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Une histoire de voiture et d’argent. Éric Dupond-Moretti, surnommé "Ministrator" depuis son arrivée au ministère de la Justice, fait l’objet de révélations embarrassantes, renseigne La Provence, sur la base des informations du journal d’investigation Mediapart. Les pratiques du garde des Sceaux, alors "star des barreaux et des prétoires" ont été questionnées et analysées par nos confrères qui révèlent que ce dernier se serait offert une Maserati en 2013… à l’aide d’honoraires versées par une société offshore basée aux Seychelles. Le hic ? Il n’en aurait jamais été le conseil.
Les faits, il faut insister sur ce point, remontent à une époque où Éric Dupond-Moretti n’était pas ministre. Il n’était alors qu’avocat. La société mise en cause, pour sa part, n’est autre que l’entreprise Exelyum, déjà impliquée dans une affaire d’escroquerie ayant fait plusieurs centaines de victimes, rappelle France 3 sur son site. Au total, la voiture - une Maserati modèle Grancabrio - a coûté 95 158 euros. Elle aurait été payée d’un virement de 75 000 euros, auquel a été ajouté un règlement en liquide de 20 158 euros.
Nouvelle affaire Éric Dupond-Moretti : ce que cela dit de la transparence en France
"Eric Dupond-Moretti a défendu les intérêts d'un client en 2013, ce qui a valu facturation et une perception d'honoraires", a d’abord balayé le cabinet du ministère, avant de détailler : "L'affaire concernant la société Exelyum a été instruite par un juge d'instruction, spécialisé en matière financière, qui disposait de tous les éléments et a procédé à des investigations sans juger pour autant nécessaire d'entendre Eric Dupond-Moretti. Il a acheté sa voiture légalement, l'a utilisée et revendue légalement".
Faut-il tout de même croire qu’une pareille affaire puisse être dommageable pour la transparence de la vie publique ? Peut-être bien.
"En l’état actuel des choses, il est difficile de dire si cette affaire s’avèrera être grave ou non. Tout dépendra de ce que la presse parviendra à trouver. Ceci étant, il est essentiel de rappeler que le manque de transparence est dramatique, à l’échelle de notre société : il produit mécaniquement de la tentation pour les élites, ce qui entraîne ensuite du clientélisme, de la corruption… en bref, du crime en col blanc. De l’autre côté, et c’est bien normal, il engendre et nourrit le soupçon généralisé de la population", rappelle d’entrée de jeu Raul Magni-Berton, enseignant-chercheur en sciences-politique à l’Institut d’Etudes politique (IEP, Sciences-Po) de Grenoble.
D’autant plus que ce n’est pas la première fois que le gouvernement fait face à de dérangeantes casseroles…
Griset, Belloubet, Ferrand, Bayrou… les casseroles du gouvernement
Force est de constater, en effet, que les gouvernements successifs composés durant le mandat d’Emmanuel Macron ont dû faire face à de nombreuses défections… pour cause de rapport étrange à la transparence ! Certains avaient la fâcheuse tendance à oublier de déclarer certains des éléments de leur patrimoine quand d’autres se sont empêtrés dans des affaires - entre autres - de conflits d'intérêts.
Raul Magni-Berton remarque également que la transparence de la vie publique est une notion ardue pour ce gouvernement. "En 2017, alors que je travaillais sur la campagne électorale, j’ai reçu plusieurs rapports d’ONG portant sur les conflits d’intérêts - c’est-à-dire le fait d’avoir deux allégeances ou de concourir à une fonction incompatible avec l’une ou l’autre de ses allégeances - des candidats à l’élection. Emmanuel Macron cumulait 13 conflits d’intérêts, tandis que les autres en affichaient entre 3 et 5, environ", rappelle d’entrée de jeu l’universitaire.
"L’idée de donner des ministères à des spécialistes actifs de leur domaine engendre quasi systématiquement du conflit d’intérêt ; puisque ces derniers ne peuvent être neutres. Ils se positionnent forcément dans un rapport de force. Or, les exécutifs d’Emmanuel Macron se sont tous organisés de cette façon", souligne encore le chercheur. "Il était donc prévisible que de telles situations ou que du clientélisme se développe", tranche-t-il encore.
Ce n’est pas la première fois, cela dit, que les exécutifs Français semblent avoir du mal avec ces notions. Faut-il croire à un problème culturel, quand l’on sait combien la situation peut être différente dans le nord de l’Europe ?
Les hommes politiques sont-ils plus honnêtes dans le nord de l’Europe ?
"La transparence est indispensable, où que l’on soit. Son absence nourrit la fraude, la corruption, le clientélisme. Elle produit aussi des pertes économiques conséquentes et le complotisme est l’un de ses symptômes. Pour autant, la question est moins culturelle qu’elle n’est politique", rappelle d’abord, sans ambages, l’universitaire.
"L’exemple scandinave témoigne de la dimension culturelle du problème, c’est certain. Ceci étant, réduire le souci à ce seul élément, c’est oublier que notre système politique tend à valoriser l’opacité : le président de la République n’est plus le garant des institutions et de la transparence qu’il est supposé être. Il ne rend pas publique les relations entre les parlements, n’explique plus le fonctionnement des organismes qu’il est supposé incarner. Dès lors qu’il prend partie, il rend plus complexe l’exercice des contre-pouvoir", tranche Raul Magni-Berton, qui ne manque pas de prendre en exemple la situation de la presse ; elle aussi déplorable estime-t-il.
"Le financement de la presse par le lectorat baisse. Ce manque de moyen entraîne la baisse des opportunités pour les journalistes de réaliser des enquêtes. Ils sont donc moins efficaces pour combattre l’opacité", juge-t-il.