De nouvelles règles d’indemnisation entreront en vigueur en avril 2025 et impacteront durement les plus âgés.
Non. Rien ne vient fonder un lien entre immigrés et propagation des punaises de lit. N’attendons pas la fin de l’article pour le dire, ne laissons pas une minute de plus ce malheureux débat tisser sa toile.
On le doit à une question lancée par Pascal Praud sur CNews le 29 septembre. L’animateur de la chaîne s’est interrogé à l’antenne sur un éventuel lien entre la recrudescence des signalements de punaises de lit en France et l’immigration : “Il y a beaucoup d’immigration en ce moment, est-ce que ce sont des personnes qui n’ont pas les mêmes conditions d’hygiène que celles qui sont sur le sol de France qui [les] apportent ?” a-t-il demandé à Nicolas Roux de Bézieux, cofondateur de Badbugs, spécialisé dans la lutte contre les nuisibles. Gêne de l’intéressé, qui a immédiatement répondu par la négative. L’animateur s’est rendu compte rapidement qu’il avait franchi le seuil de l’acceptable, et a assuré en fin d’émission qu’il parlait des touristes : “Parfois, dans les aéroports, il peut se passer des choses avec beaucoup de touristes, qui peuvent transporter des punaises de lit. [Mes propos] n’allaient pas au-delà.” Notons qu’une heure et demie plus tôt, l’animateur parlait de personnes “qui sont dans la rue” ou qui n’auraient “pas accès à tous les services, comme les autres”. Si on est un peu scrupuleux sur la forme, on peut entendre en sous-texte : “les immigrés sont plus sales que nous, vont-ils nous contaminer avec leur vermine ?”
L'Arcom saisie sur les propos de Pascal Praud
Ce débat peut-il induire “par extension une attitude d'hostilité systématique à l'égard d'une catégorie de personnes, déterminée selon son origine”, définition du racisme donnée par le ministère de la Lutte contre les discriminations ? C’est ce que sera chargée de trancher l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), saisie. L’Arcom n’a pas précisé l’identité des auteurs du signalement mais instruira “prochainement” la séquence. “La commission hygiène de CNews s’est réunie pour statuer sur le lien entre vermine et immigration. Pascal Praud se pose la question… De son côté, notre commission juridique se posera celle de la qualification d’un tel propos”, a écrit la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) sur X. “Le racisme désormais en roue libre et sans complexe”, a réagi aussi le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure.
L’extrême-droite a soulevé son matelas et y a trouvé, faute de punaises de lit, de quoi alimenter la méfiance à l’égard de l’immigration. Qui eut cru que l’insecte gros comme un pépin de pomme, ennemi public numéro 1 depuis plusieurs semaines, pourrait servir de tremplin à des discours anti-immigration ? Pourtant, le débat fait rage sur les réseaux sociaux et sur la page Wikipédia France sur les punaises de lit, modifiée de très nombreuses fois en rapport avec la polémique déclenchée par Pascal Praud. Démêlons le vrai du faux.
Les déplacements humains favorisent-ils le déplacement des punaises de lit ?
Commençons par le début. A cette question plusieurs spécialistes répondent par l’affirmative. Le site sante.gouv note également que l’évolution des punaises de lit en France “est liée à l’essor des voyages internationaux”. Les touristes, les immigrés, les Français se déplaçant peuvent donc transporter des punaises sur eux ou dans leurs bagages. Encore que, explique l'enthomologiste Léna Polin à Numerama, une punaise de lit n'a aucun intérêt à rester sur vous et à voyager avec vous après vous avoir piqué. "Les punaises de lit ont été suspectées dans les trains, les cinémas… Mais le comportement de la punaise de lit est d’aller boire du sang, puis de se cacher. Elle n’aurait aucun intérêt à rester sur vous ou dans vos affaires pour rentrer chez vous”.
Les immigrés transportent-ils plus de punaises de lit que les voyageurs ?
On hausse le sourcil rien qu'en l'écrivant. Notons que Pascal Praud n’a pas choisi pas durant son émission d’interroger son interlocuteur sur les voyageurs : il évoque les immigrés. Et ici, aucune étude ne vient au secours de l’animateur. Rien ne permet ainsi d’affirmer que l’immigration se détache du lot et apporte plus de punaises que les autres types de déplacements. Et si chaque déplacement comporte un lot de risque égal de transport de l’insecte, notons ici qu’en 2022, 7 millions d’immigrés vivaient en France selon l’Insee. Sur la même année, la France a accueilli 75 millions de touristes internationaux selon le ministère de l'Economie. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.
L’hygiène est-elle en cause dans la prolifération des punaises de lit ?
Autre point à noter : Pascal Praud attribue aux immigrés une hygiène moindre que celle des Français. D’ailleurs, il associe ensuite les immigrés à des personnes “qui sont dans la rue”. Entre les lignes : “les immigrés amèneraient-ils des punaises de lit parce qu’ils sont sales ?” Planet ne tombera certainement pas dans un débat sur l’hygiène des immigrés, et se concentre sur le rapport entre hygiène corporelle et domestiques et punaises. Là encore, les spécialistes répondent par la négative. “Il n’y a aucun rapport avec l’hygiène, la punaise de lit s’intéresse uniquement à votre sang”, tranche ainsi pour Libération Claudio Lazzari, chercheur à l’Institut de recherche sur la biologie de l’insecte et spécialiste de la biologie des arthropodes hématophages (qui se nourrissent de sang d’autres animaux vivants). "Donc peu importe si c’est une maison modeste ou une villa, si les punaises de lit arrivent à s’installer chez quelqu’un, elles vont, en général, s’y développer." "Pascal Praud a-t-il fait preuve de racisme par sa question ?", ça sera à l'Arcom de trancher. Mais au débat qu'il a déclenché, disons-le encore, bien haut et fort : la réponse est non.