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Bernadette fait partie des “petites retraites”, qui, bien loin de pouvoir se reposer, enfin, après une vie de dur labeur, vivent dans l’angoisse perpétuelle des fins de mois et des charges à payer.
Avec 877 euros de pension mensuelle, il ne reste à cette Rémoise que 15 euros pour vivre tous les mois. Elle s’en sort, mais difficilement : elle a un toit, mange à sa faim, mais ne s’octroie rien d’autre qu’un petit cappuccino au café de la galerie marchande de temps en temps.
877 euros de retraite : "Un morceau de gruyère"
En septembre 2018, Bernadette rencontre Charlotte Leloup, journaliste pour Paris Match, alors que cette dernière réalise un article sur les petites retraites au Secours populaire de Reims, où Bernadette a ses habitudes. “Sur place, personne ne voulait lui répondre quand ils ont su qu’un article allait être publié. Moi j’ai dit OK, ça ne me gênait pas. Je n’avais pas honte de ma situation”, nous confie Bernadette.
Touchée, la journaliste décide de raconter le quotidien de cette retraitée en détail. La vie de Bernadette devient un livre (Un bol de coquillettes et puis voilà, chez Flammarion). Et cette vie est loin d’être simple.
A 77 ans, Bernadette vit avec seulement 877 euros de pension de retraite tous les mois. “Ma vie c’est un morceau de gruyère : il y a beaucoup de trous, et plus de bas que de hauts, mais je ne suis pas de taille à me laisser faire”, nous annonce la retraitée.
Cette petite grand-mère attachante, fan du Che Guevara et de Bob Marley, veut se battre et vivre sa vie dignement. “Je n’aime pas dire que je suis pauvre, mais je fais partie de la classe “d’en dessous”, de ceux qui n’ont pas beaucoup d’argent et pas grand chose pour les aider”, ajoute Bernadette.
877 euros de retraite : le budget de Bernadette
Mais alors, comment faire pour s’en sortir au quotidien avec une pension si maigre ?
Pour cela, Bernadette a adopté au fil des années de nombreux réflexes.
Tout d’abord, dès qu’elle reçoit sa retraite de 877 euros, elle paie immédiatement toutes ses charges : loyer, assurances, électricité. "Bon, après, il ne me reste plus grand chose”, souffle la grand-mère.
Son budget est à peu près établi de la sorte :
- Courses alimentaires : 40 euros
- Loyer : 272 euros
- Mutuelle : 30 euros
- Assurance logement : 17 euros
- Gaz et électricité : 119 euros.
Une fois ses factures réglées, il ne lui reste que 15 euros pour le reste. Alors, elle mange “des potages”, et fait appel à plusieurs associations. “Je me suis adressée à des gens que je connaissais, et on m’a conseillé d’aller au Secours populaire. J’ai eu du mal à y aller au début, je ne voulais pas faire de la mendicité. Mais finalement, cela m’aide beaucoup”, explique Bernadette. Tous les mois, elle va retirer un colis alimentaire au Secours populaire qui lui permet de manger à sa faim.
“Il y a pas mal d’entraide au Secours populaire, c’est très bien et ça me suffit, ajoute la retraitée. Ils m’aident même pour les problèmes de papiers.”
Bernadette, 877 euros de retraite par mois : “Il faut que je compte tout”
Mais les fins de mois sont souvent compliquées pour Bernadette. “J’angoisse beaucoup, nous confie t-elle. Je me dis, il faut que je compte tout : quand je n’ai plus de sous, je regarde dans le congélateur ce que j’ai, je calcule. Hier, je suis allée chercher mon colis, on a été bien servis. Mais on ne nous donne pas beaucoup de viande. Je me débrouille, j’achète des bricoles pour compléter... Il y aussi la lessive, les produits d’hygiène, ça coûte très cher…” explique Bernadette, qui avoue ressentir particulièrement l’inflation de ces derniers mois.
Pour s’habiller, la retraitée, qui adore la mode, ne manque pas de débrouillardise. Elle écume les brocantes, où elle trouve des vêtements pour quelques euros. “Il y a 3 mois, j’étais au supermarché avec une amie, et on a trouvé une offre pour des baskets, il y avait 2 paires pour 15 euros. Alors j’ai dit à ma copine : on prend les deux, ça nous fait 7 euros par personne”, raconte la septuagénaire.
Pour elle, l’entraide est essentielle. “Mes voisins m’ont donné pas mal de petits meubles dont ils voulaient se débarrasser, ce qui m’a permis de meubler mon appartement sans trop dépenser. Sinon je n’aurai jamais pu me payer tout cela”, confie Bernadette.
Elle-même met un point d’honneur à aider les autres, à se sentir utile au quotidien.
Pour prendre ses rendez-vous, elle fait appel à sa famille, car elle n’a pas internet. Ce sont aussi ses enfants qui s’occupent de son linge, de temps en temps, car elle ne dispose pas non plus, faute de moyens, de machine à laver.
Bernadette, 877 euros de retraite par mois : “La dégringolade a été longue”
Bernadette a 11 enfants. Abandonnée par son premier mari, cette ancienne couturière s’est battue, de petits boulots en petits boulots, pour essayer de les élever dignement. Ils ont fini par être placés : elle n’y arrivait pas toute seule. En 2010, puis en 2012 deux de ses fils décèdent brutalement. “ La dégringolade a été longue. Au fil des ans, j’ai perdu beaucoup de monde”, explique Bernadette.
Devenus adultes, certains de ses enfants coupent les ponts avec elle.
“Aujourd’hui, ils ne m’en veulent plus, ils ont lu mon livre et ils ont compris. Tout ça, ils ne le savaient pas”, confie la grand-mère.
“Je ne peux pas les aider financièrement, mais je les aide moralement. Et puis, j’essaie de prévoir, de mettre un peu de côté pour que mes enfants n’aient rien à payer s’il m’arrive quelque chose", poursuit -elle.
Du reste, elle essaie d'être active au quotidien. Tous les matins, elle se prépare un cappuccino, son péché mignon, puis fait un peu de ménage et de rangement. “Ensuite, je me balade, je sors un peu, je ne veux surtout pas rester enfermée. Le soir, je fais des concours de mots croisés : ça m’a déjà permis de gagner pas mal de petites choses !”, s’amuse la retraitée.
Son rêve du moment ? “J’aimerais bien une trottinette. Mais à 390 euros, je sais bien que je ne pourrai jamais me l’offrir", songe la grand-mère, avant d’ajouter : “Si j’avais ne serait-ce que 50 euros de plus sur ma pension, ça serait déjà bien!”.
Avec son témoignage, elle veut briser les tabous autour des retraités “qui se la coulent douce”. “ On est beaucoup à ne pas avoir ce que l’on voudrait. C’est une vie difficile. Et encore, quand j’ai pris ma retraite à 60 ans, je touchais 640 euros, vous imaginez ! Ma pension n’a augmenté que de 200 et quelques euros en 17 ans. Alors que les prix, eux, ont flambé....”, s’indigne la septuagénaire.
“Enfin, je fais selon mes moyens, et je ne suis pas mécontente de moi au final”, conclut Bernadette.
Un bol de coquillettes et puis voilà, ou comment vivre avec une retraite de 877€ par mois, Bernadette et Charlotte Leloup, 19€, Flammarion