de sa présence, cette situation météorologique n'en reste pas moins totalement normale.
"El Ni ñ o est un phénomène totalement naturel qui intervient de manière périodique environ tous les trois à sept ans", précise Guillaume Jauseau. Mais comment se forme-t-il ? "Il se caractérise par une sorte de poche d’eau chaude au niveau des eaux de surface de la ceinture équatoriale qui se trouve dans le Pacifique", poursuit-il. Les eaux chaudes vont alors bouleverser les alizés, vents qui traversent le Pacifique. Or, ces derniers sont responsables du transport de la chaleur de la région tropicale vers des régions plus froides. Pendant un épisode El Ni ño, "la chaleur accumulée dans l’est de l’Océan Pacifique va perturber ces alizés. Ils vont alors s’affaiblir ou leur vent va s’inverser", conclut Guillaume Jauseau.
Le phénomène provoque alors un déséquilibre dans la circulation des précipitations. Des périodes de sécheresse ou d'inondations pourraient se déclarer. Certains semblent craindre un épisode plus important cette année. Pour quelles raisons ?
Une intensité plus importante qu'en 2023 ?
"On sait qu’il est assez important cette année, parce qu’il s’est enclenché plutôt rapidement sur l’Indonésie. Lorsqu’il va arriver, il va influencer le temps de ces trois à quatre prochaines années en étant responsable d’un réchauffement climatique encore plus marqué", annonce Patrick Marlière. En effet, le phénomène entraîne une modification des schémas de circulation atmosphérique. Cela s'explique par l'importance des océans dans le fonctionnement du climat.
"Cela peut entraîner malheureusement une augmentation de la température moyenne à l’échelle globale", précise Guillaume Jauseau. "C’est ce qui nous pend un peu au nez cette année en plus du changement climatique qui induit déjà un réchauffement des eaux en ce moment même", ajoute-t-il. Son intensité pourrait donc être plus marquante et provoquer des dégâts de grande ampleur. Les prévisions des météorologues indiquent même un réchauffement supérieur à la moyenne.
Vers un Super El Ni ñ o pour 2024
"Il y a plusieurs facteurs qui vont nous permettre de reconnaître le phénomène", nous informe Guillaume Jauseau lorsqu'on évoque avec lui l'intensité à laquelle pourrait apparaître ce phénomène. Un affaiblissement des alizés est alors un bon indicateur. "Déjà au mois de juin, on commence à observer une anomalie de température au niveau de la ceinture équatoriale du Pacifique, mais on ne peut pas déterminer exactement quand elle se produira ni à quelle ampleur", précise-t-il alors.
Néanmoins, plusieurs modélisations commencent à entrevoir un Super El Niño. "C’est ce qui s’était passé en 2015 et 2016. Cela avait d’ailleurs entraîné des chaleurs records au niveau planétaire", informe Guillaume Jauseau. En effet, "l’anomalie de température des eaux de surface était grimpée jusqu’à 2,5°C à cette époque-là", poursuit-il. Selon lui, les autres prévisions pour l'épisode 2023 indiquent qu'elle devrait tout de même rester comprise entre +1 et +1,5°C. "Mais une nouvelle fois, il y a plusieurs modèles qui voient une anomalie de température largement dépasser les 2°C", conclut l'expert. Mais quelles autres conséquences pourraient provoquer ce phénomène ? Risque-t-il d'apparaître plus fréquemment ?
Des conséquences sur le long terme
"Il y a un risque que 2024 soit l’année la plus chaude, mais cela va dépendre de l’intensité de ce phénomène. Néanmoins avec le changement climatique, on craint que les années 2023 à 2024 soient les plus chaudes jamais enregistrées", annonce Guillaume Jauseau. Si cela est avéré, d'autres conséquences vont apparaître.
Si la France ne sera pas impactée directement, d'autres pays en feront les frais. "Il y a plusieurs études qui ont fait le lien entre des épidémies de choléra et El Niño car ce sont des pays qui sont peu développés. Ils n'ont donc pas forcément la capacité de répondre à des évènements aussi extrêmes comme des inondations, des périodes de sécheresse", informe le météorologue. Plus encore, l'agriculture et le secteur de l'alimentation risquent d'être touchés. Mais El Niño risque-t-il d'arriver plus fréquemment ?
"Il y a plusieurs études qui pointent du doigt des évènements El Niño intenses plus fréquents, mais on a encore beaucoup de mal à comprendre exactement son apparition, son fonctionnement", indique-t-il. Les météorologues redoutent qu’avec un réchauffement des eaux plus intense, le phénomène induira lui aussi des conséquences plus difficiles. Quelles sont les précautions à prendre ?
Des mesures jugées insuffisantes
"Pour le changement climatique et le rôle d’El Ni ñ o, le plus important est de prendre des mesures dans les pays les plus vulnérables", déclare Guillaume Jauseau. Avant de poursuivre : "Les décisions restent politiques mais on attend, dans le monde des météorologues, des décisions fermes et rapides pour limiter les émissions de gaz à effet de serre".
Selon les experts, les mesures individuelles prises par les États ne suffisent pas. "Chaque geste est important mais ce n’est pas à la hauteur de l’enjeu qui nous attend", nous informe-t-il lorsque nous l'interrogeons sur le plan sécheresse lancé par le gouvernement français. "Il faudrait une action mondiale au même moment pour une réduction rapide et efficace des émissions de gaz donc c’est une bonne nouvelle mais ce n’est pas suffisant", conclut-il.