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J’ai toujours eu le sentiment que mes parents entretenaient une relation différente de celle des autres. Ils se montraient distants et s’évitaient soigneusement, alors que nous habitions sous le même toit. Chacun faisait sa vie de son côté. Nous passions rarement nos vacances ensemble, par exemple. Réunis, ils donnaient l’impression d’être aigris, mais lorsque je me retrouvais seule avec l’un d’eux, ils se libéraient. J’ai souvent souhaité qu’ils divorcent. Je me disais qu’ils seraient sûrement plus heureux séparés.
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Petite, j’ai remarqué qu’ils faisaient chambre à part, et ma mère a prétexté que mon père ronflait trop. Bien trop souvent, je l’ai vue l’accabler de reproches, alors qu’il restait froid et impassible. J’avais du mal à cerner leur relation. Lorsque nous étions seules, elle s’en prenait encore à lui : rien de ce qu’il pouvait faire ne trouvait grâce à ses yeux. J’essayais de la calmer, mais elle me reprochait alors de prendre sa défense. Quand ce n’était pas lui, elle s’en prenait aux autres hommes. Très tôt, j’ai appris qu’ils étaient « tous les mêmes, égoïstes, infidèles ». J’ai commencé à développer moi-même une grande méfiance envers eux. Méfiance qui me poursuit encore aujourd’hui.
Un jour, je me suis violemment énervée contre cette femme que je prenais depuis des années pour une garce sans nom, exigeant des explications. Me jugeant suffisamment âgée, elle m’a appris qu’après ma naissance, mon père avait eu une maîtresse et pris la décision de partir avec elle. Cette situation lui a brisé le cœur. Elle a sombré en dépression, fait une tentative de suicide, et a été internée en hôpital psychiatrique. Après sa sortie, mon père s’est senti tellement coupable qu’il a fini par revenir ; mais elle ne lui a jamais pardonné, et il a toujours souhaité être ailleurs. Je ne lui en ai pas parlé, car je ne voulais pas qu’il sache que je le voyais différemment. Il restait mon père, malgré tout.
Je suis devenue plus indulgente avec elle, mais j’ai eu davantage de mal à donner ma confiance, et j’ai cessé de croire en moi. Si mon père avait pu commettre une chose aussi terrible, tous les hommes en étaient capables. Extrêmement jalouse, j’étais persuadée qu’ils me feraient souffrir un jour ou l’autre, et cela me mettait hors de moi. Je fouinais dans le téléphone de mes amoureux pour les prendre en faute. J’essayais de contrôler leur vie, et je pense qu’inconsciemment, je cherchais des garçons dociles, qui me laisseraient jouer au petit chef. Jusqu’au jour où je suis tombée sur un homme qui a pris l’ascendant sur moi et m’a détruite. En faisant des recherches, je me suis aperçue qu’il avait toutes les caractéristiques du pervers narcissique. J’ignore comment j’ai réussi à me sortir de cette relation, mais j’ai eu besoin de nombreuses séances d’acupuncture pour me défaire d’une grande partie de mes traumatismes.
Par la suite, j’ai eu la chance de tomber sur un partenaire patient et gentil, qui m’a aidée à me reconstruire. J’ai fini par me confronter à mes parents, pour leur dire ce que j’avais sur le cœur et à quel point leur relation avait impacté ma vie. Mes craintes n’ont pas toutes disparu, mais je me sens aujourd’hui plus en paix avec moi-même.
(1) A la demande de l’intéressée, le prénom a été modifié