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Philippe Crevel est économiste. Il dirige le Cercle de l’Epargne ainsi que la société d’études et de conseils en stratégies économiques Lorello Ecodata.
Planet : En 2017, le candidat Macron s'engageait à supprimer la taxe d'habitation pour 80% des contribuables. Une fois élu président, il a changé d’avis à la marge et a décidé de la supprimer pour l’intégralité des Françaises et des Français, ce qu’il a commencé à faire progressivement à partir de 2018. Pour autant, la disparition d'un impôt ne constitue pas un acte neutre, sur le plan fiscal. Au profit de qui et au détriment de qui se fait cette suppression ?
Philippe Crevel : La taxe d’habitation, jusqu’à sa suppression progressive, était payée par l’intégralité des occupants d’un logement. Puis, en 2018, Emmanuel Macron a amorcé sa suppression, qui s’est initialement soldée par une exonération pour les ménages à revenus modestes. Par la suite, au fur et à mesure que s’est déroulé le processus, ce sont les classes moyennes qui y ont eu droit et ont donc, de facto, profité du dispositif. A compter de 2023, tous les contribuables devraient normalement y avoir droit.
Dans les faits, il est vrai de dire que tous les contribuables n’en profitent pas autant. Le montant de la taxe d’habitation ne dépend pas du revenu et, dès lors, l’impôt n’est pas proportionnel. Il est souvent plus élevé dans les grandes villes, quoique ce ne soit pas systématique. La taille du logement et la valeur cadastrale jouent évidemment un rôle. Par conséquent, il faut bien reconnaître que cette suppression bénéficie davantage aux urbains et aux populations aisées plutôt qu’aux ménages les plus fragiles.
La suppression de la taxe d'habitation profite-t-elle aux plus aisés ?
Du reste, la suppression de la taxe d’habitation se fait évidemment au détriment des collectivités territoriales et des communes qui en étaient bénéficiaires. Elles ont depuis perçu une compensation, estimée sur la base de critères objectifs (comme le nombre d’habitant) et dont le montant a été calculé entre 2018 et 2019. Ceci étant dit, elles y troquent mécaniquement leur autonomie financière contre un système de dotation, ce qui impliquera mécaniquement un manque à gagner potentiel à l’avenir.
Fondamentalement parlant, les collectivités ont perdu plus que de l’argent : elles ont perdu un instrument fiscal.
Taxe d'habitation : et si c'était les propriétaires qui la payaient aujourd'hui ?
Planet: Les collectivités locales, qui étaient les principales bénéficiaires de la taxe d’habitation perdent donc une source de financement. Des années après le début de la procédure, a-t-on vu un report sur la taxe foncière ? Cela signifie-t-il qu’il revient aux seuls propriétaires de soutenir la taxe d’habitation ?
Philippe Crevel : La tentation est très forte, du côté des collectivités territoriales et des communes anciennement bénéficiaires de la taxe d’habitation, de faire peser cette suppression sur la taxe foncière et les autres impôts qu’elles peuvent moduler. Ce sont, en effet, les instruments fiscaux qu’il leur reste.
La taxe foncière, qui repose sur les propriétaires, pèse théoriquement sur 57% des Françaises et des Français. Statistiquement, ils composent une catégorie de la population plutôt aisée, ou appartenant au haut de la classe moyenne. Ce sont ces gens là qui redoutent la hausse de la taxe foncière, quand bien même cette dernière sera probablement intégrée au loyer. Bien entendu, le report de la taxe d’habitation sur la taxe foncière pèse avant tout sur les propriétaires, mais toutes celles et tous ceux qui peuvent louer leur bien la font aussi peser sur leurs locataires.
Même supprimée, la taxe d'habitation demeure
Planet : Peut-on vraiment parler d'une baisse des impôts imputable à Emmanuel Macron dans ce cas de figure ?
Philippe Crevel : C’est là toute la question. Il ne faut pas perdre de vue que c’est un jeu de passe-passe. La taxe d’habitation a été supprimée, mais ça ne veut pas dire qu’elle n’existe plus. La taxe d’habitation demeure… elle est simplement payée par l’Etat. Concrètement, cela signifie donc que l’administration a transféré une charge locale au contribuable national. Il n’y a pas vraiment eu de baisse d’impôts… Il est simplement payé différemment.
La taxe d’habitation, rappelons-le, est un impôt très impopulaire, archaïque. Cela fait des années que les politiques essaient de la réformer. Cela devait déjà être fait en 1992 où il était question d’en faire un impôt sur le revenu bis, mais face à la contestation l’exécutif a fini par reculer. La suppression de cet impôt c’est la fin d’un cycle, et d’une taxe assez injuste.