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"Le Français a le cœur à gauche, mais le portefeuille à droite", affirmait Anatole de Monzie, ancien ministre socialiste des Finances, mort en 1947. Une déclaration restée dans les anales et régulièrement reprise… qui pourrait bien s’avérer assez vrai. Force est de constater, en tout cas, qu’une partie non négligeable des idées de la gauche peine à s’implanter aujourd’hui. A l’inverse, les discours - et parfois même les thématiques ! - de droite semblent profiter d’un boulevard. Tant et si bien qu’un nombre conséquent de personnalités publiques ont d’ores et déjà affiché leur soutien à l’un ou l’autre des candidats de la droite. Valérie Pécresse, récemment investie par Les Républicains, profite aujourd’hui de l’appui de Françoise Hardy, pour qui elle serait "la seule qui dit des choses intelligentes", mais aussi de celui plus inattendu du rappeur Gims.
Un soutien qui détonne, à en croire les chroniqueurs de BFMTV, et peut-être pas pour les bonnes raisons. Sur le plateau des Grandes Gueules, l’entrepreneur Rafik Smati réagissait en ces termes : "Une star qui soutient une personnalité de droite c’est devenu insolite". Pourtant, assure-t-il, il y a à travers le rappeur "beaucoup de jeunes". Si les stars sont de droite, cela signifie-t-il que la France l’est aussi ? "Rappelons qu’au regard de l’histoire politique de la Vème République, il apparaît évident que la droite a plus souvent su prendre le pouvoir que la gauche. En dehors des mandats de François Mitterrand, de celui de François Hollande et de la cohabitation entre Lionel Jospin et Jacques Chirac, c’est toujours la droite qui a été aux manettes", souligne d'entrée de jeu Jean Garrigues, historien spécialiste d’histoire politique, enseignant à l’université d’Orléans et à Sciences-Po.
Les stars sont de droite : la France l’est-elle aussi ?
Cette domination électorale de la droite - sinon idéologique - est difficile à dater, juge l’expert. "L’un des marqueurs fondamentaux de la Vème République, c’est la recherche d’une figure d’autorité qui s’incarne dans le chef de l’Etat. En soi, c’est d’ores et déjà un marqueur de la droite bonapartiste, et c’est l’un des fils conducteurs de notre régime", observe-t-il néanmoins.
S’il fallait retenir une date, cependant, celle-ci remonterait peut-être à la mandature de François Mitterrand. "Après avoir été élu sur un programme très marqué à gauche, François Mitterrand s’est résigné à un tournant de la rigueur en 82-83. C’est une victoire forte de la droite, un tournant idéologique en France", observe l’historien.
La France apparaît donc essentiellement de droite, alors même que la situation actuelle constitue un véritable terreau pour les idées de gauche.
Les Français ont peur : est-ce pour ça qu’ils sont de droite ?
"Il est certain que les périodes de crise génèrent des phénomènes d’angoisse collective ou d'insécurité. C’est le cas aujourd’hui, puisque plusieurs d’entre elles traversent le pays", poursuit Jean Garrigues pour qui les Françaises et les Français font face à trois grandes craintes.
"Il y a d’abord l’insécurité physique. Celle-ci concerne les violences physiques et corporelles que la société est capable d’infliger aux uns et aux autres. Mais il y a aussi l’insécurité culturelle, identitaire, laquelle est intimement liée à l’insécurité sociale. Ces deux thématiques jouent un rôle conséquent dans le débat public et sur la formation de l’opinion", souligne encore le spécialiste, non sans rappeler que la question identitaire s’est invitée sur la scène principale pendant près d’un mois par le truchement d’Eric Zemmour.
"Force est de constater, aujourd’hui, que ces questions qui sont mises en exergues par une crise démocratique et sanitaire, sont avant tout traitées par la droite", juge encore l’universitaire. C’est sans doute pour cela qu’au regard des intentions de votes, la droite (Emmanuel Macron exclu) recueillerait 46% des voix en avril 2022, comme l’explique Harris Interactive.
La France est-elle d’une droite sociale ou néo-libérale ?
Sot, pourtant, serait celui qui croit qu’il n’existe qu’une seule droite en France. Outre l’autorité de l’Etat - ou, au moins, de la figure qui le préside - la famille politique du Général de Gaulle est traversée par différents courants. Parmi lesquels celui du néo-libéralisme. Jean Garrigues, de son côté, identifie plusieurs grands courants. "C’est tout le problème de l’union des droites : il existe beaucoup de nuances et de mouvements spécifiques. Il y a les jacobins, dont on connaît le tempérament dirigiste, la droite sociale que pouvait incarner Philippe Séguin, ou la droite néo-libérale qui s’inscrit dans la défense de l’idée de liberté économique et d’entreprendre".
C’est cette dernière, selon lui, qui s’inscrit le plus dans la logique même de la Vème République. Et pourtant… "La France vient de traverser plusieurs crises. Elle est en besoin de reconstruction et de protection, ce qui signifie que c’est une période propice à l’avènement des idées de gauche. Cependant, la recherche de sécurité les pousse vers la droite, parce que la gauche n’a pas su incarner des valeurs d’identité, d’autorité, de social ou de protection. Ce que l’on retrouve dans le kaléidoscope de toutes les droites", tranche Jean Garrigues.
Et l’historien de conclure sur une note doux-amer pour la gauche : "Les électeurs reconnaissent davantage les idées des formations de gauche dans le Rassemblement national (RN), même s’il est possible qu’elles reviennent en force ; en témoignent 1997 et 2012. La bataille idéologique n’a pas encore été définitivement remportée par la droite et les thématiques de gauche n’ont jamais été tout à fait récupérées".
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