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Nous avons tous des petites manies irrationnelles pour nous porter bonheur ou au contraire éviter une malchance. Nous avons demandé à Emmanuèle Gardair, enseignante en psychologie sociale, de nous expliquer ces rituels.

Un miroir brisé ? Sept ans de malheur. La prochaine voiture qui passe est blanche ? Je réussirai mes examens. Nous avons tous déjà eu recours à ce genre de rituels où l’on cherche des signes de chance ou de malchance autour de nous.

Les superstitions peuvent se manifester sous des formes très variées : petits rituels, objets porte-bonheur, expression à ne pas dire, action à éviter. Mais pour Emmanuèle Gardair, maître de conférences en psychologie sociale à l’Université de Reims, "ce n’est pas le contenu mais la fonction qui est importante dans les superstitions".

En effet, le rôle premier d’un rituel superstitieux est de "donner du sens en établissant un lien entre deux événements qui, en réalité, sont indépendants. C’est une manière de s’adapter à un environnement incertain et de se rassurer". Les superstitions nous permettent ainsi d’avoir l’impression d’exercer un certain contrôle sur ce qui nous entoure et nous aident à reprendre confiance. Et paradoxalement, c’est par l’aspect magique et irrationnel de ces rites que l’on rationnalise un événement.

D'où viennent les superstitions ?

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Beaucoup de superstitions traditionnelles trouvent leurs origines dans la religion. En effet, la superstition implique une forme de croyance qui s’inspire de la religion et de ses rites. Mais elle se distingue des croyances religieuses par le caractère magique et souvent aléatoire des rituels mis en place pour attirer la chance et rejeter la malchance.

Parmi les superstitions les plus connues, beaucoup ont une origine religieuse, souvent négligée aujourd’hui comme l’explique Emmanuèle Gardair. "Le vendredi 13, par exemple, fut longtemps considéré comme maléfique. Cela renvoie à la culture judéo-chrétienne et au récit de la Cène, le dernier repas du Christ avec les douze apôtres relatant la trahison de Judas. Aujourd’hui, l’origine culturelle initiale a souvent été oubliée."

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D’autres exemples le prouvent. Savez-vous par exemple pourquoi passer sous une échelle porte-t-il malheur ? La forme de l’échelle posée contre un mur dessine un triangle, rappelant celui de la Sainte-Trinité dans la religion catholique. Passer sous l’échelle reviendrait donc à profaner ce triangle, ce qui serait un sacrilège et donc une source potentielle de malchance. Et le chat noir, symbole de malheur ? Il pourrait renvoyer à une ancienne tradition catholique qui voyait les chats noirs comme des incarnations du Diable.

Pourquoi y croit-on encore ?

Aujourd’hui encore, la superstition est un phénomène très répandu, alors que contrairement aux siècles précédents, la sorcellerie et la magie sont moins fréquentes dans nos sociétés de plus en plus basées sur la rationalité.

En vérité, d’après Emmanuèle Gardair, "la pensée magique à l’origine de la superstition continue à exister à côté de la pensée scientifique et rationnelle, y compris chez des personnes qui ont bénéficié d’une éducation scientifique. Ce qui change, c’est la forme et la nature des croyances". Se développent en effet de nouvelles formes de superstitions modernes comme l’astrologie, à la limite entre la croyance superstitieuse et la science.

Les anciennes superstitions sont moins fortes qu’avant mais demeurent dans la culture populaire. Certains rites sont ainsi inscrits dans les mœurs, comme le parapluie à ne pas ouvrir à l’intérieur ou le trèfle à quatre feuilles. C’est leur valeur symbolique qui perdure. Et puis, même si rationnellement renverser la salière n’est pas si grave que ça, il vaut mieux, au cas où, jeter une pincée de sel derrière soi. On ne sait jamais…

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